Notre-Dame-du-Bon-Conseil
Admis au CHSLD Sainte-Dorothée en décembre 2023 en raison de sa perte d’autonomie sévère et de multiples problèmes de santé, incluant une maladie cardiaque athérosclérotique, un diabète de type 2 et une insuffisance rénale chronique, Michel Tardif présentait dès son arrivée un risque élevé de développer des plaies de pression.
Selon le rapport du coroner Me Yvon Garneau et des documents obtenus par le Vingt55, l’enquête révèle pourtant que, dès les premiers jours, aucune stratégie concertée de prévention des plaies n’a été documentée. Le dossier médical, qui aurait dû détailler les soins prodigués, présente d’importantes lacunes. Certaines plaies ont été constatées tardivement, parfois mal évaluées, et les traitements n’ont pas été systématiquement consignés, rendant leur évolution difficile à suivre.
Un transfert aux conséquences dramatiques
Le 3 juillet 2024, M. Tardif est transféré vers un autre établissement, à Notre-Dame-du-Bon-Conseil. Ce transfert marque un tournant tragique : au lieu d’être installé dans un fauteuil adapté à sa condition fragile, il est transporté dans un fauteuil roulant ordinaire, sans surface thérapeutique pour protéger sa peau déjà fragilisée.
Pendant le trajet de deux heures et demie, sans soutien adéquat, M. Tardif glisse à plusieurs reprises de son siège. Le chauffeur, mal équipé et mal informé, est obligé de s’arrêter à trois reprises pour le repositionner. À son arrivée, le personnel médical découvre l’étendue des dégâts : multiples plaies de pression profondes, aggravées ou nouvelles, et aucun plan de soins précis fourni par le CHSLD d’origine.
Le coroner dénonce également l’absence de communication essentielle entre les établissements, qui a privé les soignants de Notre-Dame-du-Bon-Conseil des informations nécessaires pour offrir des soins immédiats et ciblés.
Des soins insuffisants dès l’admission au CHSLD Sainte-Dorothée
Le rapport du coroner expose également de nombreuses failles remontant à l’admission de M. Tardif à Sainte-Dorothée. Malgré son profil médical à haut risque, aucune stratégie de prévention systématique n’a été implantée.
L’échelle de Braden, pourtant essentielle pour évaluer le risque d’escarres, n’a pas été utilisée correctement. Les soins prodigués n’ont pas été documentés avec rigueur, et les plaies ont été sous-évaluées ou mal gradées par un personnel souvent instable ou insuffisamment formé aux soins des plaies.
Ces déficiences de suivi et de communication ont empêché toute intervention rapide et coordonnée pour enrayer la détérioration de l’état de santé de M. Tardif.
Un décès naturel, mais des correctifs impératifs
Me Yvon Garneau conclut à un décès naturel, consécutif à une bactériémie sévère provoquée par des plaies infectées. Toutefois, il émet trois recommandations formelles : d’abord, optimiser systématiquement les pratiques en soins de la peau et des plaies au CISSS de Laval, en renforçant l’application des protocoles cliniques existants.
Le coroner recommande également de réviser la qualité des soins prodigués à M. Tardif afin de détecter d’éventuelles erreurs professionnelles et corriger les pratiques inadéquates.
Enfin, il préconise d’améliorer la gestion des transports entre établissements, en s’assurant de l’utilisation de fauteuils adaptés et de la transmission complète de l’information médicale.
Le coroner Garneau, qui a complété son rapport à Drummondville, précise que le CISSS de Laval a depuis engagé plusieurs mesures correctives, incluant la réalisation d’audits internes, une meilleure formation des infirmières et des rappels de procédures concernant le transport des patients.
« Je tiens à souligner le sérieux avec lequel le CISSS de Laval a pris ce triste événement. Malgré les faits soulevés dans mon rapport mentionne le Coroner Me Yvon Garneau en entrevue au Vingt55, il faut continuer à faire confiance au système de santé québécois, ajoute-t-il. Cet événement, en apparence isolé, met toutefois en lumière certains éléments importants à améliorer, dans l’intérêt des patients et des familles, comme celle de M. Tardif, vers qui mes meilleures pensées sont tournées. Cette famille, durement éprouvée, a admirablement coopéré lors de l’enquête », de préciser le coroner Garneau.
Pour Me Garneau, l’objectif est clair « Il est fondamental que de telles lacunes ne puissent plus compromettre la dignité et la sécurité des patients vulnérables dans notre réseau de soins. »