Lettre ouverte
Monsieur le ministre de la Santé et des Services sociaux, Christian Dubé, vous souciez-vous réellement de la santé des citoyens québécois ? Est-ce que le bien-être des citoyens du Québec vous tient à coeur ? Auriez-vous, par hasard, un quelconque préjugé envers les personnes adultes atteintes du diabète de type 1 ? En 2011, le programme d’accès aux pompes à insuline voit le jour. Ce programme consiste à rembourser les frais de la pompe et des fournitures nécessaires à son utilisation pour les personnes aux prises avec le diabète de type 1. Cependant, ce programme n’est offert qu’aux personnes âgées de 17 ans et moins depuis 2011. Le 18 octobre 2023, le député de Rosemont et responsable de Québec Solidaire en matière de santé, monsieur Vincent Marissal, s’est rendu à l’Assemblée Nationale accompagné de plusieurs de mes congénères diabétiques de type 1 pour vous demander d’élargir globalement le programme d’accès aux pompes de façon à couvrir les personnes concernées de tout âge. La réponse évasive que vous avez donnée à cette demande a simplement été que la pompe à insuline n’est pas une priorité du gouvernement. Monsieur le ministre, il n’est pas ici question de priorité, mais plutôt d’équité et de la santé d’une trentaine de milliers de personnes.
La pompe à insuline, remplaçante du pancréas
Le diabète de type 1 est une maladie chronique causée par le système immunitaire qui, pour une raison inconnue, confond le pancréas avec un virus et le détruit. Le pancréas étant hors service, il ne peut plus fabriquer l’insuline nécessaire à la survie du corps. La personne diabétique de type 1 (DT1) doit alors s’injecter elle-même de l’insuline. La pompe à insuline, aussi surnommée pancréas artificiel, permet au patient DT1 de vivre une vie un peu plus normale puisque le patient n’a plus à consacrer de temps à la préparation de son stylo ou de sa seringue à insuline. Le patient n’a plus à préparer sa zone d’injection ni à s’injecter pour un minimum de 3 fois par jour. La pompe diminue considérablement le risque d’ecchymoses, de bosses et autres blessures dues aux aiguilles puisqu’une aiguille n’est insérée, dans le cas de la plupart des pompes, qu’une fois aux 3 jours. On peut aussi oublier les gênes incommodantes des injections en public. Enfin, dans de nombreux cas, la pompe offre à son utilisateur un meilleur contrôle de la glycémie, donc une plus grande espérance de vie. Outre la détérioration du système immunitaire et la dégénérescence des vaisseaux sanguins, pouvant mener à la cécité et/ou éventuellement provoquer la gangrène d’un membre inférieur nécessitant l’amputation, laissez-moi vous rappeler, monsieur Dubé, qu’un diabète non contrôlé provoque d’innombrables complications1. Ces complications qui, avouez-le, peuvent aussi se révéler très dispendieuses pour le gouvernement2. Or, ce petit engin peut éviter ces nombreux désagréments. Autrement dit, la pompe à insuline est synonyme de liberté.
L’institut National d’excellence en santé et en services sociaux ( INESSS) vote pour
En 2021, l’INESSS a fait des études ainsi qu’un sondage dans le but de déterminer si les critères d’admissibilité du programme d’accès aux pompes à insuline3 devraient être modifiés pour les jeunes et si la population adulte devrait bénéficier du programme. Pour différentes raisons, l’INESSS a conclu que le programme représente une option juste et raisonnable, recommande que les critères ne soient pas modifiés et qu’ils soient appliqués à la population adulte de la même façon qu’à la population pédiatrique. De plus, leur comité scientifique reconnaît que le diabète de type 1 représente un fardeau constant pour le patient et ses proches. Les membres du comité rappellent aussi l’importance de l’équité pour la société québécoise. De plus, ils précisent que les adultes DT1 font face aux mêmes défis que les patients âgés de moins de 18 ans, sans toutefois bénéficier de l’avantage de l’accès aux pompes à insuline.
Les assurances collectives liées aux emplois ne sont pas accessibles à tous
Bien sûr, il existe des emplois qui offrent une assurance collective couvrant certaines pompes à insuline, mais ces emplois sont rares et ces assurances ne sont disponibles que lorsqu’on est au service de cet employeur. Si pour une raison ou pour une autre on quitte ce métier, l’assurance est retirée, cela va de soi. La transition entre la pompe à insuline et les injections avec stylo à insuline est extrêmement compliquée à gérer. La couverture gouvernementale éviterait les désagréments et le stress liés à cette transition.
Trop tôt ? Trop tard…
Monsieur Dubé, si tout ce que j’ai énoncé plus haut ne vous a pas encore convaincu, laissez- moi vous raconter mon expérience personnelle. Dans mon cas, j’ai été diagnostiquée du diabète de type 1 à l’âge de 13 ans, en 2001. À l’âge de 15 ans, j’ai appris l’existence d’une machine ayant la taille d’un «pagette» jouant le rôle du pancréas. Dès lors, le fantasme de la pompe à insuline a pris place dans mon esprit, je me suis alors mise en tête de retrouver un semblant de vie normale grâce à la pompe à insuline. Même si ma famille n’avait pas les moyens de me l’offrir, je ne perdais pas l’espoir. En 2011, le programme d’accès aux pompes à insuline entrait en vigueur. Enfin l’opportunité que j’attendais! J’ai donc tenté ma chance. Malheureusement, la dame du gouvernement m’a dit que je n’y avais pas droit puisqu’à ce moment précis, j’étais âgée de 23 ans et que le programme n’était accessible qu’aux personnes âgées de 17 ans et moins. Mon coeur est tombé en mille morceaux. Peu importait le fait que mon diabète soit apparu quand j’étais mineure, le fait était qu’à l’entrée en vigueur du programme, j’étais adulte. Je me suis mise à me demander pour quelle raison j’étais née si tôt. Mon histoire est semblable à celle des personnes diagnostiquées à l’âge adulte et qui regrettent de ne pas être tombées malades plus tôt.. Monsieur le ministre, trouvez-vous normal que des citoyens aient ce genre de réflexion ? Que l’on soit pénalisé simplement en raison de notre âge ? Peu importe l’âge de la personne DT1, la maladie n’est pas plus ou moins grave et les risques demeurent les mêmes. Peut-être qu’aujourd’hui, après 14 ans d’iniquité, nous, adultes, pourrions aussi avoir droit à ce programme ?
Tout cela pour dire que la pompe à insuline ne relève pas de la priorité gouvernementale, Monsieur. Pour nous, qui aimerions aussi être pris en considération, c’est une question de justice et de santé. Au nom de toutes les personnes aux prises avec le diabète de type 1, je vous prie de faire preuve d’intégrité en permettant aux adultes d’avoir recours au programme d’accès aux pompes à insuline remboursé par la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ) au même titre que la population juvénile.
1 Liste de complications liées au diabète de type 1: « https://www.diabete.qc.ca/le-diabete/informations- sur-le-diabete/complications/ »
2 Selon le gouvernement canadien, «En 2015, 25 % des Canadiennes et des Canadiens atteints de diabète on indiqué que leur adhésion au traitement dépendait du coût, et que dans certains cas, ils rationnaient les médicaments pour économiser de l’argent. Un diabète non contrôlé peut avoir des conséquences très graves sur la santé à court et à long terme et représente un fardeau pour les individus, les familles et la société canadienne. Le diabète et ses complications, notamment les crises cardiaques, les accidents vasculaires cérébraux, les insuffisances rénales, la cécité et les amputations, entraînent des coûts élevés et inutiles en raison de la perte de productivité et de l’utilisation accrue du système de soins de santé. Le coût total du diabète pour le système de santé est estimé à environ 27 milliards de dollars en 2018 et pourrait dépasser 39 milliards de dollars d’ici 2028.» https://www.canada.ca/fr/sante-canada/nouvelles/2024/02/acces-universel-aux-medicaments-contre- le-diabete-et-fonds-pour-les-dispositifs-et-les-fournitures-pour-le-traitement-du-diabete.html:
3 Critères d’admissibilité du programme d’accès aux pompes à insuline:
Prendre la glycémie capillaire à chaque repas et au coucher.
Maintenir un registre de glycémie/glucides.
Participer au programme de formation sur l’utilisation de la pompe à insuline.
Être suivi par un médecin.
Assister à un minimum de 3 rencontres par année sur la formation en suivi des soins diabétiques.
S’assurer de tenir à jour ses connaissances sur les soins des personnes diabétiques,
Maîtriser le concept sur le calcul avancé des glucides.
Fanny Bouchard Gagné
citoyenne DT1
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