Dr HOGO VIENS
Dr Hugo Viens, président de l’Association médicale du Québec (AMQ)
Lettre d’opinion du Dr Hugo Viens, président de l’Association médicale du Québec (AMQ) à propos de la détresse des infirmières.
Pourtant notre système de santé tourne toujours autour du curatif et des hôpitaux. Son financement aussi. Les médecins sont son cœur. On leur a appris à faire des diagnostics et des plans de soins pour guérir des patients. Aujourd’hui pourtant, on ne guérit pas de la démence. On ne guérit pas d’avoir 92 ans. En revanche, on a besoin de soins de longue durée. Des soins qui devraient être pris en charge par des équipes. Mais faute d’avoir implanté ces équipes, on épuise les infirmières, laissées à elles-mêmes pour prendre en charge des patients toujours plus lourds.
Vous êtes-vous déjà demandé pourquoi le réseau est si lourd ? Pourquoi le réseau déborde tout le temps ? Si nous voulons venir en aide aux infirmières et aux patients, nous devons prendre le temps de nous interroger sur la façon dont nous consommons les soins de santé. C’est-à-dire se demander si l’on hospitalise les bons patients ? Et si oui, si l’on ne peut pas prévenir beaucoup de ces hospitalisations ou même accepter que le vieil âge ne devrait pas toujours être pris en charge par l’hôpital ?
Tant que l’on ne se posera pas ces questions, on pourra toujours augmenter les ressources, on continuera d’essayer de remplir un seau sans fond. Depuis des années, l’AMQ fait des travaux qui montrent que la solution est ailleurs. Il faut travailler sur la pertinence des services, arrêter d’investir toujours plus dans le curatif et travailler pour mieux accompagner les malades chroniques, quand ils sont encore à domicile.
En agissant en amont, on peut empêcher qu’ils ne décompensent, et donc avant que leur condition ne devienne incontrôlable et qu’il faille les envoyer à l’hôpital. Encore faut-il avoir une première ligne organisée pour ce type d’intervention, avec des équipes formées pour utiliser des indicateurs destinés à détecter les malades à risque de se rendre à l’urgence.
Alors, on a le choix. On peut ajouter des infirmières à l’hôpital et leur donner plus de soutien pour s’occuper de patients plus lourds, mais comme toujours cela reviendra à mettre un pansement adhésif sur une plaie infectée. Autrement, on peut aussi s’attaquer à ce qui gangrène notre système et permettre aux infirmières de travailler en vraie interdisciplinarité et d’aller sur le terrain auprès des patients, quand ils ne sont pas encore des cas trop lourds. Certaines IPS (infirmières praticiennes spécialisées) de première ligne le font déjà, ainsi que des infirmières cliniciennes et cela a fait ses preuves. On prévient ainsi l’entrée de bien des patients dans le système avec les économies que cela implique. Donc, plutôt que d’ajouter des infirmières à l’hôpital, ajoutons des infirmières avec une autonomie dans les GMF, pour la prise en charge des personnes âgées et des malades chroniques. »
Dr Hugo Viens, B. Sc., M. D., FRCSC
Président de l’Association médicale du Québec
(SOURCE Association médicale du Québec)