Une intrigue policière dénouée grâce à rencontre inopinée à Drummondville…Raconte-moi l’histoire par André Pelchat

Une intrigue policière dénouée grâce à rencontre inopinée à Drummondville…Raconte-moi l’histoire par André Pelchat
Photo : Le Manoir Drummond vers 1932 Cote du document IC-2.4d49 Nom du fonds d'archives C1 Collection régionale. Tous droits acquitté / Vingt55

DRUMMONDVILLE

Un incendie criminel, une enquête compliquée, un détective célèbre qui se retrouve accusé faussement, tous les ingrédients d’un film noir se retrouvent dans cette histoire qui s’est passée en partie à Drummondville entre 1931 et 1934.

Le détective privé Georges Farah-Lajoie a la surprise, le 21 mai 1934, de recevoir la visite de deux policiers qui viennent l’arrêter à son domicile de Montréal, en vertu d’un mandat émis par … un juge du district judiciaire d’Arthabaska.  Tout ça, Farah Lajoie l’apprendra bien vite, est relié à une de ses enquêtes, sur une affaire d’incendie criminel survenu à Daveluyville en 1931.

Disons d’abord que George Farah-Lajoie n’est pas n’importe quel détective privé. Né en Syrie en 1876 dans une famille de religion melkite catholique, il est arrivé à Montréal à la fin des années 1890 et, en 1906, il entre dans la police de Montréal. Il s’y fait vite une réputation d’être le meilleur enquêteur du Québec. Il devient carrément une vedette quand il a la charge de l’affaire Delorme en 1922. Apportant les preuves qu’un prêtre, l’abbé Raoul Delorme, a probablement assassiné son frère pour une question d’héritage. On ne trouvera jamais un jury pour le condamner et l’enquêteur sera littéralement diffamé par la défense.   Cependant, il critique l’administration de la police (corrompue) de l’époque ce que n’apprécient pas ses supérieurs. En 1929, on lui montre la porte et on lui refuse la pension à laquelle il avait droit. Il finira néanmoins par l’obtenir en recourant aux tribunaux. Il entreprend donc une carrière de détective privé.

C’est dans cette fonction qu’il se retrouvera mêlé à une affaire extraordinairement compliquée qui commence par un incendie criminel survenu dans la nuit du 27 au 28 décembre dans une usine de Daveluyville appartenant à la Victoriaville Furniture, entreprise basée à Victoriaville.

On accuse le gardien de nuit, Donat Pépin arrêté et traduit en justice en février 1932 et reconnu coupable d’incendie criminel après un procès que plusieurs jugeront expéditif. Il ira en appel, en vain, mais la Couronne accuse un deuxième individu, J.W. Paradis, agent d’assurance. Il y aurait eu complot avec Pépin.. Il va en appel et, non seulement n’est pas acquitté mais la couronne accuse un deuxième individu, J.W. Paradis, agent d’assurance, de complicité. Celui-ci, toutefois, est libéré sous cautionnement en attendant son procès, discute de son cas avec une connaissance, M. Omer Charbonneau, individu sans emploi fixe qui lui rend régulièrement des services. Celui-ci se dit convaincu que toute l’affaire est un coup monté par des ennemis de Paradis. On décide de faire appel à un détective privé et on pense au plus connu du Québec. Georges Farah-Lajoie.

C’est alors que Paradis reçoit, selon ses dires, une lettre d’un dénommé Antonio Renouf, originaire de Trois-Pistoles, électricien à l’usine incendiée et qui prétend avoir des informations sur le sinistre.

Charbonneau va rencontrer le détective à Montréal et l’amène à Saint-Hyacinthe pour rencontrer Antonio Renouf. Celui-ci prétend avoir lui-même provoqué l’incendie de façon accidentelle. Selon sa version des faits, il se serait rendu à l’usine en pleine nuit, avec une cruche de whisky pour « payer la traite » à son ami Pépin, le gardien de nuit. Ne le trouvant nulle part, il aurait trébuché dans l’obscurité et renversé sa cruche de whisky. Dans le noir il aurait allumé une allumette pour y voir clair et aurait enflammé le whisky, et donc l’usine.

Charbonneau ne croit pas un mot de cette histoire et paie un billet de train à Renouf pour retourner à Trois-Pistoles. Charbonneau, toujours accompagné de Farah-Lajoie, repars vers Victoriaville mais, comme il est tard, les deux hommes s’arrêtent pour coucher à l’Hôtel Grand Central de Drummondville. Ils y rencontrent Renouf, pas encore parti pour Trois-Pistoles. Farah-Lajoie, apparemment un peu sceptique, prend Renouf à part et lui fait répéter son histoire. Comme par hasard, Paradis est aussi à Drummondville, logeant au Manoir Drummond ! Charbonneau lui présente le détective.

Le lendemain, Farah-Lajoie amène Renouf rencontrer un juge de paix pour lui faire assermenter sa déposition, puis il se rend avec lui à Daveluyville inspecter les lieux de l’incendie. Il recommande ensuite à Charbonneau de trouver une cachette pour Renouf. Quelques jours plus tard, le détective expose ses conclusions à la presse : il s’agit d’une erreur judiciaire et le récit de Renouf est invraisemblable. Renouf est accusé et passera 18 mois en prison à attendre un procès qui n’aura jamais lieu.  Charbonneau, furieux, accuse alors le détective d’avoir falsifié les preuves. C’est là qu’un juge du district d’Arthabaska le fait arrêter. Le 6 mars 1936, Farah-Lajoie est trouvé coupable d’avoir sciemment trompé la justice et condamné à 8 mois de prison.  À sa grande surprise, Charbonneau est aussi arrêté comme complice.

Le détective ne perd pas de temps à aller en appel et le jugement est cassé 4 mois plus tard. Il est innocenté.  Charbonneau sera reconnu coupable et condamné pour avoir fait de fausses déclarations contre de l’argent. Renouf sera libéré compte tenu du temps passé en prison. Le détective peut retourner chez lui à Montréal mais l’origine et les motivations du mystérieux incendie ne sera jamais totalement éclaircie. Cela dit les agissements de Paradis et Charbonneau ressemblent beaucoup à ceux de coupables cherchant à brouiller les pistes. Ils ont largement réussi.

Le détective Farah-Lajoie décèdera à Montréal en 1941.

André Pelchat
CHRONIQUEUR
PROFILE

Suivez-nous sur les réseaux sociaux:

Les derniers articles

Faits divers

Suivez-nous sur les réseaux sociaux:

facebookyoutube-icon