Chronique historique d'André Pelchat
Plus cultivé que la moyenne des colons, il se piquait de poésie. Un certain nombre de ses poèmes a survécu. Le notaire St-Amant, un des premiers historiens de la région, en a traduit quelques-uns, on y trouve des perles telles que ceci :
Dans ma jeunesse, je fus nourri pauvrement et grondé souvent,
je travaillais le jour et lisais la nuit et le dimanche;
je n’ai jamais rien dit ou fait avec mauvaise intention,
protégeant toujours ce qui était bon.
J’ai vécu bien des années de misère, industrieux et gai,
sans domicile, j’ai vu des méchants, des brutes, de sales
bêtes maudissant les personnes qui bénissaient la raison
humaine.
L’homme semblait avoir un penchant certain à l’auto-apitoiement. Cependant, St-Amant, dans sa traduction, n’a pas respecté l’une des originalités de Brainard. Celui-ci écrivait ses poèmes au son ! Un exemple:
Sum pepil me thinc I’m rong in mi mind
Such lessons az these I never coud find
It is the reol sownd I’m spelin
No boucs haz it dun olwa’s truth telin
Ce personnage excentrique s’absentait fréquemment de la pension où il demeurait avec son frère Lorenzo Franklin Brainard. Leur mère, Nancy Heard, habitait chez elle et gardait les enfants de Lorenzo. William possédait un revolver et revenait toujours de ses absences avec « une bourse bien garnie ».
Certains témoins disent que son comportement avait changé peu de temps avant les évènements et qu’il paraissait « fou ». Le 26 avril, Lorenzo est en visite chez sa mère quand, vers 21 heures, William surgit, accusant sa mère d’avoir falsifié le testament de leur père, le privant de son héritage. Il brandit son revolver et tire sur sa mère, puis sur son frère qu’il blesse. Selon Charles, Brainard, âgé de six ans, qui est témoin d’une partie de la scène. Lorenzo parvient à désarmer son frère après une courte lutte. William crie qu’il veut « tuer toute la famille », jure de se venger et sort de la maison. Nancy Heard mourra de ses blessures, non sans avoir eu le temps de faire une déposition recueillie par le juge de paix Patrick McCabe.
Un huissier de Drummondville est envoyé pour arrêter Brainard, il n’y avait pas de corps de police à l’époque, mais il s’arrête si souvent en route pour prendre un verre, (pour se donner du courage ?) que Brainard a amplement le temps de s’enfuir aux États-Unis.
L’histoire aurait pu s’arrêter là car il n’y avait pas de traité d’extradition à l’époque entre le Canada-Uni et les États-Unis. Mais, pour une raison inconnue, l’assassin revient à Wickham en 1860. Il est vite reconnu et on l’arrête à Lennoxville. Son procès a lieu à Trois-Rivières. Ses avocats plaident, en vain, l’aliénation mentale. Il est condamné à mort et pendu, à la prison de Trois-Rivières, le 26 octobre 1860.
Pour en savoir plus :
Saint-Amant, Joseph-Charles
Un coin des Cantons de l’Est
Drummondville, La Parole,1932,534 p.
Veillette, Éric
Les homicides au 19e siècle dans le district judiciaire de Trois-Rivières
10 juin 2019
Historiquement logique, 10/05/2021
Photo : La vieille prison de Trois-Rivières Par Fralambert — Travail personnel, CC BY-SA 3.0,
Le Centre d’écoute et de prévention suicide Drummond partenaire Vingt55