Quelque part en Beauce, Clément Mathieu, joué par l’excellent François L’Écuyer, qui nous offre une touchante performance théâtrale, est embauché pour surveiller un groupe d’élèves turbulents. Au fil du temps, Clément Mathieu parvient à créer un lien fort avec l’ensemble des jeunes et à avoir un impact positif sur ceux-ci. Le lien de confiance que Clément développe avec eux les amène à monter une chorale et à triompher lors d’un court spectacle de fin d’année. Moment heureux pour la troupe et l’enseignant, ainsi que le professeur Langlois, qui les accompagne au piano, campé par le comique Michel-Olivier Girard, mais qui dérange les petites habitudes du directeur, Rachin, joué par le tout autant excellent Henri Chassé. Le père Maxence, joué par nul autre que Gary Boudreault, devient un bon soutien pour Clément Mathieu, alors qu’il penchait davantage pour les méthodes de Rachin, au départ.

La force de cette adaptation réside dans l’ancrage trouvé dans ce Québec des années 1940, avec des mœurs bien de son temps et pas si différentes de celles de la France, dont le film se déroulait aussi en 1949… Les méthodes de Clément Mathieu sont aux antipodes de celles du directeur Rachin, qui ne pense qu’à punir, à faire peur et… à faire avancer sa carrière auprès des instances politiques. Cette dynamique a un impact certain sur les jeunes et la grande révélation de cette pièce est justement le fait d’accepter que les jeunes soient des jeunes et de les guider dans leurs apprentissages en misant sur le lien de confiance.

C’est également ce qui a motivé le choix de Serge Denoncourt à monter cette pièce, comme il le partage dans son mot du metteur en scène :

« … il y a une dizaine d’années, je me suis retrouvé en Serbie à travailler avec des enfants rejetés de la société. Des enfants Roms qui n’avaient d’avenir que leur vie d’exclus dans un bidonville de la banlieue de Belgrade. Des enfants avec qui on me conseillait de ne pas perdre mon temps. Des délinquants voués à un futur criminel qui ne pouvaient m’apporter que déception.

Alors, tout comme Clément Mathieu, je n’ai pas voulu accepter cette prémisse et je me suis lancé dans un projet fou et plein de naïveté. Redonner, grâce à l’art, la musique, la danse, le théâtre, un peu de dignité, de confiance à ces jeunes qui n’en avaient plus. Donner une voix à ces enfants que personne ne voulait voir, ni entendre.

Alors, tout comme Clément Mathieu, j’ai compris que j’avais raison. Que l’art peut être salvateur. Que l’éducation est la voie vers l’indépendance. Qu’apprendre c’est exister. Que chanter est une façon de ne plus être invisible. Que l’art n’est pas qu’un divertissement pour les riches mais surtout une prise de parole pour les démunis. »

Pour illustrer cette prémisse bien touchante, quoi de mieux que d’amener sur scène une quinzaine de jeunes interprètes dont le plaisir transparaît tout au long de la représentation ? Ces jeunes qui se partagent les rôles de choristes ne sont pas nécessairement tous issus du milieu théâtral, mais excellent sur scène. Autant ils peuvent avoir l’air d’une bande de jeunes hors de contrôle dans les moments de frivolité dépeints au fil des tableaux, autant on sent la discipline et la rigueur au travail des jeunes artistes.

Ces jeunes choristes ont été sélectionnés parmi les Petits chanteurs du Mont-Royal et les Petits chanteurs de Laval. Les rôles plus imposants sont partagés par deux acteurs qui alternent selon les représentations : Olivier Leduc et Milan Brodeur-Terraza dans le rôle de Morhange, Robin Boudreault et Maxime Côté-Haefele dans le rôle de Leclerc, Hubert Brassard et Nicolas Lafortune dans le rôle de Corbeil, Ludovic Sakkal et Louca Bergeron dans le rôle de Boniface et Lorenzo Hébert-Iwamoto et Romain Déjoie dans le rôle de Pépinot. Les autres jeunes se joignent à la distribution pour faire partie du chœur : Émilien Leblanc, Antoine Saouf, Renaud Daigle, Rafael Noah-Girard, Flavien Nézet-Chapleau, Albert Perron, Basile Wildmer, Pierre Rolland Charlebois, Édouard Brabant-Rochette et Julien Patout.

Parmi les interprètes, mentionnons la performance de Sacha Bolduc, excellent en jeune délinquant qui subira une grande injustice de la part de… Rachin… Et la seule femme de la distribution, Louise Cardinal, en maman d’un jeune. Bien qu’il s’agisse de rôles secondaires, ils sont nécessaires à l’histoire et brillamment joués sur scène.

Deux faits sont dignes de mention dans cette adaptation théâtrale. La mise en scène de Serge Denoncourt est fluide et propose un enchaînement entre les tableaux qui ne laisse aucun flottement ni temps mort. Le chœur, quant à lui, a été dirigé de main de maître par Lorenzo Somma au point où les performances nous émeuvent. Au-delà de tout, la direction d’acteurs est irréprochable et donne le juste ton à cette pièce.

On en ressort assurément secoué par la leçon et heureux d’avoir vu tant de talents réunis sur une même scène. Notre étoile va sans conteste à François L’Écuyer, qui excelle à donner la réplique à de jeunes initiés du théâtre et à les diriger avec une énergie incroyable tout au long de la soirée. L’un des aspects les plus touchants provient justement de l’interprétation de L’Écuyer : la générosité et l’humanité de son personnage nous rejoignent droit au cœur et nous font grandement réfléchir à la façon dont nous traitons les jeunes dans notre société.

Ne manquez pas cette chance unique de voir Les choristes au Monument-National jusqu’au 19 janvier prochain.

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