DRUMMONDVILLE
La cause de cette arrivée subite réside dans les évènements qui secouent les pays d’Europe de l’Est en cette fin des années 1950. Depuis que, en 1956, le Secrétaire général du Parti communiste soviétique, Nikita Khrouchtchev, a dénoncé les crimes de Staline au XXe congrès général du parti, un vent de réformes souffle sur plusieurs pays du Pacte de Varsovie. Il sera de courte durée. En Hongrie, où les communistes sont au pouvoir depuis 1949, les réformes donnent lieu à des revendications de plus en plus radicales, remettant en cause le pouvoir en place et débouchent, en octobre 1956, sur une révolte ouverte, encouragée par l’espoir d’une aide des pays de l’OTAN, aide qui ne viendra jamais. L’armée rouge écrase les rebelles et l’armée hongroise en quelques semaines. Craignant, à juste titre, les représailles des soviétiques et de leurs alliés communistes hongrois, 190 000 réfugiés, (soit 2% de la population du pays) traversent la frontière avec l’Autriche dans les semaines qui suivent.
Le 6 décembre encore, le journal La Parole se fait l’écho de l’article du Devoir et annonce la venue prochaine de « 600 Hongrois » dans le diocèse de Nicolet, précisant qu’à Victoriaville et Drummondville la Société d’Aide aux Néo-Canadiens a demandé l’autorisation d’utiliser les manèges militaires pour loger temporairement les nouveaux venus. Un article du jeudi 20 décembre mentionne que le Comité d’accueil des Réfugiés hongrois a envoyé une lettre à tous les employeurs « qui auraient une ouverture pour donner de l’ouvrage ». Un autre article parle de l’arrivée prochaine de six familles « plus une quinzaine de jeunes filles pouvant servir comme bonnes ».
Il est rare que l’accueil de réfugiés fasse l’unanimité et celui des Hongrois ne fait pas exception. Le numéro de La Parole du 17 janvier 1957 cite des Drummondvillois qui craignent la concurrence de ces nouveaux venus sur le marché du travail, même si le journal leur donne tort. Le thème des « voleurs de jobs » est récurrent en matière d’immigration.
En 1957, c’est le 19 janvier que le premier contingent de réfugiés arrive à Drummondville. La guerre froide est omniprésente et le journal local les désigne comme des « victimes de la barbarie russo-communiste ». Une vingtaine d’entre eux resteront à Drummondville, les autres étant redirigés vers Victoriaville.
Les réfugiés arrivés avec leur famille sont logés dans des familles locales mais les célibataires masculins sont logés dans un centre d’accueil. Au même endroit on trouve aussi « les meubles et autres articles qu’on veut bien donner aux réfugiés ».
Le journaliste signale d’ailleurs, au mois de mars que ces hommes vivent assez mal cet isolement (qui ne doit pas contribuer à leur intégration) et ont demandé à être intégrés au sein des familles canadiennes amies ». Combien de ces réfugiés sont finalement demeurés à Drummondville ? Cette information ne semble pas avoir été publiée mais plusieurs des noms de familles dont les Komlosy, Bukors, Takacs sont encore présents dans la région.
Évidemment, les Hongrois ne seront que la première de plusieurs vagues de réfugiés. Plus tard viendront les « Boat People » vietnamiens et cambodgiens, plus récemment, les Syriens et bien d’autres. Et ce n’est sans doute pas fini…