DRUMMONDVILLE
Selon les documents obtenus par le Vingt55, l’enquête portait sur le parcours de 140 enfants placés dans une perspective de projet de vie alternatif, un processus qui, dans de nombreux cas, a fragilisé, voire rompu les liens parentaux, au profit d’une admissibilité à l’adoption, en contravention avec les principes de la Loi sur la protection de la jeunesse.
« Les manquements que l’enquête a relevés ont eu des conséquences graves, parfois irréparables, pour certaines familles », a déclaré Stéphanie Gareau, vice-présidente responsable du mandat jeunesse à la CDPDJ. Elle souligne que la Commission recommande de réviser non seulement les 140 dossiers examinés, mais également toutes les décisions de placement ou de mise en adoption rendues depuis janvier 2023. « C’est pourquoi nous insistons aussi sur l’importance d’offrir du soutien aux enfants et aux familles qui pourraient être touchés par les révisions à venir », ajoute-t-elle.
Des constats troublants
Parmi les faits mis en lumière, la Commission note que dans 57 % des dossiers, aucun soutien concret (ressources éducatives, médicales ou communautaires) n’a été proposé aux parents pour faire face aux difficultés soulevées par la DPJ. Pire encore, dans 63 % des cas, des personnes significatives pour l’enfant ont été ignorées ou écartées sans évaluation, malgré leur volonté manifeste d’accueillir l’enfant.
L’enquête relève aussi l’usage problématique des visites supervisées, parfois utilisées comme prétexte pour juger les capacités parentales, au lieu de favoriser les liens parent-enfant. Peu de mesures ont été mises en œuvre pour faciliter ces liens, notamment par un manque d’adaptation aux réalités géographiques ou économiques des familles.
Des réactions et des mesures en cours
La Commission prend acte des admissions de la DPJ à l’égard de plusieurs constats, ainsi que des mesures correctrices déjà amorcées. Parmi celles-ci : la mise sous tutelle de la DPJ de la Mauricie–Centre-du-Québec, ainsi que la demande de réévaluation des dossiers par le ministre responsable des Services sociaux.
« À partir du moment où la Commission fait enquête dans un milieu, il est fréquent que les choses bougent et que des mesures soient prises. Il était cependant important pour nous, compte tenu de la nature organisationnelle du problème, de mener l’enquête jusqu’au bout », a précisé le président de la Commission, Philippe-André Tessier.
Des recommandations au gouvernement
En plus de sa décision transmise à la DPJ du CIUSSS de la Mauricie-et-du-Centre-du-Québec, la Commission a adressé des recommandations officielles au ministre responsable des Services sociaux et au ministre de la Justice, comme le prévoit l’article 23 e) de la Loi sur la protection de la jeunesse. Elle insiste sur la nécessité de mettre en place un plan de formation continue pour l’ensemble des DPJ du Québec.
« La Commission ne peut s’empêcher de faire un constat alarmant : toutes les recommandations des comités d’enquêtes entre 2022 et 2024 visaient la mise à niveau des connaissances du personnel », a affirmé Mme Gareau. Elle souligne également que près de 30 % des interventions correctrices en 2024-2025 visaient aussi cette mise à niveau : « Il s’agit d’un enjeu majeur qui préoccupe grandement la Commission », conclut-elle.
