DRUMMONDVILLE
Le manque de pharmaciens pénalise les soins en Mauricie et Centre-du-Québec @ Crédit photo Eric Beaupré / Vingt55 Tous droits réservés.
Ce manque criant nuit à l’offre de soins pharmaceutiques, limite l’usage optimal des médicaments et prive le réseau de professionnels capables d’améliorer l’accès aux soins de santé. Pourtant, malgré l’urgence de la situation, le gouvernement tarde à agir. Il refuse d’entreprendre les négociations en vue du renouvellement de l’entente de travail des pharmaciens d’établissement, échue depuis près de deux ans.
« Les pharmaciens d’établissement, qui prennent en charge toutes les activités liées à l’usage des médicaments, sont des acteurs essentiels du réseau de la santé. Afin d’offrir des soins de qualité et sécuritaires aux patients, les établissements de santé doivent être dotés des professionnels nécessaires. Cela passe notamment par le recrutement et la valorisation de la profession », insiste Linda Vaillant, directrice générale de l’A.P.E.S.
Elle exhorte les ministres Christian Dubé et Sonia LeBel à mandater leurs représentants pour entamer les négociations. « Si le gouvernement ne bouge pas, nous n’aurons d’autre choix que d’entreprendre des actions », prévient-elle.
L’A.P.E.S. rappelle que, bien au-delà des postes vacants, des centaines de pharmaciens supplémentaires sont nécessaires au Québec pour garantir une couverture adéquate et équitable en soins pharmaceutiques dans les hôpitaux.
Des soins pharmaceutiques à découvert
Les soins pharmaceutiques en établissement consistent à assurer la prise en charge de la médication des patients hospitalisés ou suivis en clinique ambulatoire par un pharmacien. Cette présence est essentielle pour sécuriser l’usage des médicaments et optimiser leur efficacité.
L’enquête de l’A.P.E.S., réalisée au 1er avril 2024, révèle des taux alarmants de découverture dans trois secteurs clés en Mauricie-et-du-Centre-du-Québec :
- Urgences : 80 % des besoins en pharmaciens pour offrir des soins pharmaceutiques ne sont pas comblés. Pourtant, une part importante des consultations hospitalières est directement liée à des problèmes médicamenteux.
- Soins intensifs et coronariens : 49 % des postes nécessaires demeurent vacants. Ce secteur de soins aigus nécessite une expertise pointue en pharmacothérapie, notamment pour l’administration de médicaments complexes.
- Dialyse rénale : 59 % des besoins ne sont pas satisfaits. Or, les patients dialysés sont particulièrement vulnérables aux effets secondaires médicamenteux en raison de leur capacité de filtration rénale réduite.
Un impact direct sur la qualité des soins
Face à ces constats, l’A.P.E.S. exprime son inquiétude. « Les chiffres sont alarmants, et ce, partout au Québec. Si le gouvernement continue d’ignorer les solutions que nous proposons et celles pouvant résulter de la négociation, la situation ne s’améliorera pas, au détriment des patients et des soins », prévient Julie Racicot, présidente de l’A.P.E.S.
Elle souligne que cette pénurie contribue à :
- L’allongement des délais en urgence et en clinique ambulatoire.
- Une durée prolongée des hospitalisations.
- Une augmentation des incidents médicamenteux et des effets indésirables.
« En revanche, la présence d’un pharmacien au sein de l’équipe soignante permet d’accélérer la prise en charge des patients et d’optimiser leur traitement médicamenteux. Cela contribue au bon fonctionnement du système de santé », ajoute-t-elle.
L’entente de travail des pharmaciens d’établissement du Québec est échue depuis le 31 mars 2023. Depuis près de deux ans, aucune négociation n’a été amorcée, malgré les demandes répétées de l’A.P.E.S.
L’organisation déplore l’inaction du gouvernement Legault, qui freine toute discussion sur les solutions à la crise actuelle. En conséquence, la performance du réseau de la santé et l’accès aux soins sont directement affectés.
L’A.P.E.S. réclame la tenue de négociations afin d’aborder plusieurs enjeux cruciaux, notamment :
- L’attractivité de la profession pour favoriser le recrutement et la rétention des pharmaciens, surtout en région.
- L’amélioration des conditions de travail et la valorisation du rôle des pharmaciens d’établissement.
- La mise en place de mesures de soutien entre établissements souffrant d’un manque d’effectifs et ceux ayant plus de facilité à recruter.
- Un meilleur accès à la formation spécialisée, en facilitant l’entrée au programme de maîtrise en pharmacothérapie avancée, requis pour exercer en milieu hospitalier. L’enseignement à distance pourrait être une solution pour pallier les défis d’accessibilité en région.
Une étude qui met en lumière l’urgence d’agir
L’enquête de l’A.P.E.S. a été menée auprès des départements de pharmacie des établissements de santé québécois. Sur 43 départements, 40 ont participé en 2024, soit un taux de réponse de 93 %.
Les résultats confirment que les pharmaciens en place subissent une pression croissante et que des mesures gouvernementales sont indispensables pour stabiliser le réseau.