DRUMMONDVILLE
À la suite d’une crue des eaux et d’importantes inondations survenues en mars dernier, Hydro-Québec a dû procéder, pour la première fois en plus de 35 ans, à l’évacuation d’urgence du personnel affecté au barrage de Drummondville, une mesure exceptionnelle. Bien que l’intervention ait été réalisée à titre préventif, selon la société d’État, l’absence de communication publique immédiate soulève aujourd’hui des questions parmi la population, notamment sur les seuils de sécurité, les procédures d’urgence et la transmission de l’information en situation de crise.
Évacuation d’urgence du barrage lors des inondations : une première, confirme Hydro-Québec en entrevue au Vingt55. @ Crédit photo Éric Beaupré / Vingt55, Tous droits réservés.
Des citoyens touchés par les inondations expriment leur inquiétude face à cette situation, qui est passée sous silence au moment des événements. La crue exceptionnelle des eaux a causé des dégâts considérables et conduit à cette mesure inédite. Hydro-Québec a confirmé qu’il s’agissait d’une première en 35 ans selon ses données internes.
Alors que la Ville de Drummondville et le Service incendie avaient été avisés de la situation, plusieurs citoyens, notamment dans le secteur du camping de Saint-Bonaventure, déplorent de n’avoir reçu aucune alerte spécifique sur les risques encourus. Les inondations ont frappé de plein fouet plusieurs secteurs de la ville, certains étant épargnés, d’autres subissant d’importants dommages amplifiés par la pression des glaces et des embâcles. C’est dans ce contexte que la société d’État a dû évacuer ses installations le 17 mars dernier, par mesure préventive, face à la montée rapide des eaux et à la pression accrue sur la structure du barrage.
Des inquiétudes légitimes exprimées par la population
Contacté par de nombreux citoyens, Vingt55 a recueilli les témoignages de résidents inquiets. Ceux-ci estiment que l’évacuation du barrage aurait dû être rendue publique sans délai. Certains, ayant perdu tous leurs biens lors de l’inondation du camping de Saint-Bonaventure, s’interrogent : « S’il y avait un risque pour les employés d’Hydro-Québec, il devait forcément y avoir un risque pour nous aussi. Pourquoi n’avons-nous pas été avertis ? » déplore Mme Dugas, une résidente de Saint-Bonaventure rencontrée par Vingt55.
« Le camping a été complètement emporté par les eaux. Personne ne nous a avisés, personne n’a eu le temps de sauver quoi que ce soit. Peut-on imaginer ce qui serait arrivé en cas de rupture du barrage ? » ajoute-t-elle.
Ce questionnement est renforcé par les récentes recommandations de la coroner Andrée Kronström. À la suite du décès tragique de deux pompiers volontaires à Saint-Urbain en mai 2023, également lié à des inondations, la coroner avait insisté, dans une entrevue accordée au Vingt55, sur l’importance d’une communication proactive envers la population. Elle avait souligné que l’absence de plan connu, de coordination et d’informations claires avait contribué à aggraver la situation dans ce drame.
Les réponses d’Hydro-Québec et de la Ville de Drummondville
Interrogée par Vingt55, Marie-Elaine Laroche, conseillère aux relations avec le milieu chez Hydro-Québec, confirme que l’évacuation du 17 mars avait été décidée à titre préventif : « Afin de garantir la sécurité de nos employés, Hydro-Québec peut évacuer ses installations lorsqu’un certain débit ou niveau d’eau est atteint. C’est ce qui s’est produit le 17 mars. » Elle précise que cette procédure est prévue pour chaque installation, bien qu’une telle évacuation demeure exceptionnelle.
Selon Hydro-Québec, aucun événement similaire n’avait été enregistré depuis plus de 35 ans, depuis que les données sont systématiquement colligées. La société d’État soutient que cette évacuation ne représentait pas un danger immédiat pour les citoyens : « Nos installations sont télésurveillées et télécommandées depuis notre centre de téléconduite de Trois-Rivières. Pendant l’évacuation, des employés étaient également présents en bordure de rivière pour assurer une surveillance continue », précise Mme Laroche.
Évacuation d’urgence du barrage lors des inondations : une première, confirme Hydro-Québec en entrevue au Vingt55. @ Crédit photo Éric Beaupré / Vingt55, Tous droits réservés.
Concernant la communication, Hydro-Québec indique que l’information relative aux mesures d’urgence est transmise à la Sécurité civile, laquelle évalue ensuite la nécessité de diffuser des avis au public.
De son côté, Dominic Villeneuve, directeur des communications de la Ville de Drummondville, confirme au Vingt55 que la Ville avait été informée de la situation en fin de matinée le 17 mars. Il souligne que le Plan particulier d’intervention (PPI) avait été activé dès le 16 mars, avec des appels à la vigilance diffusés via le site Internet municipal, l’application mobile et les réseaux sociaux, et relayés par les médias locaux. Cependant, la Ville précise que la communication spécifique concernant l’évacuation des installations d’Hydro-Québec relevait de la société d’État.
Un dispositif d’urgence existant mais non déclenché
Selon Hydro-Québec, l’évacuation préventive n’avait pas d’impact immédiat sur la sécurité publique. Les installations sont demeurées stables et sous surveillance technique. Une inspection rapide a confirmé l’intégrité des structures, permettant aux équipes de regagner leur poste peu après.
En cas de rupture ou de détérioration majeure, la Ville de Drummondville assure qu’un plan d’urgence était prêt à être activé. Celui-ci prévoit notamment le déploiement de quatre équipes spécialisées en sauvetage nautique, l’appui d’une équipe de Saint-Hyacinthe et, si nécessaire, la diffusion d’alertes via patrouilles, appels automatisés, courriels, SMS et notifications mobiles. Or, cette phase n’a pas été déclenchée, les autorités considérant que, malgré la criticité de la situation, les conditions restaient sous contrôle.
Malgré les explications fournies par Hydro-Québec et la Ville, plusieurs citoyens demeurent préoccupés par l’absence d’une communication précise et directe en situation d’urgence, même imprévisible. À leurs yeux, le simple fait qu’une évacuation du barrage ait été jugée nécessaire aurait dû suffire à déclencher une alerte officielle. Ils s’interrogent sur la rapidité et l’efficacité des mesures d’urgence, estimant qu’un barrage, dans de telles circonstances, pourrait révéler des vulnérabilités importantes et aurait pu représenter un risque difficilement gérable pour les citoyens, même avec l’intervention rapide de quelques équipes de pompiers, et ce malgré la meilleure volonté des services d’urgence.
Comme le rappelle la coroner Andrée Kronström, des mesures claires et des informations précises peuvent éviter des risques inutiles. Parfois, la meilleure façon de protéger les pompiers consiste à limiter les interventions dans des situations extrêmes, dans l’intérêt même de leur sécurité. De plus, souligne-t-elle, si des mesures sont en place pour répondre à un risque élevé ou à une catastrophe potentielle, leur activation rapide et leur communication efficace demeurent essentielles pour protéger la population.
Les inondations et l’embâcle, survenus dès le 31 décembre, auraient aussi dû être mieux gérés selon plusieurs sinistrés, dont certains déplorent avoir tout perdu. La situation souleve des questions sur les seuils d’information publique, les responsabilités partagées entre les instances et l’importance d’une préparation rigoureuse en cas de catastrophe naturelle de grande ampleur

Évacuation d’urgence du barrage lors des inondations : une première, confirme Hydro-Québec en entrevue au Vingt55. @ Crédit photo Éric Beaupré / Vingt55, Tous droits réservés.