DRUMMONDVILLE
Le secteur agricole du Centre-du-Québec, pilier de l’industrie bioalimentaire régionale, traverse une période de grande incertitude. Malgré des statistiques économiques remarquables, les récentes menaces tarifaires et les obstacles structurels alimentent l’inquiétude parmi les producteurs locaux.
Un secteur vital en chiffres
En 2023, le Centre-du-Québec a généré un PIB de 1 325 M$, dont 543 M$ pour l’agriculture. Ces revenus représentent 13 % du PIB québécois dans le secteur bioalimentaire. La région se distingue également par sa capacité à créer des emplois : 18 800 postes ont vu le jour, dont 5 000 directement liés à l’agriculture, positionnant le Centre-du-Québec au troisième rang provincial en termes d’emplois générés.
Des inquiétudes partagées par les acteurs agricoles
Un récent sondage mené par l’Union des producteurs agricoles en 2024 révèle que 53 % des fermes centricoises considèrent la baisse des prix du marché comme un obstacle financier majeur, tandis que 28 % évaluent la santé financière générale de leur entreprise comme mauvaise ou très mauvaise. « Considérant la situation, on ne peut qu’être inquiet pour le monde agricole de notre région », souligne M. Éric Houle, vice-président de la Fédération de l’UPA du Centre-du-Québec.
Analyse des secteurs les plus exposés
Canneberges
Le Centre-du-Québec demeure le premier producteur de canneberges au Québec, représentant 78 % de la production provinciale. Or, 92 % des canneberges fraîches et 39 % des canneberges transformées sont destinées aux États-Unis. La perspective d’une hausse des tarifs douaniers menace la compétitivité de ce secteur, sans compter l’incertitude quant à l’arrivée des travailleurs étrangers temporaires, indispensables aux opérations.
Fruits et légumes frais
Près de la moitié de la production provinciale de fruits et légumes frais est commercialisée sur le marché américain. En raison de leur forte périssabilité et des coûts élevés liés à la chaîne de froid, l’exportation vers d’autres marchés (Europe, Asie) s’avère difficile. Une éventuelle contraction des exportations vers les États-Unis pourrait entraîner une hausse des prix locaux, impactant près de 200 producteurs maraîchers de la région.
Sirop d’érable
Avec 12 % de la production québécoise, le Centre-du-Québec joue un rôle clé dans l’industrie acéricole. Actuellement, 62 % du sirop d’érable régional est exporté aux États-Unis. Une augmentation des tarifs douaniers risquerait de réduire les ventes et de mettre sous pression les prix offerts aux producteurs. « C’est certain que c’est une situation inquiétante, surtout dans un contexte où la production du sirop d’érable battra son plein dans quelques jours. Des producteurs me demandent si ça vaut la peine d’installer leur équipement pour récolter cette année. Pour l’instant, je réponds qu’on doit poursuivre nos activités comme d’habitude parce que rien n’est décidé. Par contre, c’est sûr que ça ajoute du stress à notre début de saison », confie M. Benoît Quintal, président des Producteurs acéricoles du Centre-du-Québec. Par ailleurs, la résine servant à fabriquer la tubulure pour le ramassage de l’eau d’érable, importée majoritairement des États-Unis, pourrait voir son coût augmenter en cas de contre-tarifs.
Porc
Troisième plus grand producteur de porc de la province avec 13 % de la production totale, le Centre-du-Québec voit 35 % de sa viande exportée vers les États-Unis par l’intermédiaire des transformateurs québécois. La hausse des tarifs douaniers pourrait affecter non seulement la vente de la viande, mais également les investissements en machinerie et équipements importés des États-Unis. « Les producteurs de porcs viennent tout juste de se sortir d’une importante crise qui a, malheureusement, laissé des traces. L’impact direct de ces menaces, si elles se concrétisent, est difficile à prévoir pour le moment. Ce serait faux de dire que cette situation ne suscite pas d’inquiétude. Les éleveurs de porcs ont la couenne dure comme on dit, mais cette incertitude est préoccupante », avertit M. David Vincent, président des Éleveurs de porcs du Centre-du-Québec.
Un appel à l’action pour la protection économique et alimentaire
Face à ces défis, la nécessité pour le gouvernement d’intervenir se fait de plus en plus pressante. Il est impératif d’adopter des mesures visant à protéger l’économie et la sécurité alimentaire du pays. En renforçant les mécanismes de protection de l’agriculture et de l’industrie bioalimentaire, le gouvernement garantirait non seulement la résilience face aux défis économiques, mais aussi l’accès à des produits locaux de qualité pour la population canadienne. La gestion de l’offre, essentielle à la stabilité financière des entreprises agricoles, apparaît comme une priorité stratégique dans ce contexte.
Alors que la saison de production bat son plein, les acteurs agricoles du Centre-du-Québec observent avec une vigilance accrue l’évolution de la conjoncture tarifaire. Entre incertitudes liées aux tarifs douaniers et défis logistiques, le secteur reste résolu à poursuivre ses activités tout en appelant à une intervention gouvernementale pour assurer la pérennité de notre garde-manger national.