Une surprise à la naissance du Village Québécois d’Antan, un cadeau qui ne se refuse pas …Raconte-moi l’histoire par André Pelchat

Une surprise à la naissance du Village Québécois d’Antan, un cadeau qui ne se refuse pas …Raconte-moi l’histoire par André Pelchat
Village Québécois d’Antan © Crédit photo Eric Beaupré / Vingt55. Tous droits réservés.

DRUMMONDVILLE

Depuis 45 ans, le Village Québécois d’Antan (VQA) a reçu des millions de visiteurs venus s’immerger dans le Québec d’autrefois. Constitué de bâtiments authentiques et animés par des comédiens en costume d’époque, le village a reçu plus de 10 000 artéfacts au fil des décennies. Parmi ceux-ci néanmoins, certains ont une histoire particulière et se démarquent par leur valeur artistique : les vitraux de la chapelle.

Vitraux Village Québécois d’Antan, Drummondville peut s’enorgueillir de posséder des œuvres d’art d’un des plus grands artistes québécois © Crédit photo Eric Beaupré / Vingt55. Tous droits réservés.

Guido qui ?

Guido Nincherri (1885-1973) est connu comme le plus grand artiste du Canada dans le domaine du vitrail. Né en Italie, il étudia les beaux-arts à Florence avant d’émigrer au Canada en 1915. C’est à Montréal qu’il apprit l’art du vitrail sous la direction d’un maître français. Il fonda bientôt son propre atelier et obtint vite de nombreux contrats, tant comme peintre que comme artiste vitrier, principalement dans la décoration d’églises. Pas seulement : entre autres, il réalisa des vitraux pour le « Château Dufresne », résidence des frères Marius et Oscar Dufresne, riches hommes d’affaire de Montréal, qui abrite aujourd’hui le Musée des Arts Décoratifs de Montréal, la Bibliothèque de l’Assemblée nationale, et le Musée d’histoire naturelle Williams-Park, à Providence Rhode Island.

Parmi ses œuvres dans les églises signalons le plafond de la chapelle du sanctuaire Kateri Tekakwitha à Kahnawake et celui de l’église Notre-Dame-de-la-Défense, à Montréal, église de la communauté italienne. Cette dernière œuvre, une immense fresque, valut d’ailleurs à Nincherri de passer quelques mois en prison durant la Seconde guerre mondiale car on y voit, entre autres, Mussolini entouré d’hiérarques fascistes, ce qui valut à l’artiste d’être fiché comme « fasciste » par la GRC, accusation qu’il parvint à démentir.

Et les Frères de la Charité ? Fondée en 1807 en Belgique, cette congrégation a pour mission d’aider les démunis physiques, mentaux et spirituels. Ils œuvrent principalement dans la rééducation, le soin des malades et l’enseignement. C’est en 1865 que l’évêque de Montréal, Mgr Bourget, les invite au Canada. En 1869 , le gouvernement adopte la loi qui crée les « écoles de réforme » pour jeunes délinquants et les frères signent un contrat avec le gouvernement en 1873 qui leur permet d’établir ce qui s’appelle ‘l’institut Saint-Antoine », à cette fin. C’est en 1932 que, déménagé sur la rue Sherbrooke, l’établissement prend le nom de Mont Saint-Antoine.  C’est alors que, pour décorer la chapelle du nouvel établissement, les frères feront appel à Guido Nincherri qui réalisera la série de vitraux dont nous parlons.  Avec la réforme de l’Éducation, les Frères abandonnent l’établissement en 1964 et, en 1970, la démolition du bâtiment oblige à se poser la question : que faire de ces œuvres d’art que sont les vitraux de Nincherri ? Tout d’abord on les entrepose à la résidence des Frères, à Saint-Sulpice mais il est hors de question que de telles œuvres d’art restent cachées indéfiniment.

La première option a été de les donner au Collège Saint-Bernard de Drummondville, fondation des Frères de la Charité. Mais le collège n’a pas de place pour les exposer et, par l’entremise du frère Desrosiers, les offre au VQA. C’est un cadeau qui ne se refuse pas : on est en train de faire les plans de l’église du village qui doit être une reproduction à l’identique de la première église Saint-Frédéric de Drummondville., construite en 1822 On va garder le même plan mais on les ajuste : les fenêtres vont garder la même forme mais on va les agrandir autant qu’on le pourra afin de pouvoir y insérer les vitraux. Le plan original prévoyait de petite fenêtre comme celles du modèle de 1822.

Les vitraux arrivent au début des années 1980 et certains ont été endommagés. On doit refaire certaines soudures, ce dont se charge Mme Colette Therrien qui a reçu une formation en conséquence. Deux des vitraux sont déjà sur place quand on monte l’église en 1983.  Toutefois on n’a pas pu agrandir les fenêtres suffisamment pour bien y insérer les vitraux. Plusieurs vont devoir être scindés et disposés différemment de l’arrangement original de l’artiste, ce qui explique pourquoi, par exemple, il manque le sommet du vitrail de la crucifixion et qu’on aperçoit le haut de la croix dans un autre vitrail situé du côté droit de l’église, le troisième depuis l’avant. C’est sans aucun doute dommage.

Reste que cette donation imprévue permet aujourd’hui à des milliers de personnes d’admirer ces chefs d’œuvres dont on se demande ce qui aurait pu leur arriver autrement, et que Drummondville peut s’enorgueillir de posséder des œuvres d’art d’un des plus grands artistes québécois.

Village Québécois d’Antan, Drummondville peut s’enorgueillir de posséder des œuvres d’art d’un des plus grands artistes québécois © Crédit photo Eric Beaupré / Vingt55. Tous droits réservés.

André Pelchat
CHRONIQUEUR
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