Printemps 1917 : la conscription, à Drummondville aussi ! ….Raconte-moi l’histoire par André Pelchat

Printemps 1917  : la conscription, à Drummondville aussi ! ….Raconte-moi l’histoire par André Pelchat
Ovide Brouillard, Montréal, [vers 1920]. © Crédit photo Société d’histoire de Drummond, Fonds Ovide Brouillard / Vingt55.,Tous droits acquîtes

DRUMMONDVILLE

Lorsque, le 28 juin 1914, l’archiduc François-Ferdinand, héritier du trône austro-hongrois est assassiné à Sarajevo, personne à Drummondville ne devait se douter que cela finirait par affecter leur vie quotidienne.  Et pourtant…

Le 21 décembre 1917, le député provincial de Drummond, M. Hector Laferté, donne son appui à la motion présentée par le député de Lotbinière, M. J.-N. Francoeur, qui stipule ; « Que cette Chambre est d’avis que la province de Québec serait disposée à accepter la rupture du pacte fédératif de 1867 si dans les autres provinces on croit qu’elle est un obstacle à l’union, au progrès et au développement du Canada ». Le député de Drummond ajoute : (…) « nous avons le droit de nous attendre de la part des autres provinces à autre chose que des insultes et des injures et à être traités convenablement dans la Confédération ».  Au cœur d’un débat dont on peut voir qu’il est de plus en plus acrimonieux : la question de la conscription, soit le service militaire outre-mer obligatoire.

Depuis le début de la guerre en 1914, des milliers de Canadiens sont partis pour le front. L’année 1917 a été particulièrement meurtrière. De moins en moins de volontaires s’enrôlent. La presse et les politiciens canadiens-anglais accusent de plus en plus souvent les Canadiens français de ne pas faire leur part. Il est vrai que seulement 12% des volontaires sont francophones mais si on tient compte que 38 % des volontaires anglophones sont des immigrants britanniques récents, l’écart entre Canadiens « de souche » anglophones et francophones est peu considérable. Mais le Premier ministre du Canada, Robert Laird Borden, a promis d’ajouter avant la fin de l’année 200 000 soldats aux 300 000 Canadiens déjà au front et on se rend vite compte que cet objectif ne pourra pas être atteint par le volontariat. C’est ici que les attitudes des Canadiens de langue française et anglaise se divisent selon les lignes linguistiques. Les Francophones s’opposent à la conscription alors qu’on la réclame chez les Canadiens anglais. Une véritable campagne haineuse se déclenche contre le Québec dans les journaux de langue anglaise.  En juillet, la Loi du service militaire est adoptée, permettant d’incorporer des hommes sans leur consentement. Le conseil de comté de Drummond adopte en juin une résolution dénonçant tout projet de conscription et, en juillet, une manifestation anticonscriptionniste réunira 5 000 personnes à Drummondville, qui compte alors 5 400 habitants !  Ajoutons que la moitié sont des nouveaux arrivants venus travailler dans l’usine de munition Aetna Chemical fondée l’année précédente et on a une idée de l’impopularité de la mesure.  Le Canada anglais n’est pas unanime : on s’oppose à la conscription dans les milieux syndicaux et chez certains groupes d’immigrants non-britannique. Mais les Francophones, d’un bout à l’autre du pays, sont unanimes dans leur opposition. Les élections fédérales de décembre 1917 le démontreront : les partis politiques éclatent et Borden forme un gouvernement d’Union comprenant des Conservateurs et des Libéraux anglophones alors que l’opposition est composée uniquement des libéraux francophones : le gouvernement obtient 153 sièges et les libéraux 82 sièges. Au Québec, les électeurs choisissent 62 libéraux et trois conservateurs de langue anglaise. Dans Drummond-Arthabaska, le député libéral Ovide Brouillard, qui s’est opposé à la conscription, est réélu. Il avait qualifié la mesure d’ « extrémiste » et affirmé :  « la guerre civile est à nos portes ». La suite va démontrer qu’il exagère à peine.

L’application de la loi, souvent arbitraire et brutale, causera une crise majeure. Dans les campagnes les désertions seront monnaie courante et les corps de police provinciaux et municipaux refuseront d’appuyer les agents recruteurs ; dans les villes des attentats à la bombe frapperont des journaux pro-conscription et des émeutes feront 4 morts et des centaines de blessés à Québec quand des troupes de l’Ontario ouvriront le feu sur une foule de manifestants. À la fin du conflit, les troupes canadiennes-anglaises passant par Québec à leur retour d’Europe seront scandalisées de l’accueil glacial que leur réserve la population de la Vieille Capitale. Peut-être la censure ne leur avait-elle pas permis de savoir ce qui s’était passé ici…

Finalement, sur 115 000 appelés au Québec, 113 000 demanderont une exemption et 105 000 l’obtiendront. En Ontario, sur 124 000 appelés, il y aura 116 000 demandes d’exemption. À la fin d’avril, on constatera que la conscription a permis d’enrôler un maigre 32 000 hommes dans tout le pays. Tout ça pour ça…

André Pelchat
CHRONIQUEUR
PROFILE

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