L’Histoire complexe de la Fête nationale à Drummondville …Raconte-moi l’histoire par André Pelchat

L’Histoire complexe de la Fête nationale à Drummondville …Raconte-moi l’histoire par André Pelchat
Le défilé de la Saint-Jean-Baptiste à Drummondville vers 1950 @ Source Société d’histoire Drummond fonds Fabrique Saint-Frédéric. Tous droits acquittés

DRUMMONDVILLE

La Fête de la Saint-Jean-Baptiste a une origine fort ancienne. En fait, sous la forme de fête du solstice d’été, elle remonte à des temps immémoriaux et la coutume d’allumer de grands feux à la Saint-Jean est attestée en France et en Nouvelle-France, dès les débuts de la colonie. Même le romancier Cyrano de Bergerac dans son ouvrage « L’autre monde ou Les États et empires du Soleil et de la Lune », écrit en 1650, un des premiers romans de science-fiction, fait partir son héros pour un voyage dans l’espace à bord d’un engin propulsé par des fusées allumées par les feux de la Saint-Jean à Québec !

(Vidéo)  Parade de la Saint-Jean-Baptiste sur la rue Lindsay avec la fanfare les Cavaliers de Drummondville, dans les années 1960.

La tradition fut toutefois interrompue à la Conquête britannique. C’est le journaliste Ludger Duvernay, propriétaire du journal La Minerve, qui décide de ranimer cette tradition et, en même temps, de doter le peuple canadien-français d’une fête nationale annuelle. C’est à Montréal, en 1834, que fut organisé le premier « banquet de la Saint-Jean-Baptiste » réunissant une soixantaine de personnes, principalement membres du Parti patriote. Ce fut un succès et les journaux encouragèrent vite les citoyens à fêter la Saint-Jean-Baptiste dans leurs localités. Le succès put se vérifier l’année suivante quand plusieurs villes et villages organisèrent leur fête de la Saint-Jean-Baptiste.

Ici, dans la colonie de la rivière St-François, peuplée principalement de vétérans britanniques et dirigée parle très loyaliste Major Heriot, on devine que la nouvelle fête fut totalement ignorée…

Mais les Rébellions de 1837-38 amenèrent une interruption des célébrations pendant cinq ans. D’autant plus que les membres du Parti patriote, principaux instigateurs du mouvement, se virent emprisonnés, déportés, voire pendus, à moins de s’être exilé eux-mêmes comme Duvernay.

Lorsque les célébrations reprirent en 1840, elles avaient déjà beaucoup changé : les banquets furent remplacés par des défilés dans lesquels l’élément religieux prit une part prépondérante, alors que la fête était purement laïque à l’origine. C’est à cette époque qu’on vit apparaître le char allégorique avec Saint-Jean-Baptiste joué par un petit garçon, généralement blond et frisé, accompagné de moutons. Plus tard, après 1871, les Zouaves pontificaux se joignirent au cortège. Nationalisme et religion allaient être indissolublement mêlés jusqu’aux années 1960.

C’est en juin 1902 qu’à Drummondville, l’avocat Napoléon Garceau organisa la première manifestation connue, précédée le 19 juin par un grand rassemblement nationaliste ayant pour but de convaincre le Premier ministre Wilfrid Laurier de résister aux pressions de l’Angleterre qui demande au Canada d’augmenter son aide dans la guerre d’Afrique du Sud, de contribuer à la marine britannique et de faire partie d’une « fédération impériale ». Drummondville était « ornée de drapeaux » et plus de 2 000 personnes participèrent à l’évènement.

Pour bien montrer le lien entre nationalisme et religion, Camille Duguay, fondateur du journal La Parole, écrira en 1926 que « les fêtes nationales sont au patriotisme ce que les fêtes religieuses sont au catholicisme ». C’est que l’année précédente l’Assemblée nationale avait fait du 24 juin un jour férié.

En 1938, selon Micheline Champoux, les fêtes commençaient le 23 au soir à 20h30, avec une fanfare de jeunes garçons pendant que des conseillers municipaux distribuaient des drapeaux fleurdelysés aux enfants. Un bûcher était ensuite allumée dans la cours de « l’Académie des garçons »et une chorale chantait des « chants patriotiques » dont le « Ô Canada » (dont la musique avait été composée par Calixa Lavallée pour la Saint-Jean-Baptiste de 1880 à Québec). Le lendemain, une autre parade était suivie d’une messe. La parade de chars allégoriques (dont plusieurs commémoraient les Patriotes de 1837-38) se déroulait en après-midi et la journée se terminait par des jeux de plein air et un concert.

Sous la pression de la Fédération des Sociétés Saint-Jean-Baptiste, fondée en 1947, le Québec adopte officiellement le fleurdelysé comme drapeau en 1948.

Mais la montée d’un nationalisme plus agressif et du mouvement indépendantiste mettra fin au traditionnel défilé : à Montréal le 24 juin 1968, une émeute fera 123 blessés durant le défilé. Ce sera la fin du petit Saint Jean Baptiste au Québec. Passée sous silence dans les médias l’année suivante, la Saint-Jean deviendra ensuite un lieu de ralliement pour politiciens et chefs nationalistes avant que les chansonniers leur volent définitivement la vedette en 1975 lorsque Gilles Vigneault interprète son « Gens du Pays » sur le Mont Royal. C’est deux ans plus tard que le gouvernement Lévesque fait de la Saint-Jean-Baptiste officiellement la « Fête nationale des Québécois ».

Consacrée au début uniquement à célébrer la culture francophone (et pas toujours québécoise : je me souviens d’un spectacle de la fin des années 70, à Québec,  qui comprenait, entre autres,  l’Américain Zachary Richard et la Française Catherine Lara mais pas un seul artiste anglophone ou autochtone du Québec), les spectacles de la Fête nationale, depuis quelques années, se sont voulus plus inclusifs. Plusieurs artistes y représentent la diversité de la population québécoise. On ne peut que souhaiter que la tendance se poursuive.

Enfin, comme tous le savent, la Fête a été bien terne en 2020 pour cause de pandémie. On attend de voir ce qu’il sera cette année.

De toute façon : Joyeuse Fête nationale à tous et à toutes !

André Pelchat
CHRONIQUEUR
PROFILE

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