DRUMMONDVILLE
Ce mois a été particulièrement sec au sud du St-Laurent. Selon le quotidien montréalais La Patrie du 24 septembre 1895, le brasier semble s’allumer dans la région des Bois-Francs. La catastrophe fera parler d’elle dans les journaux, non seulement de Trois-Rivières, Montréal et Québec, mais même aux États-Unis ! Un journal américain, le County Independant, de Buffalo, NY, publie un article fort détaillé sur le désastre. Comme d’autres journaux, il attribue l’embrasement à des feux de broussailles allumés par des défricheurs. On peut lire : « Des feux de forêts ont brûlé toute la journée dans les environs de Brault’s Mills et Aston. À Brault’s Mills, un village d’une douzaine de maisons situé entre Arthabaska (aujourd’hui Victoriaville) et Aston, le moulin à scie, la petite gare, des piles de bois de construction, du bois de pulpe, des dormants de chemin de fer, des poteaux de télégraphe et trois wagons du Grand Tronc, chargés de marchandises vont être détruits par le feu. Les troupeaux vont périr aussi et les habitants doivent fuir dans toutes les directions. Certains mettront des jours à retrouver leurs proches. Des dépêches d’Aston informent que les feux de forêts ont fait de grands dommages et plusieurs maisons ont été brûlées. Des poteaux de télégraphe ont été brûlés, les fils brisés, ce qui fait qu’il est impossible d’obtenir d’autres détails pour le présent. » Mais l’embrasement, les braises poussées par les vents, n’allait pas s’arrêter à Victoriaville. Il s’étend ensuite à Ste-Élizabeth, St-Albert de Warwick et Kingsey Falls.
Dans les jours qui suivent, Wickham est menacé pendant plusieurs heures par le feu mais les dégâts seront finalement insignifiants. Cependant, un journal mentionne que plusieurs granges et maisons de fermes ont brûlé entre Drummondville et St-Germain-de-Grantham. On mentionne des pertes considérables subies par les familles Carpentier, Gosselin, Bastarache et Quinter. Sept ou huit maisons brûlent à St-Léonard. À Sainte-Eulalie, 100 maisons sont détruites. Les récoltes, déjà engrangées, s’envolent en fumée. On voit que l’étendue touchée est considérable : on parle d’un arc de 85 milles (136 km) !
Des gens qui ont tout perdu mendient dans toute la région et les membres de familles séparées par la catastrophe se recherchent. Des colons ayant habité la région depuis plus de 50 ans disent n’avoir jamais rien vu de tel. Le County Independant parle de familles réfugiées dans des tentes au milieu de leurs champs qui implorent la compagnie du Grand Tronc de les prendre sur ses trains pour les amener loin de la zone sinistrée. On poste des gardes autour des villages pour signaler la moindre fumée et des statues de saints sont disposés autour des maisons encore épargnées pour « éloigner le feu ».
Le feu ne frappe pas avec la même intensité partout : le 25 septembre un journal de Québec affirme qu’à Kingsey Falls, les flammes « sont en bonne voie d’être contrôlées ». Un certain James Perkins aurait perdu sa cabane à sucre « de grande valeur » et beaucoup d’agriculteurs ont perdu des sommes considérables en cordes de bois.
Le 26 septembre la pluie se met à tomber et apporte un soulagement en éteignant une partie du brasier… Les habitants se réjouissent mais cela s’avère prématuré à plusieurs endroits : le 27, le journal Le Trifluvien, publié à Trois-Rivières, écrit : « Le feu continue ses ravages dans les paroisses du sud. À Kingsey Falls, on a craint un instant que le village ne fût détruit en entier. Heureusement on a réussi depuis lors à circonscrire l’élément dévastateur. Lundi, le village de Wickham était entouré d’un cercle de feu. Une quantité de bois de chauffage et de fourrage a été consumée dans les environs. On mande de Drummondville que dans le 8e rang de St-Germain, plusieurs maisons, granges et étables ont été détruites. »
Le même journal ajoute :
« La dernière pluie que nous avons eue a éteint les feux dans nos environs, mais les dégâts sont partout considérables et la misère va succéder à la dévastation. C’est le temps pour la charité de s’exercer. »
Malgré toute cette dévastation, aucune perte de vie n’est à déplorer. Plusieurs, sûrement, ont eu de la chance. Ou, comme on aurait dit à l’époque : ils peuvent remercier la providence.