DRUMMONDVILLE
Denise Boucher, poète, écrivaine et dramaturge, s’est éteinte ce 18 mars 2025, entourée de ses proches. Originaire de Victoriaville, cette figure marquante de la culture québécoise laisse derrière elle une œuvre vibrante et engagée, portée par un féminisme affirmé et un amour indéfectible pour la langue française et l’indépendance du Québec.
Marie-Anne Alepin, présidente générale de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal, lui a rendu hommage :
« Avec Les Fées ont soif, Denise Boucher a non seulement bouleversé le théâtre québécois, mais elle a aussi inspiré des générations de femmes à revendiquer leur liberté. Patriote, poète, parolière, elle était puissante et percutante partout ! J’ai eu le privilège de la connaître et elle m’accompagnera pour le reste de ma propre route. »
Une enfance baignée de culture
Née le 12 décembre 1935 à Victoriaville, Denise Boucher grandit dans un environnement marqué par les arts et la culture. Son père, chef de police, exerce à l’Hôtel de Ville, un lieu qui abrite aussi le cinéma, une salle de concert et le bureau du juge municipal. Pour la jeune Denise, cet endroit devient une fenêtre ouverte sur le monde.
Malgré un milieu modeste, la culture est omniprésente chez elle. Sa mère chante, son père peint et dessine, et des artistes gravitent autour de sa famille. Avec ses frères et sœurs, elle fréquente le Théâtre Victoria, où elle découvre le cinéma et le spectacle vivant.
Élève précoce et passionnée de lecture, elle se démarque rapidement par son talent pour l’écriture. Lorsqu’elle quitte le couvent où elle étudiait, la mère supérieure lui dit :
« On se demande si nous avons une littérature et des écrivains bien à nous, il vous sera offert d’en faire la preuve. »
Et Denise Boucher prouvera, en effet, toute la richesse de la littérature québécoise.
Une œuvre marquante et un engagement sans compromis
Poète et chroniqueuse, elle publie son premier recueil, Cyprine, en 1978, suivi de Grandeur nature (1993) et Boîte d’images (2016). Son livre Retailles (1977) inspire les comédiennes Michèle Magny et Sophie Clément à lui demander d’écrire pour le théâtre, donnant ainsi naissance à Les Fées ont soif. Cette pièce, jouée en 1978, bouleverse le théâtre québécois et provoque une onde de choc dans la société.
Denise Boucher collabore également avec plusieurs artistes, écrivant notamment Jézabel, une tragédie-gospel pour Gerry Boulet en 2003, en partenariat avec Dan Bigras. Elle signe de nombreux ouvrages, dont son autobiographie Une voyelle, où elle invente le pendant féminin du mot « voyou ».
Son engagement politique et social est tout aussi marquant. Militante indépendantiste, elle traverse une barricade entre le Québec et l’Ontario lors de l’adoption de la Loi sur les mesures de guerre. Consciente des risques, elle détruit et avale des documents contenant des noms et des adresses, alors que plus de 400 intellectuels et militants sont arrêtés. Elle-même est arrêtée alors qu’elle se rendait à une soirée, entrant à la prison de Parthenais en tenue de gala.
Une reconnaissance bien méritée
Lauréate du Prix du Poète en 2002, du Prix Adagio en 2015 et du Prix Hommage Québecor en 2019, Denise Boucher n’a jamais cessé de défendre la langue française et la culture québécoise. Elle milite aux côtés de Nicole Boudreau pour la promotion de la Loi 101 et soutient de nombreuses initiatives en faveur du droit de vivre en français au Québec.
Ses mots ont été portés par des voix inoubliables : Pauline Julien, Louise Forestier, Dan Bigras, Chloé Sainte-Marie et Gerry Boulet. Ses textes ont été interprétés par les plus grandes comédiennes, de Louisette Dussault à Monique Mercure.
Aujourd’hui, le 18 mars 2025, Denise Boucher a refermé le dernier chapitre de sa vie, mais son œuvre, elle, restera gravée dans l’histoire du Québec.