Le Vingt55 a assisté, au Théâtre Hector-Charland de L’Assomption, à la pièce Le grand virage, écrite par Mario Jean.

Le défi d’allier présence scénique et présence virtuelle est relevé avec brio. La proposition de Mario Jean est audacieuse et la mise en scène de Pierre-François Legendre, bien que statique en raison de la façon dont a été pensée la pièce, où les personnages sont soit en train de déplacer des boîtes dans leur maison presque vide, soit en train de discuter avec leurs enfants sur leur tablette ou l’ordinateur, est tout simplement parfaite. La direction d’acteurs y est excellente : les quatre acteurs sont justes, parfaitement nuancés et drôles. Le fait d’allier autant la technologie en formule cinématographique a certainement nécessité un travail fort différent de ce qu’un metteur en scène fait habituellement dans un théâtre et le résultat a de quoi surprendre et plaire au public dans son ensemble. Les discussions entre les personnages réels et ceux virtuels sont fluides et la signature est unique et convient parfaitement à cette pièce.

Dans Le grand virage, Simon et Sandra ont pris de grandes décisions pour leur retraite et doivent annoncer leurs projets à leurs deux enfants. Ces décisions au caractère inattendu auront de quoi surprendre les enfants et… les faire réagir au point où ils seront chamboulés et tenteront de les ramener à la maison (et à la raison). Alors que les parents auraient souhaité que leur progéniture se joigne à eux « en personne », ce n’est pas ainsi que les choses se passent. La longue discussion se déroule donc sur Zoom avec des enfants rébarbatifs à leurs projets, les parents n’étant pas moins déterminés à aller au fond des choses et à faire comprendre à leurs enfants qu’ils n’ont rien à dire à propos de leurs choix de vie… Un beau rappel des valeurs inculquées à leurs enfants, d’ailleurs, et un reflet qu’eux aussi ont le droit d’avoir le contrôle sur leur destinée, malgré « leur âge ».

Le public rit beaucoup tout au long de cette pièce sans intermission d’une durée d’environ 90 minutes. Autant les maladresses des parents avec la technologie que la rapidité avec laquelle les enfants se retirent de la conversation pour respirer et « digérer » les nouvelles de leurs parents nous font rire. Malgré un caractère prévisible de certaines blagues et des sujets abordés, l’hilarité n’en est pas amoindrie pour autant. C’est là l’efficacité de la mise en scène et de la direction d’acteurs de Pierre-François Legendre.

La plume de Mario Jean est, pour ce spectacle, différente de ce qu’il a pu faire en humour au cours de sa carrière. On y trouve un bel humour, qui a fait le succès de sa carrière, et une grande sensibilité, ce qui est digne de mention. On sent également une belle profondeur dans la réflexion de l’acteur, humoriste et auteur, qui en arrive à une période de la vie où ces questions se posent.

Nous avons relevé deux légers bémols par rapport à la présence uniquement virtuelle des jeunes acteurs, Mylène St-Sauveur et Jean-Carl Boucher. D’abord, nous aurions aimé les voir sur scène dans l’une des dernières scènes de la pièce, de même que durant les salutations. La magie du théâtre réside habituellement dans la présence réelle des protagonistes. Malgré cela, Diane Lavallée et Mario Jean, les deux têtes d’affiche, savent brillamment capter et maintenir notre attention tout au long de la soirée et sont très bien appuyés par les propositions de Mylène St-Sauveur et de Jean-Carl Boucher. Ensuite, à certains moments, la discussion paraît tellement chronométrée par le virtuel que les acteurs n’attendent pas suffisamment que l’hilarité diminue avant d’enchaîner le dialogue, de sorte que nous perdons parfois de petits bouts de phrases dans la continuité de la pièce. Ce sentiment est peut-être lié au fait qu’après deux ans de pandémie, nous avons eu notre dose du virtuel.

Ce que nous retenons de la soirée? Le rire, l’audace de la proposition, la fluidité de la mise en scène entre « présentiel » et « virtuel » et les solides performances d’acteurs et d’actrices, savamment dirigés par Pierre-François Legendre. Sur un plan plus personnel, toutes les réflexions sur le couple, la retraite, la famille et le bonheur, entre autres, sauront résonner chez les spectateurs de tous les âges, et ce, à coup sûr. Qu’on soit du même âge que les personnages, on comprendra bien leur cheminement; que l’on soit plus vieux, on sera à même de se rappeler ce qu’il en était (et peut-être même de confirmer que les belles années vont au-delà des 75 ans, clin d’œil à la pièce!) ou que l’on soit de jeunes parents, comme nous, il sera possible de se projeter dans le futur pour imaginer de quelle façon sera tissée la relation parents-enfants à l’aube de notre prochain grand virage, celui de la retraite. Une chose est sûre, ce sont les valeurs transmises dès maintenant qui feront la différence dans cette relation et qui seront la pierre angulaire de l’acceptation de nos enfants pour nos projets et nos choix de vie.

Il s’agit d’un excellent divertissement !

Chapeau plus particulièrement à Diane Lavallée et à Jean-Carl Boucher, qui tirent magnifiquement leur épingle du jeu et ont, selon nous, les répliques et les réactions les plus savoureuses pour susciter notre rire. Mario Jean et Mylène St-Sauveur ne sont pas en reste et obtiennent leur juste part de rires. Le divertissement est total et la finale touchante, quant à elle, est imprévisible et a de quoi nous tirer une larme.

La pièce Le grand virage jouait hier pour la dernière fois au Théâtre Hector-Charland de L’Assomption et amorcera sa tournée au Saguenay le mercredi 3 août. La production s’arrêtera à la Maison des arts Desjardins de Drummondville le 14 septembre prochain, mais également à l’Étoile de Brossard le 9 septembre, au Carré 150 de Victoriaville le 15 septembre ainsi qu’à la salle J.-Antonio Thompson de Trois-Rivières le 22 septembre.

Une belle sortie en famille à faire pour passer une belle soirée!

Pour l’horaire complet de la tournée, qui s’étend, pour l’instant, jusqu’à la fin octobre 2022, rendez-vous sur le site monarqueproductions.com. Il est toujours agréable de faire un petit voyage dans une autre région pour visiter et voir une pièce !

L’HISTOIRE

À l’aube de la retraite, Simon (Mario Jean) et Sandra (Diane Lavallée) vendent tous leurs biens. Alors que Simon désire se la couler douce à Hawaï, Sandra compte se rendre dans Le Bas-du-Fleuve pour s’adonner à l’écriture et la peinture. Alors que tout semble être en place, des faits inattendus changent le plan des retraités. En effet, le couple sera bouleversé par les confessions de leurs enfants (Mylène St-Sauveur et Jean-Carl Boucher) avec qui ils discuteront virtuellement grâce aux prouesses technologiques que permet la vidéo.

Le grand virage est une pièce où les rêves de la retraite s’entrechoquent.

Le Vingt55 a assisté, au Théâtre Hector-Charland de L’Assomption, à la pièce Le grand virage, écrite par Mario Jean.