Transport scolaire : la facture cachée du virage électrique, la FTA présente une facture salée de 12 M$ au gouvernement du Québec

Transport scolaire : la facture cachée du virage électrique, la FTA présente une facture salée de 12 M$ au gouvernement du Québec
En septembre prochain, près du quart de la flotte d’autobus Voltigeur sera électrique @ Crédit photo Eric Beaupré / Vingt55 Tous droits réservés.

DRUMMONDVILLE

La Fédération des transporteurs par autobus (FTA) remet aujourd’hui une facture de 12 millions de dollars au ministère de l’Éducation. Ce montant représente le manque à gagner assumé par les 137 transporteurs scolaires qui exploitent des autobus électriques au Québec pour l’année scolaire 2024-2025.

En septembre prochain, près du quart de la flotte d’autobus Voltigeur sera électrique @ Crédit photo Eric Beaupré / Vingt55 Tous droits réservés.

À Drummondville, comme ailleurs au Centre-du-Québec et dans plusieurs autres régions, les transporteurs se retrouvent confrontés à cette réalité et aux enjeux financiers importants qu’entraîne le virage électrique.

« Le gouvernement nous a d’abord imposé un virage électrique. Ensuite, il a changé unilatéralement les règles budgétaires, en retirant l’essentiel de la mesure de soutien pour le transport électrique. Résultat : des dizaines de transporteurs ont roulé à perte, durant toute la dernière année scolaire. C’est intenable et ça doit être ajusté avant la rentrée », déclare Luc Lafrance, président-directeur général de la FTA.

Cette facture découle de la réduction de la mesure de soutien à l’électrification du transport scolaire (mesure 30400) décidée unilatéralement par le ministère au début de la dernière année scolaire. Le soutien financier accordé aux transporteurs est ainsi passé de 12 900 $ à seulement 5 000 $ par circuit. Or, selon les audits financiers des transporteurs, un autobus électrique coûte 14 000 $ de plus à opérer qu’un véhicule thermique, d’où un manque à gagner de 9 000 $ pour chacun des circuits opérés par autobus électrique (1 336).

Des autobus électriques plus coûteux qu’anticipés

Rappelons d’ailleurs que ces surcoûts ont été imposés à partir de 2021 lorsque le gouvernement a rendu l’achat d’autobus électriques obligatoire en remplacement des autobus thermiques. Or, les coûts d’opération de ces autobus sont considérablement plus élevés.

 »Oui bien sur, les transporteurs scolaires de Drummondville sont affectés par cette situation’‘, confirme Maxime Boudreau en entrevue au Vingt55.

Alors que la transition vers l’électrification des transports scolaires se poursuit, les défis financiers et opérationnels s’accumulent pour plusieurs transporteurs. « Autrefois, le financement était directement alloué aux services scolaires, qui déterminaient les besoins et redistribuaient les sommes aux transporteurs, précise le responsable des communications de la Fédération des transporteurs par autobus en entrevue au Vingt55. Le montant s’élevait à environ 12 000 $ par véhicule, mais a été réduit de 5 000 $ lors du dernier renouvellement d’entente. Aujourd’hui, on exige des transporteurs qu’ils modernisent leur flotte avec des véhicules plus coûteux à exploiter. Aux frais d’acquisition s’ajoutent les défis liés au temps de recharge des autobus électriques et le besoin de mécaniciens spécialisés pour l’entretien. Ce contexte engendre un manque à gagner considérable. Avec l’ajout de nouveaux autobus électriques, plusieurs transporteurs opèrent à perte depuis maintenant un an, malgré certaines aides ponctuelles. »

Du côté d’Autobus Voltigeur à Drummondville, la situation est également suivie de près explique M.Joël Hébert, directeur de l’entreprise en entrevue au Vingt55

« Le virage vers l’électrification est incontournable, mais il entraîne des coûts substantiels et nécessite une période d’ajustement importante, souligne Joël Hébert, directeur de l’entreprise. Nous comptons déjà dix autobus électriques en service et prévoyons en ajouter quinze autres prochainement, sur une flotte d’environ cent véhicules. C’est une portion significative de notre parc, avec des impacts financiers majeurs. »

Face à ces coûts, certains transporteurs évaluent même la possibilité de maintenir quelques véhicules thermiques (diesel) dans leur flotte, malgré leur disponibilité plus restreinte.

« Les véhicules électriques posent plusieurs défis opérationnels et d’entretien qui s’ajoutent aux coûts à long terme, précise-t-il. L’industrie est en pleine mutation, les normes évoluent et la période d’adaptation est importante. Plusieurs entreprises de transport risquent de rencontrer d’importantes difficultés à compléter ce virage en raison des investissements importants requis », conclut M. Hébert.

« Les enjeux d’autonomie font aussi partie de l’équation, souligne M. Hébert en entrevue au Vingt55. Nous avons présentement près de 25 autobus électriques sur une flotte d’environ 100 véhicules, soit le quart de notre parc.

Un autobus électrique offre une autonomie moyenne d’environ 150 km en été et plus ou moins 100 km en hiver. Ce sont donc des facteurs importants à considérer dans l’affectation des véhicules et la planification des déplacements. Pour le moment, alors que nous amorçons ce virage, le transport urbain et les sorties scolaires ou transports spéciaux ne sont pas des options réalistes avec l’électrique. L’avenir nous dira si cela évoluera, mais à court terme, le transport par autobus thermique (diesel) demeure essentiel pour des entreprises comme la nôtre, qui desservent à la fois des secteurs ruraux et urbains », conclut M. Hébert.

Interpellé par le Vingt55, Normand Page, directeur du Service des communications et secrétaire général du Centre de services scolaire des Chênes, précise pour sa part : « Ce dossier est traité au niveau national. Notre centre de services scolaire détient des contrats avec les transporteurs, et nous en respectons les termes. Nous n’avons toutefois aucun contrôle sur les mesures gouvernementales. Il appartient donc aux transporteurs de faire valoir leurs représentations auprès des instances appropriées. »

Le transport scolaire doit retrouver l’équilibre.

Cette nouvelle embûche s’inscrit dans une séquence difficile pour les transporteurs. Depuis plusieurs années, ils font en effet face à diverses situations difficiles (pandémie, difficultés financières de Lion Électrique, etc.). Qui plus est, ils ont également appris dans les derniers jours que le gouvernement proposait une indexation de seulement 0,58 % sur leurs contrats de service, ce qui ne couvre pas la hausse des coûts d’exploitation. Il s’agit d’une goutte de plus dans un verre déjà trop plein.

Les transporteurs sonnent donc l’alarme : sans appui d’urgence, et, surtout, un cadre de financement clair, stable et prévisible, ils ne peuvent planifier ou garantir un service de base.

« Les transporteurs se sentent prisonniers d’un système défaillant qu’ils n’ont ni choisi ni dessiné. Nous discutons avec le gouvernement depuis plusieurs mois afin de trouver une voie de passage et espérons que le dépôt de notre facture engrangera enfin un engagement ferme et des actions concrètes pour les transporteurs scolaires du Québec » a conclu M. Lafrance.

En septembre prochain, près du quart de la flotte d’autobus Voltigeur sera électrique @ Crédit photo Eric Beaupré / Vingt55 Tous droits réservés.

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Éric Beaupré
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