Décès de Michel Tardif en CHSLD : sa fille brise le silence pour prévenir d’autres négligences

Décès de Michel Tardif en CHSLD : sa fille brise le silence pour prévenir d’autres négligences
Audrey-Claude Tardif, fille de Michel Tardif, dans un moment plus heureux avec lui avant son décès @ Tous droits réservés

DRUMMONDVILLE

Le décès de Michel Tardif, 77 ans, à Notre-Dame-du-Bon-Conseil, met en lumière de graves manquements dans la prise en charge des aînés en CHSLD. Selon le coroner Me Yvon Garneau, des lacunes majeures dans la prévention et le traitement des plaies de pression ont directement contribué à la dégradation de son état de santé. Sa fille, Audrey-Claude Tardif, témoigne aujourd’hui, espérant que cette tragédie serve d’avertissement pour éviter d’autres drames.

Mme Audrey-Claude Tardif, fille de M. Michel Tardif, témoigne de la situation à la suite du décès de son père en CHSLD @  Entrevue Vingt55. Tous droits réservés 

Hospitalisé d’abord dans un CHSLD de Laval, Michel Tardif a vu son état se détériorer sans que sa famille soit pleinement informée de sa situation. Ce n’est qu’après son transfert au CHSLD de Notre-Dame-du-Bon-Conseil que la gravité de son état a été constatée.

Audrey-Claude Tardif souligne la qualité des soins offerts à son père dès son arrivée ainsi que le travail rigoureux du coroner Me Yvon Garneau, dont l’enquête a permis de révéler les lacunes et de formuler des recommandations importantes. « Pour mon père, il est trop tard, mais pour d’autres familles, cela pourrait faire toute la différence », ajoute-t-elle.

Sans son transfert au CHSLD de Notre-Dame-du-Bon-Conseil, sa fille Audrey-Claude Tardif, n’aurait jamais été informée de l’état de santé de son père.

C’est ce que conclut le coroner Me Yvon Garneau dans son rapport d’investigation, pointant du doigt des lacunes majeures dans la prévention et le traitement des plaies de pression développées par M. Tardif lors de son séjour au CHSLD de Laval, avant son transfert vers Drummondville. Sa fille, Audrey-Claude Tardif, témoigne aujourd’hui avec émotion et lucidité au Vingt55, dans l’espoir que son histoire serve de leçon pour éviter d’autres drames.

De Laval à Notre-Dame-du-Bon-Conseil : un transfert tardif et un état de santé déjà dégradé

Admis au départ dans un CHSLD de Laval en raison de certains problèmes de santé et à diverses pathologies, incluant une maladie cardiaque athérosclérotique et un diabète de type 2, Michel Tardif a vu son état se détériorer au fil des mois, dans un silence inquiétant du personnel soignant.
« Dès le début, je trouvais que Laval, c’était beaucoup trop loin. J’ai réclamé un transfert plus proche, mais on me disait toujours d’attendre », explique Audrey-Claude Tardif en entrevue au Vingt55.

Pendant six mois, malgré ses démarches répétées, la situation est demeurée inchangée. Ce n’est qu’après avoir multiplié les pressions que son père a finalement été transféré au CHSLD de Notre-Dame-du-Bon-Conseil, non loin de son domicile. Mais le transfert lui-même s’est déroulé dans des conditions préoccupantes :

« Il a été transporté dans un fauteuil roulant standard, sans attaches adéquates, alors qu’il aurait fallu un fauteuil gériatrique. C’était une évidence que la sécurité n’avait pas été respectée », dénonce-t-elle.

« À Laval, mon père passait la plupart du temps en jaquette d’hôpital »

Audrey-Claude Tardif décrit, un climat de désinformation et de non-dits au CHSLD de Laval.

« Mon père passait visiblement la majeure partie de son temps en jaquette d’hôpital, dans son lit ou assis, sans réelle mobilisation. Pourtant, jamais personne ne m’a parlé de plaies, de lésions ou de blessures. Personne ne m’a dit de m’inquiéter ou de porter attention à quoi que ce soit. C’était le silence total. »
Elle ajoute, « Il n’y avait aucune note au dossier qui indiquait un problème. Comment est-ce possible qu’on laisse un patient vulnérable se dégrader ainsi sans même prévenir la famille ? »

Un état alarmant dès l’arrivée et des soins exemplaires malgré l’irréversibilité

À son arrivée à Notre-Dame-du-Bon-Conseil, l’état de Michel Tardif était déjà critique, le personnel du CHSLD a rapidement décelé des plaies et blessures importantes.

« Ce que j’ai vu en arrivant était alarmant. Mon père avait des plaies de pression très avancées. C’était dégénéré de l’intérieur, infecté. Les employés et le personnel du CHSLD de Notre-Dame-du-Bon-Conseil ont, aussitôt son arrivée à leur centre, pris la situation très au sérieux. Ils ont été d’une humanité remarquable, mais malheureusement, il était déjà trop tard pour stopper la progression », raconte Audrey-Claude Tardif.

Le personnel du CHSLD de Notre-Dame-du-Bon-Conseil a rapidement mis en place des soins adaptés, dans un environnement plus humain et respectueux, explique Audrey-Claude Tardif en entrevue.

« Leur priorité, c’était de le traiter avec dignité : l’habiller, le sortir dehors, le stimuler. Ils ont tout fait pour lui redonner un peu de qualité de vie », se souvient-elle.

Elle évoque un moment particulièrement marquant, « Le 3 juillet, au CHSLD Sainte-Dorothée, il ne me reconnaissait plus, ne me parlait plus. Puis, le 4 juillet, après quelques heures et soins reçus par le nouveau personnel du CHSLD de Notre-Dame-du-Bon-Conseil, il était dehors, habillé dans ses beaux vêtements. Il m’a regardée et m’a dit : « Hé, allô, comment ça va ? » C’était un instant touchant, soudainement le jour et la nuit et rassurant, malgré les constats et dans toute cette douleur. »

Les conclusions du coroner : négligence, lacunes et absence de prévention

Dans son rapport, Me Yvon Garneau est sans équivoque. Il conclut que le décès de Michel Tardif est dû aux complications majeures d’escarres non traitées et infectées, des plaies de pression graves, infligées lors de son passage au CHSLD de Laval, des plaies évitables avec une prévention appropriée.
Le coroner souligne notamment :

  • L’absence de stratégie documentée de prévention des plaies dès son admission à Laval ;
  • Le manque d’évaluation régulière de l’état cutané ;
  • Le défaut de consignation des soins dans le dossier médical ;
  • L’absence d’appel à des experts pour évaluer l’évolution des lésions ;
  • L’absence de mesures correctives alors que la situation dégénérait.

« Pendant tout le séjour à Laval, jamais on ne m’a parlé de plaies de pression. Jamais. Pas une fois. Il n’y avait même pas de notes à ce sujet dans son dossier médical. Comment est-ce possible ? », s’indigne encore Audrey-Claude Tardif.

« Ne jamais hésiter à vérifier », lance Audrey-Claude Tardif

Forte de son expérience douloureuse, Audrey-Claude Tardif appelle aujourd’hui les familles à être extrêmement vigilantes.

« Il faut oser demander, vérifier. Il ne faut pas avoir peur de soulever les draps, de regarder la peau, de parler aux soignants, dans le respect, mais avec insistance s’il le faut », insiste-t-elle en conclusion d’entrevue au Vingt55.

Des bons mots tant pour le personnel du CHSLD de Notre-Dame-du-Bon-Conseil que pour le travail et le rapport du coroner Garneau, qui ont permis de mettre en lumière la situation et de proposer des recommandations importantes. Pour mon père, il est trop tard, mais pour d’autres familles, cela pourrait prendre tout son sens », ajoute Mme Tardif.

Pour elle, ce qu’a vécu son père relève de la négligence, voire d’une forme de maltraitance passive.

« Si mon témoignage et le rapport du coroner peuvent sauver d’autres personnes, je n’aurai pas parlé pour rien », conclut-elle.

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Éric Beaupré
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