Un coup de feu marque le déclin de la présence des Abénakis dans la région…Raconte-moi l’histoire par André Pelchat

Un coup de feu marque le déclin de la présence des Abénakis dans la région…Raconte-moi l’histoire par André Pelchat
Un coup de feu marque le déclin de la présence des Abénakis dans la région.

DRUMMONDVILLE

J’ai déjà mentionné plusieurs fois, dans des chroniques précédentes, la présence du peuple abénaki le long de la rivière St-François. Chassés, à la fin du XVIIe siècle, des rives de l’Atlantique, sur la côte du Maine, par les guerres avec les colons anglais, ils s’étaient réfugiés de ce côté-ci des Appalaches, dans les bassins de la St-François et de la Nicolet, où ils pratiquaient depuis des siècles des activités de subsistances.

Cela conduisit à la fondation des communautés de Wôlinak et d’Odanak et à une alliance durable avec la Nouvelle-France, les Français ayant sans doute, aux yeux des Abénakis, le mérite de ne pas être anglais.

La Conquête britannique leur posa un premier défi : en 1764, la Couronne accepta la suggestion de « l’agent indien » William Johnson considérant que la Proclamation Royale de cette même année, qui garantissait leurs terres aux Autochtones, ne s’appliquait pas aux « aux Abénakis de la vallée du Saint-Laurent puisqu’elles ont quitté leurs territoires nationaux pour s’installer près des Français ».  Voilà les Abénakis devenus de simples squatters, selon la loi britannique.

Avec l’augmentation de la population « blanche » dans la vallée du Saint-Laurent, le risque de voir ceux-ci empiéter sur les terres qu’ils occupent grandit sans cesse. Aussi, le15 août 1831, les Abénakis envoient une pétition “demandant des terres au sud du fleuve”. Le gouvernement accepte mais, alors qu’il accorde 1 200 acres par chef de famille aux colons blancs, les familles autochtones se voient accordées… 100 acres, surtout le long de la rivière Nicolet.

Ceci dit, des Abénakis avaient obtenus des terres précédemment, dans le canton de Durham. Le 26 juin 1805, le gouverneur Robert Shores Milnes avait accordé 8950 acres de terre à 17 chasseurs abénakis qui menaient un genre de vie de chasseurs-cueilleurs, à quoi s’ajoutera éventuellement la vente de produits d’artisanats, notamment des paniers en « foin d’odeur » et en éclats de frêne. Parmi ces chasseurs, un certain Francis Annance. Deux petits villages avaient fini par se former, l’un près de Durham, l’autre plus près de Ulverton. Toutefois la chasse semble avoir rapporté de moins en moins puisque, selon l’historien Joseph-Charles Saint-Amant, il ne restait plus que 5 ou 6 familles dirigées par Francis Annance. Il ajoute :  « Il y avait près de chaque cabane du village un petit jardin où les Indiens cultivaient quelques légumes et du blé d’Inde ». Les Abénakis n’étaient donc plus exclusivement chasseurs-cueilleurs mais l’agriculture ne semble pas avoir rapporté énormément non plus puisque le recensement de 1831 indique la présence de 49 fermiers et chasseurs Abénaquis dans le canton de Durham, alors qu’en 1851 ils ne sont plus que 26.

 

Mais, à partir de 1815, les colons britanniques, puis canadiens-français, commencent à affluer dans la région. Compte tenu du petit nombre d’Abénakis restant, on est porté à ignorer la donation de terre de 1805, qui était collective. Finalement, qui, maintenant, possède quoi ?

Quand des colons commencent à s’installer en grand nombre dans la vallée de la Saint-François à partir de 1840, on peut donc s’attendre à quelques frictions. Du fait du petit nombre des Abénakis il y en aura relativement peu. Un incident, néanmoins, attirera l’attention de l’historien régional Joseph-Charles St-Amant.

Il semble que Francis Annance habitait sur une île au milieu de la Saint-François.

Or, indépendamment des concessions déjà accordées aux Abénakis par la Couronne, l’île fut attribuée en propriété à un colon nommé Brady. Celui-ci ne doutait pas de la validité de ses titres de propriété. Annance ne doutait pas davantage des siens. Un jour Brady se rend dans l’île pour affirmer ses droits de propriété. Si on se fie au récit de Saint-Amant, Annance l’attendait de pied ferme dans ce qui ressemble à une véritable embuscade.

L’Abénaki se serait dissimulé dans un « meulon de foin », armé d’un fusil et, de cette position, aurait fait feu en direction de Brady, qui prit ses jambes à son cou et quitta l’île précipitamment.

On peut douter qu’Annance ait eu l’intention de tuer ou blesser le colon. Il n’a fait feu qu’une fois et n’a pas tenté de l’empêcher de fuir. Visiblement, il visait à lui faire peur. Avec succès, visiblement.

Toutefois, l’Abénaki devait se douter qu’un tel geste pouvait avoir des conséquences fâcheuses et, selon Saint-Amant, il quitta l’île peu après. Toujours selon la même source, vers 1898 deux femmes autochtones (qu’il appelle « sauvagesses ») habitaient à  « un mille du village de L’Avenir », Mary Anu et Catherine Lawless dont il dit qu’elles ont « beaucoup d’habileté pour confectionner des paniers et vendent aussi de bons remèdes, composés de racines et d’herbages. » Il faut dire que les Abénakis, à cette époque, allaient de plus en plus chasser au nord du Saint-Laurent, en Mauricie, où le gibier était plus abondant. Ils continuèrent longtemps à utiliser la Saint-François pour aller vendre les produits de leur artisanat aux États-Unis. Des cabanes situées de loin en loin servaient de relais. L’un des plus fréquenté était situé à l’emplacement dit « le bec de canard » sur la Pointe Allard.

Comme quoi le départ de Francis Annance ne signifiait nullement la fin de la présence autochtone dans la région.

 

André Pelchat
CHRONIQUEUR
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