DRUMMONDVILLE
Rencontrée en entrevue, elle explique qu’en tant qu’enseignante en histoire au secondaire dans la région, elle était intéressée par la politique provinciale en tant que militante du PQ, en plus de s’occuper du journal étudiant et du conseil étudiant. Enseignant à Marie-Rivier et au Collège Saint-Bernard, elle ajoute : « J’étais habituée à un milieu de garçons ». À priori peu intéressée par la politique municipale, elle reçoit un mandat du ministère des Affaires municipales pour travailler à la mise sur pied des MRC de la région 04-Sud, ce qui impliquait des plans d’aménagement qui prévoyaient que les municipalités devraient faire des plans d’urbanisme.
Réaliser que les villes devraient désormais prévoir et planifier leur développement, elle dépose son rapport en 1981 et se lance en politique, se présentant comme conseillère municipale à Drummondville, poste qu’elle remporte en 1983. Elle est la première femme conseillère à Drummondville et, à l’époque, la seule. « Deux femmes s’étaient présentées à l’époque et l’une a été élue. Le message que j’en retiens est que les électeurs et électrices n’avaient pas d’objection à élire des femmes. C’étaient les femmes qui hésitaient à se présenter ». Elle ajoute que c’est précisément pour cela qu’à l’Union des municipalités fut créé le comité « Femmes et gouvernance » pour inciter les femmes à se présenter.
À la fin de son premier mandat, Mme Ruest-Jutras trouve le climat assez désagréable à l’Hôtel de Ville et hésite : se présenter à la mairie ou rentrer chez soi ? Ayant pris goût à la politique, elle se présente à la mairie et est élue en 1987, à un moment difficile pour la ville. Drummondville est en phase de désindustrialisation avec le secteur textile, dominant depuis des décennies, qui est en sérieuse difficulté. L’image de la ville est désastreuse : un article de L’Actualité parle de « Drummondville : une ville à l’agonie » et Drummondville est une des cibles préférées du magazine humoristique CROC. D’abord, « changeons l’image » dira la nouvelle mairesse. Heureusement, la ville possède un bon tissu entrepreneurial et, en incitant tous les intervenants à travailler ensemble, on obtient des résultats, Drummondville étant même cité comme un exemple de diversification économique. Elle considère le dossier de la diversification économique de Drummondville comme l’un de ses plus importants.
Elle compte également comme une grande réussite l’installation d’un campus de l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR). « Celui-là, j’ai eu peur de manquer de temps, mais finalement ça a marché ! » confie-t-elle. Mais finalement, le projet est officiellement accepté par la Première ministre Pauline Marois en 2013. Elle cite aussi parmi ses dossiers majeurs : la Maison des Arts et le développement de l’industrie touristique.
« Il y a aussi les regroupements municipaux, ce qui n’est pas négligeable car cela a permis d’augmenter la population de Drummondville, mais aussi de mieux planifier le développement et l’aménagement », dit-elle. Mme Ruest-Jutras a aussi été la première femme à présider l’Union des Municipalités du Québec. Elle y travaillera, entre autres, à favoriser la participation des femmes en politique. Elle avoue être assez contente des résultats : « Il suffit de regarder l’actualité et de voir le nombre de femmes qui occupent des mairies ». L’Union créera d’ailleurs un prix à son nom, le Prix Francine Ruest-Jutras, pour souligner l’apport des femmes en politique. « Un grand honneur ! » commente-t-elle. Elle était en poste lors de la période des fusions municipales et a défendu les fusions contre les partisans des défusions. Elle occupera aussi le poste de préfète de Drummond à quatre reprises et présidera la conférence régionale des élus du Centre-du-Québec.
En dehors de la politique, Mme Ruest-Jutras participera, entre autres, aux conseils d’administration d’Hydro-Québec et de l’Institut de Recherche sur les PME de l’UQTR.
En 2013, elle quitte la vie politique. De quoi est-elle le plus fière ? « Le changement d’image de Drummondville, qui a permis de créer un sentiment d’appartenance », est la première chose qu’elle mentionne. Durant ses 26 ans à la mairie, Drummondville a beaucoup changé : essor démographique, création d’emplois, etc. « Parce qu’on a travaillé tous ensemble », précise-t-elle.
L’heure de la retraite complète n’avait cependant pas encore sonné pour Francine Ruest-Jutras : en 2015, elle est élue présidente du conseil d’administration de l’UQTR. Elle quitte cependant l’année suivante, pour « prendre du temps avec sa famille » et… se remettre au piano.
Elle siégera un temps sur le conseil d’administration de l’UQTR avant de prendre sa retraite définitive mais, pour Drummondville, c’est une époque qui s’achève en 2013 avec le départ d’une femme qui a contribué à briser plusieurs « plafonds de verre ».