DRUMMONDVILLE
M. Michel Daneault, pour Autobus Girardin, Mme Véronique Dubé, pour Autobus Thomas et Alain Carrier maire de Drummondville © Entrevue Eric Beaupré / Vingt55. Tous droits réservés.
C’est en effet ce qu’a dénoncé le maire de Drummondville, Alain Carrier, en présence des dirigeants des deux entreprises majeures et leaders dans l’industrie du transport scolaire, Autobus Girardin et Autobus Thomas, toutes deux situées à Drummondville.
Le maire n’a pas hésité à pointer du doigt la décision du gouvernement du Québec, qui exclut d’entrée de jeux du programme les deux entreprises de la région, pourtant chefs de file en matière de transport scolaire. Cette situation favorise, d’ailleurs, une entreprise de la région de Saint-Jérôme qui détient 1 % du marché et qui se qualifie actuellement seule dans le programme mis de l’avant par le gouvernement du Québec.
Soulignant l’adhésion de la Ville de Drummondville aux orientations du gouvernement du Québec quant à la lutte aux changements climatiques et à la réduction des gaz à effet de serre (GES), M. Carrier, maire de la Ville de Drummondville et président de la Société de développement économique de Drummondville (SDED), accompagné de M. Michel Daneault, vice-président Ventes et service – Est du Canada pour Autobus Girardin, et de Mme Véronique Dubé, vice-présidente d’Autobus Thomas, sont préoccupés, voire inquiets, des moyens restrictifs et protectionnistes mis en place dans le cadre du nouveau Programme d’électrification du transport scolaire du gouvernement du Québec, annoncé en avril dernier.
En fait, ce Programme comporte des enjeux économiques importants pour Drummondville et sa région. Entre autres, il est maintenant exigé que l’assemblage des véhicules scolaires électriques soit fait au Canada afin de bénéficier de la subvention lors de l’achat. Il s’agit d’une mesure pour le moins étonnante et inéquitable qui aura des effets dévastateurs pour les deux entreprises drummondvilloises.
L’autre enjeu majeur pour ces entreprises se trouve dans le Projet de règlement modifiant le Règlement sur les véhicules routiers affectés au transport des élèves, qui interdira la vente de véhicules à combustion dès le mois d’août 2021.
Graves iniquités
Le gouvernement l’a bien compris, le plus grand défi de l’électrification des transports réside dans le coût d’acquisition des véhicules, d’où la mise en place d’un programme de subvention financé par le ministère des Transports en ce qui a trait au transport scolaire. Or, tout en déclarant que le but des mesures envisagées est d’accélérer l’électrification des transports scolaires pour réduire les GES, le programme de subvention proposé fait en sorte que seules les entreprises qui font l’assemblage au Canada pourront bénéficier de l’aide financière nécessaire pour soutenir l’électrification.
Le Programme d’électrification du transport scolaire, d’une durée de trois ans, vient donc changer complètement la dynamique du marché des autobus scolaires au Québec en excluant des entreprises d’ici bien établies pour en favoriser une autre, située dans les Laurentides.
« Il est primordial que le programme d’aide financière soit modifié rapidement pour inclure les fabricants de l’extérieur du Canada avec lesquels nos distributeurs font affaire, a déclaré le maire de la Ville de Drummondville, M. Alain Carrier. Pour les automobiles électriques, l’acheteur est éligible à une subvention même si son véhicule a été fabriqué à l’extérieur du Canada. Pourquoi n’en serait-il pas de même pour les autobus électriques? »
De fait, l’aide financière n’est pas pleinement accessible aux distributeurs drummondvillois ni aux autres manufacturiers qui font l’assemblage d’autobus ailleurs qu’au Canada. Ces entreprises représentent pas moins de 98,7 % du parc d’autobus au Québec.
Il est difficile d’accepter d’emblée qu’une aide financière à portée si limitée permette d’atteindre l’objectif. Les considérations du gouvernement quant à la mise en œuvre des mesures envisagées devraient dépasser les intérêts d’une seule entreprise. Comme les mesures envisagées éliminent instantanément pratiquement toute concurrence en matière d’autobus électrique, il est à prévoir que le prix de vente des autobus augmentera en conséquence.
« De l’avis de la Ville et de la SDED, on ne parle pas de création d’emplois, mais plutôt d’un déplacement. Ce serait « déshabiller Pierre pour habiller Paul ». Le gouvernement dépensera plus que nécessaire afin de favoriser l’électrification du transport scolaire s’il ne permet pas à tous les fabricants et distributeurs de bénéficier du programme de subvention. À défaut, ce sont des centaines d’emplois au Québec qui seront mis en péril, tant chez les distributeurs que chez les concessionnaires », a affirmé le maire Alain Carrier, qui a personnellement pris soin de sensibiliser les députés locaux à ces enjeux, tout comme le premier ministre du Québec et le ministre des Transports, d’ailleurs.
Difficultés de mise en œuvre du Règlement
D’autres inconvénients majeurs sont également à prévoir pour les distributeurs d’autobus et les transporteurs scolaires. Pour les transporteurs, la rentrée scolaire 2021 s’amorcera dans moins de deux mois. Cette industrie saisonnière s’appuie sur la capacité de production des fabricants et du volume de livraison des concessionnaires.
Les transporteurs scolaires sont donc déjà liés par des ententes contractuelles et des engagements financiers, de l’ordre de dizaines de millions de dollars avec leurs concessionnaires drummondvillois, signés depuis l’automne 2020 pour l’acquisition d’autobus scolaires à livrer tout au long de l’année 2021. De nombreux autres distributeurs se retrouvent coincés dans la même situation. Ces acquisitions permettraient aux transporteurs de remplir leurs obligations contractuelles avec les centres de services scolaires lors de la rentrée scolaire 2021.
Si aucun changement n’est apporté au Règlement, tout cet inventaire aura été constitué vainement, ce qui représente des pertes financières potentielles considérables pour Autobus Girardin et Autobus Thomas, au profit d’un nouvel engouement pour les autobus électriques.
À cet effet, la Ville ainsi que les deux entreprises drummondvilloises déplorent que les acteurs majeurs de l’industrie n’aient pas été consultés par le gouvernement du Québec dans l’élaboration de son Projet de règlement modifiant le Règlement sur les véhicules routiers affectés au transport des élèves. En effet, Autobus Girardin et Autobus Thomas n’ont pas été interpellées.
« Il y a une très grande iniquité dans ce projet de règlement, a estimé M. Michel Daneault, vice-président ventes et service – Est du Canada chez Autobus Girardin. Ce qui est incompréhensible, c’est que pour accélérer le déploiement des autobus électriques et atteindre les cibles de réduction de GES, le gouvernement a décidé d’exclure volontairement trois concessionnaires qui détiennent 99 % du marché
des autobus scolaires au Québec. La création d’une table de concertation comptant sur la participation de tous les acteurs de l’industrie, soit les associations, les concessionnaires et les fabricants, est selon nous l’avenue à privilégier pour permettre une transition positive vers l’électrification du transport scolaire. »
« Nous croyons que les moyens d’arriver à nos ambitions collectives nécessitent d’être mieux réfléchis, avec l’apport de toutes les parties prenantes », a renchéri le maire de la Ville de Drummondville, fier que Drummondville soit « La Capitale de l’autobus scolaire » au Québec.
Délai supplémentaire réclamé
Pour faire face à la réalité du marché, il importe de repousser la date d’entrée en vigueur du Règlement au 31 octobre 2021 ou à une date ultérieure. Ainsi, les distributeurs seront assurés de disposer des autobus, minibus ou des stocks nécessaires pour débuter l’année scolaire 2021, permettant ainsi aux transporteurs de respecter leurs obligations contractuelles et d’assurer un service de transport scolaire de qualité et sécuritaire.
« Les critères actuels du Programme d’électrification du transport scolaire viennent réduire, pour ne pas dire éliminer, le nombre d’opportunités de vente de véhicules électriques pour Autobus Thomas, une entreprise familiale fondée au Québec en 1980. Dans sa forme proposée, le Programme aurait des impacts négatifs, catastrophiques sur Autobus Thomas, une entreprise qui emploie plus d’une cinquantaine de personnes, ainsi que sur le tissu économique de Drummondville. Nous souhaitons que le gouvernement du Québec révise ses critères afin de permettre une saine concurrence », a réagi Mme Véronique Dubé, vice-présidente opération chez Autobus Thomas. « À titre de fleuron du transport scolaire québécois, Autobus Thomas participe à la vitalité économique de la région de Drummondville avec 50 emplois directs et 250 indirects bien payés. Nous sommes un acteur important pour le développement économique de la région et de la province en participant au secteur stratégique de l’électrification des transports. Le critère d’assemblage au Québec exclut injustement nos produits et amène l’industrie vers un quasi-monopole. Le message du gouvernement est contradictoire puisqu’il demande aux entreprises de venir investir ici pour la recherche et l’innovation des batteries, mais sans accepter leurs produits. »
La solution pour une saine compétition
« Deux solutions s’offrent au gouvernement pour corriger cette injustice et assurer une saine compétition dans l’industrie », ont par ailleurs précisé Mme Dubé et M. Michel Daneault en entrevue au vingt55. « Tout d’abord, l’admissibilité de tous les autobus scolaires électriques de marques ayant une place d’affaires importante au Québec doit être intégrée dans le Programme d’électrification du transport scolaire. De plus, l’échéancier du Programme doit être révisé pour tenir compte des inventaires des entreprises afin que tous les véhicules vendus avant le 31 décembre 2021 ne soient pas assujettis », précise M. Daneault.
« Le gouvernement de M. Legault est rempli d’entrepreneurs. Je suis certain qu’ils comprennent l’importance de favoriser une saine compétition pour assurer l’innovation dans l’industrie à travers le Québec. D’ailleurs, nous souhaitons participer activement à la relance économique, qui plus est, avec des produits qui contribuent à l’atteinte des objectifs de développement durable du gouvernement. Les modifications que nous demandons sont tout à fait cohérentes avec les positions, les valeurs et les ambitions du gouvernement Legault », ajoute Mme Dubé.
Du côté des élus municipaux, autant le ministre André Lamontagne que le député Sébastien Schneeberger se sont dit bien au fait de la situation.
Entrevue téléphonique avec le ministre et député de Johnson André Lamontagne
Pour sa part, le député Sébastien Schneeberger confirme également avoir demandé un report de la date butoir qu’impose le programme afin de tenter, assure-t-il, de permettre aux deux entreprises de la région de faciliter les échanges et les ententes avec le gouvernement et ministre responsable, François Bonnardel, et les deux entreprises de la région.
M. Michel Daneault, pour Autobus Girardin, Alain Carrier maire de Drummondville et Mme Véronique Dubé, pour Autobus Thomas © Crédit photo Eric Beaupré / Vingt55. Tous droits réservés.