Littérature – Entrevue avec Makina, autrice de « Les (9) vies (folles!) de Lilo »

Littérature – Entrevue avec Makina, autrice de « Les (9) vies (folles!) de Lilo »
L’autrice jeunesse Makina

DRUMMONDVILLE

Nous savons depuis longtemps que les chats ont neuf vies. Vous êtes-vous déjà demandé comment se vit la transition des chats d’une vie à une autre, jusqu’à la neuvième ? L’autrice jeunesse Makina, bien connue pour « La bande à Smikee » et « Les petits espiègles », s’est lancée dans cette grande réflexion en écrivant les deux premiers tomes de sa série « Les vies de Lilo », ou « Les (9) vies (folles!) de Lilo ». Au grand plaisir de notre cœur d’enfant, nous avons lu les deux premiers tomes et rencontré Makina pour discuter de ses inspirations.

La plus importante, selon vous?

Son chat. Eh oui! Lilo est un vrai chat! Ou plutôt, une vraie de vraie chatte, à qui elle dédit son premier tome.

Il n’y a que dans le premier tome que Lilo est physiquement comme la « vraie » Lilo, nous confie l’autrice en entrevue. Lilo aura en effet neuf apparences différentes au cours de la série, qui compte actuellement deux tomes en librairie. Le désir de l’autrice est de rendre hommage à des chats de son entourage. Dans le deuxième tome, avec quelques détails en moins, l’enveloppe féline empruntée est celle de la chatte blanche d’un de ses amis, l’auteur Patrick Isabelle (l’auteur des Anna Caritas!!!).

Le plus original est la personnalité de Lilo. Dans les livres, elle nous raconte ses péripéties et nous donne son opinion sur tout… même sur ce qui la dérange par rapport aux humains qui l’entourent. Soyez rassurés : elle ne mord jamais la main de ceux qui la nourrissent. Elle les critique dans sa tête, pour le plus grand plaisir des lecteurs, jeunes comme moins jeunes, mais elle reste très attentionnée en leur présence. À moins d’avoir besoin d’un peu de tranquillité…

Voici comment sont nés le personnage de Lilo et son univers.

« Au début de l’hiver de la pandémie », nous a raconté l’autrice, en entrevue virtuelle, « j’ai obtenu un contrat pour La Chenelière, qui développe le matériel pédagogique de la cinquième année du primaire. En français, ils ont produit un module sur la BD. À l’époque, je faisais « La bande à Smikee ». Ils m’ont contactée parce qu’ils voulaient inclure une fille qui fait de la BD. Comme j’ai dit oui, ils ont demandé la permission aux éditions de L’Homme d’avoir deux planches de La bande à Smikee. Pour ma part, je devais écrire un texte de mille mots. Mon thème était « mort de rire » et je pouvais faire ce que je voulais », se remémore Makina.

Une fois la proposition lancée, il lui fallait trouver une idée… qui n’a pas tardé à se manifester!

« Chaque matin, mes enfants allaient voir notre chatte et elle était toujours roucoulante avec eux », poursuit l’autrice, en entrevue. « Mais moi, quand elle me regardait, elle avait une face de bœuf. Les enfants me disaient : « Oui, mais maman, c’est ça qu’il faut que tu fasses. » Et là, je me suis mise à déconner, un matin où mes filles n’étaient pas de bonne humeur. Je faisais comme si le chat disait toutes ses pensées à voix haute. Elle était sur le bord de ma fenêtre et j’ai dit, en modifiant ma voix :

Ta mère t’a donné ça pour déjeuner? Elle appelle ça des céréales? C’est quoi, dans le fond, elle ne t’aime pas? Elle t’a donné des boules de pâte dans du lait! C’est dégueulasse, moi je ne mangerais jamais ça!

Ah oui? Elle t’a peigné le poil de la tête? Des cheveux? Tu appelles ça des cheveux? C’est quoi des cheveux? C’est des poils de tête que tu peignes? Moi, ma mère n’oserait jamais me faire honte de même!

Je continue à niaiser de même », poursuit l’autrice, « et les enfants m’ont dit : « Fais-la parler encore! » J’ai donc eu l’idée, pour mon texte de mille mots, de parler de la mort des chats. On est habitué de se faire dire qu’ils ont neuf vies. J’ai inventé un comité de vieux chats qui, eux, quand tu meurs, jugent ta mort. Ce que tu as fait dans ta vie n’est pas important, tu es un chat, tu as neuf vies, on ne t’en enlève pas, mais on va juger ta mort et dresser un palmarès des morts les plus cool, comme un livre des records Guinness de morts cool de chats. Plus ta mort est inusitée, plus tu es dans le haut du palmarès, mais moi, mon chat [Lilo] a toujours une mort poche, nulle, mais vraiment nulle! » d’affirmer l’autrice en éclatant de rire.

« Cela permet aussi de démystifier la mort des animaux de compagnie. Souvent, dans les livres où on en parle, c’est quelque chose de très émotif. »

Or, dans les romans de Makina, la mort est traitée différemment, avec humour et légèreté. Oui, le chat meurt, mais pour mieux se retrouver devant le comité de vieux chats afin d’être jugé pour sa dernière mort, avant de repartir dans une autre vie. Et c’est là que toute notre attention est centrée. Sur cette grande décision qui rendra Lilo heureuse, pourvu que le comité de vieux chats accepte (et croie) ses explications.

Ainsi, le lecteur, tout au long du livre, anticipe la mort du chat et l’autrice nous entraîne sur bon nombre de fausses pistes, nous laissant croire que le moment pourrait arriver d’un chapitre à un autre… Dans les deux premiers tomes, nous avons toujours une surprise : cela ne se produit jamais au moment où nous nous y attendons. L’humour qui ponctue le récit est aussi bien présent dans les morts de Lilo.

Questionnée sur le fait que nous ne sommes pas confrontés à la découverte du petit corps de Lilo après sa mort ni au deuil que doivent traverser les deux premières familles de Lilo, Makina nous répond ainsi :

« Je ne voulais pas aller jouer là-dedans. On ne l’aura jamais dans mes livres. Il y a d’autres romans plus poétiques qui sont très bien pour ça. Moi, dans la vie, ma façon d’intervenir, c’est d’aller dans l’humour, de dédramatiser. Quand un enfant pleure, je vais le prendre dans mes bras. Mais la poésie n’est pas mon style. »

La personnalité du chat est également très tranchante. Elle nous offre toutes ses opinions sans filtre.

« Elle critique beaucoup », précise l’autrice en entrevue au Vingt55. « Elle dit tout ce qu’elle pense, mais ce n’est jamais méchant. Elle est aussi cristallisée dans ses habitudes que ceux qu’elle critique. Il n’y a jamais de mauvaise intention, ni chez les humains, ni chez le comité des anciens, ni chez Lilo. Apprendre à vivre ensemble, ça ne veut pas dire être toujours d’accord avec ce que l’autre fait et trouver que c’est génial. Lilo, on entend ce qu’elle pense dans sa tête, mais jamais qu’elle ne le dit avec sa bouche, c’est là l’importance. »

Dans le premier livre, intitulé « Capsules Web et poils de chat », Lilo vit au sein d’une famille où une adolescente de 14 ans, Violaine, est influenceuse sur le Web. Alors qu’elle enregistre une capsule, Lilo commente ainsi son langage :

« Combien de fois va-t-elle dire le mot « super » avant la fin de cette journée? Est-ce qu’elle est au courant qu’il existe d’autres mots? On n’apprend plus les synonymes à l’école?

Son manque de vocabulaire est une vraie honte! Et où va-t-elle chercher toutes ces âneries? Le printemps, c’est la boue, la gadoue, la moisissure, la neige qui fond et les vieux déchets qui réapparaissent. Elle veut assortir les ongles des filles à ça? À force de voir et d’entendre tant d’absurdités sortir de la tête de Violaine, je conclus que l’adolescence est vraiment une maladie!

J’imagine déjà la scène : des dizaines d’adolescentes avec des ongles gris, bruns et vert délavé où sont collés de vieux mouchoirs et des morceaux de gomme à mâcher.

‘’T’as vu mes ongles? C’est la nouvelle couleur ordures printanières. C’est très tendance en ce moment.’’ »

En entrevue au Vingt55, l’autrice Makina précise sa pensée sur les propos de Lilo :

« C’est vraiment la vision du chat par rapport à l’image, aux réseaux sociaux, sans que ce soit moi qui en fasse une critique, ni un autre personnage ou un adulte qui a l’air de se penser plus fin. Je me sers toujours du chat pour dire ce que tout le monde a remarqué et les enfants sont les premiers à remarquer comment fonctionne la société », ajoute l’enseignante de formation. « Je ne voulais pas que ce soit moralisateur, je voulais que ça reste drôle et les enfants le comprennent bien. »

Dans le deuxième tome, intitulé « Bac à sable et moustaches sales », Lilo se retrouve sous l’emprise d’une jeune enfant qui fait d’elle tout ce qu’elle veut (sans cruauté, bien sûr). Ses parents, très occupés en télétravail (on se demande où l’autrice a bien pu puiser son inspiration!), ne voient pas tout ce qui se passe.

Extrait

« Je me prépare à grimper sur la table, faisant ainsi une entorse au règlement de la maison. Je ne me permets pas ce genre de comportement lorsque les parents de Romane sont dans la pièce. Le résultat est toujours catastrophique : on m’asperge d’eau provenant d’un vaporisateur. Après plusieurs tentatives, j’ai compris qu’il valait mieux pour moi de rester sur le sol. En revanche, Romane aime bien que je me promène sur la table, je jette donc un coup d’œil autour de moi pour m’assurer qu’il n’y a aucun témoin, puis je prends mon élan et bondis.

J’atterris sur le pain tranché. Je sens la mie s’écraser sous mon poids. Ce n’est vraiment pas ma faute. Romane a déposé sur la table une tonne d’aliments. Il n’y a plus aucun centimètre de libre. […] Je me demande bien ce que la petite peste à couettes a l’intention d’apporter au pique-nique. Ses tentatives culinaires ne sont pas toujours une réussite. Par le passé, elle a essayé beaucoup de recettes qui ne figurent jamais sur le menu d’un restaurant digne de ce nom. J’ai de vagues souvenirs de petits gâteaux à la salade de chou, de pâtes ketchup et moutarde et d’un bol de céréales au jus de fruits. Juste à y penser, j’en ai les moustaches qui frisent. »

Nous vous recommandons vivement la lecture de cette série, tant pour les parents que les enfants!

En conclusion, Makina rigolait de savoir que sa fille, qui vient tout juste de commencer sa cinquième année du primaire, étudiera sa maman dans l’un des modules de français cette année. « Elle trouve ça cool! Elle est super contente, elle veut le dire elle-même à sa prof que je suis dans le livre, elle ne veut pas que je le lui dise. »

Et, bonne nouvelle, l’autrice déposera d’ici quelques jours le manuscrit du troisième tome sur le bureau de ses éditrices…

Les deux premiers tomes de « Les (9) vies (folles!) de Lilo », publiés par Les Zailées, sont disponibles en librairie depuis la fin août 2022.

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