Lettre Ouverte : Démission de Sophie Brochu, c’est l’opportunité pour Hydro-Québec d’enfin prendre le virage climatique

Lettre Ouverte :  Démission de Sophie Brochu, c’est l’opportunité pour Hydro-Québec d’enfin prendre le virage climatique
Hydro-Québec © Crédit photo Eric Beaupré / Vingt55. Tous droits réservés.

DRUMMONDVILLE

La démission plus ou moins surprise de Sophie Brochu a suscité de nombreuses réactions. Depuis la nomination de Pierre Fitzgibbon comme ministre responsable d’Hydro-Québec se dessinait une lutte de pouvoir entre la PDG et le ministre. Mme Brochu n’a sans doute pas voulu payer les frais que coûte une lutte de pouvoir contre le « boys club » et je sais de quoi je parle. 

Pourtant, contrairement à ce que laissent entendre les différents chroniqueurs, leurs visions de l’économie ne sont pas du tout aux antipodes. Ils font partie du même grand réseau affairiste.   Sophie Brochu n’avait toutefois pas le même empressement que Pierre Fitzgibbon. Vous allez trouver que mon propos est en décalage avec les propos entendus sur cette affaire, mais regardons les faits.

Mme Brochu a signé un contrat de vente à gros rabais, voire même à perte, de 20 TWh/an aux États-Unis pour 25 ans, alors qu’elle savait pertinemment qu’il y aurait une augmentation des besoins au Québec de 20 TWh/an liée à la transition énergétique.  Dès 2027 , soit dans moins de 5 ans, Hydro-Québec prévoit manquer d’électricité. Pour quelqu’un qui sonnait l’alarme sur le risque de faire d’Hydro le « Dollorama de l’électricité », Sophie Brochu est plutôt du genre pyromane-pompier. C’est aussi elle, ancienne PDG de Gaz Métro devenue PDG d’Hydro, qui a signé une entente pour donner jusqu’à 2,4 milliards de $ à la gazière (son ancien employeur) pour maintenir en vie un réseau de distribution de gaz principalement de fracturation, l’énergie la plus polluante de la planète, sous de faux prétextes. Le tout aux frais des consommateurs d’électricité. Les faits parlent d’eux-mêmes.

Mme Brochu a, de plus, fait preuve d’une éthique fortement discutable. Prenons l’exemple de sa participation comme conférencière à fort prix pour une entreprise de son conjoint. Il y a aussi l’exemple de son passe-droit pour continuer à siéger sur le CA de la Banque de Montréal tout en étant PDG d’Hydro-Québec, une pratique interdite jusqu’alors. Elle avait d’ailleurs affirmé à l’époque que si elle avait à choisir entre les deux, son choix serait facile. Elle opterait sans hésitation pour la Banque de Montréal. Je le redis, les faits parlent d’eux-mêmes.

Hydro-Québec, notre joueur étoile pour contrer la crise climatique 

En ce qui concerne la gouvernance d’Hydro-Québec, les Québécois méritent hautement mieux.  Hydro-Québec pourrait devenir le navire amiral pour mettre fin rapidement au gaz et au pétrole au Québec. Hydro-Québec possède l’expertise nécessaire pour réduire la consommation d’énergie, pour remplacer les technologies fossiles par des technologies électriques beaucoup plus écoresponsables, particulièrement auprès des grands industriels gros émetteurs de GES. Elle possède également une expertise solide du côté de l’électrification des transports : moteurs, batteries, bornes et stations de recharge. Avant même de penser à construire de nouveaux barrages, c’est elle qui peut le mieux documenter un scénario plus sobre de l’utilisation de l’électricité déjà produite et les améliorations aux infrastructures déjà existantes qui permettraient de réaliser la transition énergétique à même le réseau actuel.

À la croisée des chemins

La décision de la nomination de la prochaine direction d’Hydro-Québec est plus stratégique que jamais. Le premier ministre est à la croisée des chemins et sa décision sera très révélatrice.  Donner un mandat fort et indépendant à Hydro-Québec pour prendre réellement le virage climatique dès maintenant avec la nomination de la prochaine direction serait travailler pour la Terre et les générations futures. Choisir de nommer un pantin à Fitzgibbon qui accepterait de siphonner encore plus notre joyau collectif serait signer l’abdication du Québec face à la crise climatique.

Martine Ouellet, cheffe de Climat Québec,
ancienne ministre des Ressources naturelles, ancienne gestionnaire chez Hydro Québec

La présidente-directrice générale d’Hydro-Québec, Sophie Brochu, a le 10 janvier, annoncé à la présidente du Conseil d’administration, Jacynthe Côté, qu’elle terminera son mandat le 11 avril prochain.

« Avec son humanisme, ses qualités de communicatrice et sa vaste expérience du secteur de l’énergie, Sophie laissera une marque qui passera l’épreuve du temps. Sous son leadership, un nouveau plan stratégique a été élaboré avec la participation d’un grand nombre de collaborateurs et collaboratrices à l’interne et de représentants et représentantes de la société québécoise – ce qui témoigne de ses qualités de rassembleuse, souligne Jacynthe Côté. Un dialogue constructif a aussi été engagé avec les communautés autochtones, et des partenariats novateurs ont été établis avec elles. Enfin, Hydro-Québec a signé l’important contrat d’exportation tant attendu avec l’État de New York et réalisé une importante acquisition de centrales hydroélectriques aux États-Unis. Sophie a su s’entourer d’un comité de direction solide et mobiliser toute la grande équipe d’Hydro-Québec, sur laquelle nous pouvons pleinement compter pour les prochaines années. Au nom des membres du Conseil, je la remercie et j’accorde toute ma confiance à l’équipe d’Hydro-Québec. »

« Je suis profondément reconnaissante d’avoir eu la chance d’œuvrer à l’avancement de notre grande société d’État, aux côtés d’une équipe compétente et engagée. Je suis arrivée à Hydro-Québec en avril 2020, alors que le Québec était frappé de plein fouet par la pandémie de
COVID-19 : la situation économique et sociale était hautement préoccupante et je me suis sentie interpellée. J’ai humblement pensé que je pouvais servir le Québec, qui traversait alors une période de turbulence, mentionne Sophie Brochu. Le tumulte lié à la pandémie est en grande partie derrière nous et Hydro-Québec se trouve aujourd’hui en bonne posture : nous nous sommes dotés d’un plan stratégique qui trace la voie de la transition énergétique du Québec et la situation financière de l’entreprise est excellente. Le moment est venu de passer le flambeau. Je remercie les femmes et les hommes qui composent la grande équipe d’Hydro-Québec – des gens qui connaissent à fond leur métier et qui ont le cœur à la bonne place. »

Nomination du prochain ou de la prochaine pdg

En matière de planification de la relève, le Conseil d’administration d’Hydro-Québec a joué son rôle et est ainsi en mesure de recommander des candidats et candidates au gouvernement du Québec. Rappelons que, selon la Loi sur Hydro-Québec, la nomination du ou de la pdg d’Hydro-Québec fait l’objet d’une décision du Conseil des ministres.

La Rédaction
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