DRUMMONDVILLE
Ces camionneurs dénoncent le fait que le gouvernement contourne ses propres règles en matière de courtage en transport en vrac dans les marchés publics, ce qui, selon eux, ouvre la porte à la collusion, à la corruption, à la fausse facturation, à l’évasion fiscale et à l’atteinte aux normes environnementales.
Des mises en garde ignorées
Lors des audiences publiques sur le projet de loi 62, plusieurs experts, dont Yves Trudel, président de l’Autorité des marchés publics, Caroline Rivard, vérificatrice adjointe du Québec, et Martine Valois, spécialiste du droit des marchés publics, ont mis en garde le gouvernement. Tous ont exprimé leurs craintes de voir réapparaître les dérives dénoncées par la Commission Charbonneau, notamment dans le cadre de nouveaux modes de réalisation de projets en partenariat ou en collaboration.
La Commission avait pourtant démontré que le secteur du camionnage en vrac, lorsqu’il échappe à une régulation économique stricte, représente un terrain fertile pour les pratiques frauduleuses. Malgré cela, certains courtiers à but lucratif continuent d’opérer dans les marchés publics, avec l’aval des autorités.
L’exclusion des camionneurs locaux
Depuis 2012, le ministère des Transports permet aux entrepreneurs de faire appel à tout transporteur pour combler leurs besoins, sans privilégier les camionneurs locaux. Une décision que déplore l’ANCAI, qui constate que des transporteurs de l’extérieur sont souvent favorisés, même dans des projets d’infrastructure attendus depuis des décennies dans plusieurs régions du Québec.
« Ce sont pourtant ces mêmes camionneurs locaux qui, en cas de crise ou d’urgence, sont appelés à intervenir dans des conditions difficiles pour soutenir leur communauté », rappelle l’ANCAI.
Des liens préoccupants avec le crime organisé
Ajoutant à leurs inquiétudes, les camionneurs artisans pointent les récentes révélations médiatiques : plus de 600 entreprises québécoises, dont plusieurs dans le domaine du transport, auraient des liens avec des cartels mexicains, qui utiliseraient ces entreprises pour blanchir de l’argent.
Des demandes claires, mais ignorées
Depuis plusieurs années, l’ANCAI multiplie les représentations auprès du ministère des Transports, du Conseil du Trésor et du ministre responsable des Infrastructures pour réclamer que seuls les courtiers détenant un permis délivré par la Commission des transports du Québec puissent agir dans les marchés publics. Cette mesure vise à assurer la traçabilité des fonds et à encadrer rigoureusement le secteur, comme le prévoit un avis ministériel émis en 2013.
Une incohérence gouvernementale pointée du doigt
L’ANCAI dénonce par ailleurs l’incohérence entre les discours gouvernementaux et les décisions administratives. En août 2019, le Premier Ministre François Legault déclarait :
« Il est souhaitable qu’on commence toujours par utiliser les employés qui habitent [dans la région donnée] […] On est mieux d’avoir les gens qui sont là de façon permanente. »
Pourtant, la Société québécoise des infrastructures (SQI) a récemment cessé d’inclure dans ses contrats les clauses assurant la participation du transport en vrac local, une pratique pourtant en vigueur depuis 15 ans. Une décision prise unilatéralement, sans consultation, qui va à l’encontre des orientations prônées par le gouvernement.
Une mobilisation annoncée
À bout de patience, le conseil d’administration de l’ANCAI a décidé de hausser le ton. Lors de son congrès annuel, qui se tiendra à Saguenay les 8, 9 et 10 mai prochains, les camionneurs finaliseront les préparatifs d’une vaste mobilisation prévue le 14 mai. Plus de 5 000 camionneurs artisans sont attendus sur les routes du Québec et à la Colline parlementaire de Québec pour dénoncer les agissements du gouvernement.
« Le gouvernement n’a qu’à appliquer sa propre réglementation. Nos demandes sont simples, efficaces et sans coût pour l’État », affirme l’ANCAI, qui exige que l’on réserve le courtage en vrac aux organismes accrédités à but non lucratif, soumis à un régime disciplinaire rigoureux.
Le message est clair : pour les camionneurs artisans, le temps des avertissements est terminé. Ils attendent maintenant des gestes concrets du Premier Ministre pour protéger l’intégrité des marchés publics, favoriser les retombées locales et mettre fin à des pratiques qu’ils jugent dangereuses pour l’ensemble du Québec.