DRUMMONDVILLE
Jean-Sébastien Bourré, votre chroniqueur culturel pour le Vingt55, a assisté mardi dernier à la première médiatique de la pièce Janette, présentée au théâtre Jean-Duceppe de la Place des Arts, à Montréal. Ce spectacle, qui retrace les cent dernières années du Québec à travers la vie de Mme Janette Bertrand, laquelle a célébré son centième anniversaire en grande pompe le 25 mars dernier, est tout simplement grandiose.
Jean-Sébastien Bourré, votre chroniqueur culturel pour le Vingt55, a assisté mardi dernier à la première médiatique de la pièce Janette, au théâtre Jean-Duceppe de la Place des Arts de Montréal
En toute sincérité, je suis ressorti soufflé du théâtre Jean-Duceppe en raison des nombreuses émotions vécues durant 1 h 50 (sans entracte!) et de la performance grandiose de Guylaine Tremblay, qui ne nous offre rien de moins que la vraie Janette dans une interprétation authentique et brillante de cette grande dame, qu’elle reprend, pour ne pas dire imite, à la perfection. En écoutant les gens discuter vers la sortie du théâtre, ces constats étaient unanimes.
Depuis ce soir de première, je ne peux m’empêcher de dire aux gens de mon entourage qu’il s’agit certainement de la meilleure pièce de théâtre des cent dernières années! Assister à une représentation de Janette avec Janette elle-même dans la salle ne relève ni plus ni moins que d’un grand privilège de la vie. Lorsqu’elle est montée sur scène pour rejoindre toute la distribution et que Guylaine et elle se sont serrées dans leurs bras – deux Janette pour le prix d’une! –, Janette Bertrand était émue, et ce, même si elle voyait la pièce pour la deuxième fois.
Janette s’est exprimée ainsi au public, le faisant rire, puis suscitant une salve d’applaudissements : « La première fois [que j’ai vu la pièce], j’ai pleuré quasiment tout le temps. Là, j’ai ri, parce que ça pas de sens, être assise dans la salle et voir sa vie se dérouler – je suis même pas morte! (rires du public) […] la pièce est merveilleuse […], c’est une pièce extraordinaire, les comédiens sont bons, vraiment, je suis émue […]. Je souhaite longue vie à cette pièce parce que vous êtes trop bons », conclut-elle en parlant aux comédiens, dont sa véritable petite-fille, Zoé Lajeunesse-Guy, qui fait partie de la distribution.
Un texte magnifiquement ficelé
Le texte signé de la plume sensible et bien aiguisée de l’autrice Rébecca Déraspe est extraordinairement bien ficelé, ne comportant aucune longueur et possédant un rythme parfait pour dépeindre la vie de Mme Bertrand à travers l’histoire du Québec des cent dernières années. Mme Déraspe a relevé l’exploit de capter à merveille l’essence même de Janette Bertrand dans son franc-parler. Le texte reposant sur des entretiens qu’a eus Mme Déraspe avec Mme Bertrand, il ne fait aucun doute que l’autrice a dû trier l’information pour n’en retenir que l’essentiel, tout en nous donnant l’illusion de couvrir l’entièreté de cette vie exceptionnelle. Celle-ci est d’ailleurs célébrée tout en justesse et sensibilité dans cette pièce unique. Définitivement, Rébecca Déraspe devrait recevoir de nombreux prix pour ce texte théâtral tout simplement parfait.
Ce texte, magnifiquement interprété par une distribution à laquelle on ne changerait rien, nous amène à explorer toutes les gammes d’émotions, passant aisément du drame à la comédie pour illustrer les différents moments de vie de Mme Bertrand. Il est question tant du drame vécu par cette grande dame avec sa maman qui ne l’aimait pas – de qui elle a tout voulu être aimée, elle qui dit être allée jusqu’à apprendre à cuisiner pour lui plaire –, que de la rencontre des deux grands amours de sa vie, Jean Lajeunesse et Donald, son conjoint actuel, qui sont dépeintes avec humour. Il s’agit d’un véritable cours d’histoire en accéléré que devraient voir tous les jeunes Québécois.
Sans nécessairement passer par chacune de ces cent années, ce qui aurait été un peu long, l’autrice a choisi de raconter des moments importants de la vie de Mme Bertrand en faisant des sauts dans le temps. Cela nous permet ainsi de revisiter notre histoire collective, que Mme Bertrand a commencé à marquer dès son arrivée à la radio dans les années quarante, avec son mari, Jean Lajeunesse. Redonner de la théâtralité à un parcours de vie aussi riche relève de l’exploit et le texte a été bien exploité par le metteur en scène, Jean-Simon Traversy, qui propose une scène de style cabaret avec des tables pour des spectateurs qui sont nourris de petits plats, de l’entrée au dessert, parmi les préférés de Mme Bertrand. Rien ne sonne faux et tout est à sa place dans cette pièce. C’est autant « Janette veut savoir », que « Janette reçoit » et que « Janette redonne ». À la hauteur de cette femme qui n’a jamais oublié d’où elle venait.
Jean-Sébastien Bourré, votre chroniqueur culturel pour le Vingt55, a assisté mardi dernier à la première médiatique de la pièce Janette, au théâtre Jean-Duceppe de la Place des Arts de Montréal
Guylaine Tremblay au sommet de son art
La feuille de route de Guylaine Tremblay était déjà très riche avant cette pièce, mais nous pouvons affirmer sans crainte que le rôle de Janette Bertrand est certainement LE rôle de sa carrière. Au cours des dernières années, on a pu constater que Guylaine Tremblay est une excellente imitatrice dans les Bye bye! de fin d’année. Pour interpréter Janette Bertrand, la pression devait être grande et on ne peut que constater à quel point la comédienne y a investi de son temps pour incarner une Janette fidèle à l’originale. En effet, son petit doigt courbé, sa posture et sa façon de parler et d’hésiter, voire de construire sa pensée comme le fait Mme Bertrand lorsqu’elle s’exprime, sont identiques à ceux de Mme Bertrand. Nous avons l’impression que c’est Mme Bertrand elle-même qui se trouve sur scène, devant nous, tant son interprétation est parfaite et convaincante. Du grand art pour une actrice au sommet de son art! Chapeau à Guylaine Tremblay pour ce travail colossal qu’elle accomplit brillamment. Elle n’a certainement pas fini de nous épater ni de repousser les limites de ce métier pour nous faire vivre toutes sortes d’émotions.
Autour d’elle, la distribution mérite autant de compliments. Chaque comédien porte plusieurs petits personnages avec autant de passion et de justesse d’interprétation que le pilier de ce spectacle, Mme Tremblay. Au grand bonheur du public, Normand Chouinard, Zoé Lajeunesse-Guy, François-Simon Poirier, Sébastien Rajotte, Lorenzo Somma, Phara Thibault et Cynthia Wu-Maheux complètent la distribution en étant aussi solides que Mme Tremblay. Ils nous en mettent plein la vue et sont très polyvalents pour incarner tous les personnages secondaires éphémères. Mentionnons l’excellence de l’incarnation de Pierre Péladeau par Cynthia Wu-Maheux, qui est drôle en « crisse » (mot repris maintes fois par Péladeau-Wu-Maheux au cours de sa brève apparition, suscitant chaque fois le rire ).
Jean-Sébastien Bourré, votre chroniqueur culturel pour le Vingt55, a assisté mardi dernier à la première médiatique de la pièce Janette, au théâtre Jean-Duceppe de la Place des Arts de Montréal
Un hommage de son vivant
La pièce Janette est une occasion pour les artisans et le grand public de rendre hommage à Mme Bertrand et de la remercier d’avoir été l’un de ces premiers modèles de femmes déterminées à changer la face du monde, à changer l’idée que les hommes se faisaient des femmes, pour montrer que les femmes pouvaient, elles aussi, faire autre chose que du ménage et la cuisine. Si on écoutait un peu plus les femmes, peut-être que le monde s’en porterait mieux…
Dans la pièce, Janette se demande justement à quel moment nous avons cessé de parler de nos modèles aux plus jeunes. Voilà une belle occasion de poursuivre ces discussions importantes avec eux afin qu’ils saisissent mieux le monde dans lequel ils vivent. Faisons-leur connaître Janette Bertrand!
Le théâtre est un médium parfait pour amener les jeunes à se divertir, à apprendre quelque peu ce qui est arrivé au Québec ces cent dernières années et à connaître une dame inoubliable, qui a beaucoup fait pour eux, indirectement. Janette, une sortie à faire en famille.
Hâtez-vous, les représentations affichent presque toutes complet!
Chez Duceppe, jusqu’au 17 mai 2025. En supplémentaires les 14 mai (19h30), 15 mai (20h) et 17 mai (20h).
En tournée dans trois grands théâtres du Québec: la Salle Odyssée à Gatineau (12-13 juin 2025), le Théâtre C à Chicoutimi (21 juin 2025 à 15h et à 20h) et la Salle Albert-Rousseau à Québec (26-27-28 et 29 juin 2025).
Nouvelles supplémentaires, en vente dès le 17 avril 2025 à 10h: 10 mai (20h),
