Vols d’épicerie et pauvreté : des familles en détresse, « l’itinérance et pauvreté invisible » une situation qui s’aggrave à Drummondville

Vols d’épicerie et pauvreté : des familles en détresse, « l’itinérance et pauvreté invisible » une situation qui s’aggrave à Drummondville
Vols d'épicerie et pauvreté : des familles en détresse, une situation qui s'aggrave à Drummondville © Crédit photo : Eric Beaupré / Vingt55. Tous droits réservés

DRUMMONDVILLE

La pauvreté, la crise des loyers et les besoins alimentaires sont de plus en plus criants à Drummondville. La hausse du coût du panier d’épicerie, conjuguée à celle des loyers et du coût de la vie, place de nombreuses familles face à des situations difficiles. Les organismes et banques alimentaires connaissent une hausse des demandes, tandis que la judiciarisation pour des vols à l’étalage connaît une augmentation marquée à Drummondville.

Vols d’épicerie et pauvreté : des familles en détresse, une situation qui s’aggrave à Drummondville © Crédit photo : Eric Beaupré / Vingt55. Tous droits réservés

Contactée par le Vingt55, Véronique Sawyer confirme que les demandes sont de plus en plus nombreuses. « De nouveaux visages viennent chaque semaine demander de l’aide », confirme la directrice générale du Comptoir alimentaire. « Des familles, des travailleurs qui n’arrivent plus à joindre les deux bouts », a-t-elle confirmé en entrevue avec le Vingt55.

« Quand les hommes et les femmes viennent ici demander de l’aide alimentaire, il faut comprendre que nous ne répondons pas seulement à leurs besoins alimentaires en leur offrant épicerie et nourriture. Nous devons également accueillir ces gens qui sont non seulement en détresse financièrement mais aussi émotionnellement », précise la directrice du Comptoir alimentaire. « C’est souvent une première demande d’aide qui devient rapidement récurrente. Ces citoyens vivent la détresse financière et alimentaire que nous devons aussi prendre en compte et gérer.

Repartir avec un panier ou une boîte d’épicerie ne règle pas tout, et cela nécessite du personnel pour gérer et soutenir tant les besoins alimentaires que les besoins humains », rappelle Mme Sawyer.

« De notre côté, nos intervenantes peinent à répondre à cette demande malgré notre bonne volonté. C’est un cercle vicieux : plus nous devons répondre aux besoins, plus nous avons besoin de ressources, tant en denrées qu’en personnel. Et dans tous les cas, les ressources sont loin d’être suffisantes », souligne Véronique Sawyer. « Nous espérons que des mesures et aides additionnelles viendront soutenir tant les tables des organismes de Drummondville que les équipes d’aide qui doivent répondre à ces besoins. »

Des changements récents dans la façon de soutenir les organismes et banques alimentaires posent problème en région.

De son côté, Véronique Sawyer déplore les changements et nouvelles annonces du gouvernement du Québec. « Centraliser les sommes qui sont ensuite réparties vers des organismes alourdit la gestion des fonds remis aux organismes, augmentant les frais de gestion pour ceux en région », précise-t-elle. « Nous grattons les fonds de tiroir pour chaque dollar qui est important pour aider les familles. La nouvelle gestion des montants alloués aux organismes et banques alimentaires est moins efficace et plus coûteuse », constate Mme Sawyer. Il faut, entre autres, s’attaquer au gaspillage alimentaire dans nos épiceries de grande surface. Entre autres façons de soutenir des organismes locaux qui pourraient assurément faire une différence pour de nombreuses familles ici, Véronique Sawyer est convaincue que l’aide n’est pas uniquement gouvernementale, mais que collectivement et socialement, nous pouvons et devons nous attaquer à la problématique.

La pauvreté prend de plus en plus d’ampleur, et la criminalisation et judiciarisations des hommes et femmes dans le besoin devient une réalité. « l’itinérance et pauvreté invisible » une situation qui s’aggrave à Drummondville.

En effet, des informations transmises au Vingt55 confirment que les épiceries de Drummondville sont confrontées à un phénomène grandissant de vol à l’étalage. Des paniers d’épicerie complets sont subtilisés par des familles tentant de nourrir leurs proches.

Un employé d’une grande surface confirme au Vingt55 que les vols ont drastiquement augmenté au cours des derniers mois. « Hier encore, un client a tenté de voler un panier d’épicerie complet, incluant de la viande », ce que confirment également les autorités. « Quelques jours auparavant, nous avions intercepté le fils de cette même famille, et deux jours plus tard, un autre membre de la famille a tenté de quitter le commerce avec un panier d’épicerie rempli », confirme l’employé d’une grande surface de Drummondville.

« Le jeu n’en vaut pas la chandelle. Un casier judiciaire devient très restrictif et pour longtemps. Nous redirigeons ces personnes vers des organismes comme le Comptoir alimentaire, mais visiblement, certains d’entre eux, des travailleurs, ont une réticence à s’afficher comme des personnes dans le besoin, préférant prendre le risque de ne pas être pris ou de bénéficier de la clémence d’un épicier. »

Dans un passé pas si lointain, nous étions confrontés à nos « clients habituels » en matière de vol à l’étalage. Quelques conserves alimentaires, de la bière ou des bouteilles de vin étaient souvent le fruit des larcins, confirme un employé d’épicerie. Il suffisait de donner une brève description de la personne à la police qui, bien souvent, allait l’attendre chez elle afin de fermer le dossier.

Aujourd’hui, nous sommes confrontés à une hausse des vols à l’étalage et de la valeur des vols, qui atteignent souvent quelques centaines de dollars en épicerie.

Des clients tentent de partir avec le panier complet, nos agents de sécurité doivent intervenir auprès d’hommes et de femmes qui n’ont visiblement plus les moyens de manger. Certains nous implorent de ne pas les judiciariser, situation qui leur ferait perdre leur travail. C’est un constat inquiétant et triste et nous ne pouvons pas demeurer insensibles à cette nouvelle réalité. Mais nous devons aussi éviter de voir le prix du panier d’épicerie augmenter en raison des nombreux vols. Si nous décidons d’absorber les montants, nous devons invariablement refiler la facture aux clients, soit en augmentant le prix de nos produits ou en limitant nos rabais ou promotions », ajoute cet employé qui confirme que la situation se répand dans l’ensemble des épiceries de la MRC de Drummond.

De son côté, la Sûreté du Québec confirme que plusieurs appels sont effectivement reçus pour des tentatives et des vols d’épiceries.

Bien que la Sûreté du Québec ne chiffre pas la hausse, elle précise que des appels sont fréquemment logés pour répondre à cette problématique. « Il appartient ensuite aux commerçants de judiciariser la situation », explique le porte-parole de la Sûreté du Québec en entrevue avec le Vingt55.

Une femme, récemment judiciarisée, a dû expliquer au juge qu’elle dormait dans sa voiture à proximité de son lieu de travail après s’être séparée de son conjoint.

« Je vous demande un peu de temps pour payer l’amende imposée, » a-t-elle expliqué après avoir plaidé coupable à une infraction criminelle. « Je vous demande de comprendre ma situation, » avait-elle ajouté, éclatant en sanglots devant le juge et demandant un huis clos pour préserver son anonymat alors qu’elle se retrouvait à la rue après avoir quitté un contexte de violence conjugale. « Ma voiture est ma maison depuis quelques semaines et pour le moment, je n’arrive pas malgré mon travail », avait plaidé cette jeune femme qui travaillait pour une grande entreprise à Drummondville.

Le prix et la valeur des maisons ont augmenté drastiquement, alors que les loyers abordables sont insuffisants.

Des familles qui ont vu la valeur de leurs maisons augmenter drastiquement et qui doivent maintenant faire face à des hypothèques augmentées de plusieurs centaines de dollars sont directement impactées dans leur pouvoir d’achat et leur capacité à s’alimenter convenablement. « Un panier d’épicerie à 75$, c’est un panier vide maintenant », constate un père de famille qui a contacté le Vingt55 afin de trouver de l’aide à Drummondville. « Je suis un travailleur et je n’arrive plus à joindre les deux bouts, ni même à manger au travail, la cantine pour mes dîners est finie depuis longtemps. Je partage mes repas avec ma femme et mes enfants pour économiser, c’est notre nouvelle réalité, nous n’arrivons pas à joindre les deux bouts. »

Une mère de famille doit quitter son logement et se retrouve sans ressources pour y arriver.

« Nouvellement séparée, je dois refaire ma vie, je n’ai pas les moyens de vivre seule dans un logement. Ma porte de sortie, c’est l’aide sociale et pour le moment, je vais devoir aviser mon propriétaire que je quitte mon logement sans préavis. Je retourne chez ma mère à 45 ans », confie-t-elle au Vingt55 afin de dénoncer la situation et la réalité.

L’exclusion sociale et la pauvreté, une problématique sociale grandissante à Drummondville

L’itinérance, qu’elle soit temporaire ou situationnelle, prend de l’ampleur, comme le rapportait le Vingt55 dans ses différents dossiers. Drummondville n’y échappe pas. La santé mentale est un enjeu important, tout comme la détresse et les problèmes de toxicomanie.

Alors qu’il y a quelques années, Drummondville comptait une dizaine de personnes en situation d’itinérance, aujourd’hui ces personnes se comptent par centaines, confirment les autorités et services rencontrés sur le terrain à Drummondville. L’itinérance et les problèmes de santé mentale et de toxicomanie sont de plus en plus souvent au cœur de nos interventions, confirme la Sûreté du Québec rencontrée par le Vingt55 sur le terrain. À cela s’ajoutent les problèmes de violence conjugale et la pauvreté des résidents.

 

Vols d’épicerie et pauvreté : des familles en détresse, une situation qui s’aggrave à Drummondville © Crédit photo : Eric Beaupré / Vingt55. Tous droits réservés

Éric Beaupré
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