Drummond, d’une grève à l’autre : une des premières grèves signalées à Drummondville a lieu en 1868, en face de…. Raconte-moi l’histoire par André Pelchat

Drummond, d’une grève à l’autre : une des premières grèves signalées à Drummondville a lieu en 1868, en face de…. Raconte-moi l’histoire par André Pelchat
Employés Celanesseen grève, Drummondville 1962 @ Photo Société canadienne d'histoire, Fond Canadien Celanesse. Droit d’utilisation acquitté / Vingt55

DRUMMONDVILLE

On parle de grèves dans la fonction publique par les temps qui courent mais les grèves ne sont pas un phénomène nouveau, loin de là.

La première grève dont l’histoire a gardé des traces remonte à 1166 avant notre ère, en Égypte ! Mais nous n’avons pas à remonter si loin. Les grèves se multiplièrent à l’époque industrielle, à partir du début des années 1800, quand se sont multipliées les grandes concentrations de travailleurs, accompagnées d’une dégradation certaine des conditions de travail. Notre région ne fut pas épargnée.

Au Québec, à l’extérieur de Montréal, Québec et Trois-Rivières, les relations de travail, au XIXe siècle, sont régies par la Loi des Maîtres et Serviteurs, adoptée en 1849. Selon cette loi, la mauvaise conduite, la désobéissance, la paresse, l’abandon du travail ou l’absentéisme peuvent être punis d’amendes ou de peines de prison. Une loi de 1872 adoptée par le gouvernement MacDonald autorisa les ouvriers à former des associations, légalisant les syndicats.

Une des premières grèves signalées à Drummondville a lieu en 1868, au « village de la tannerie », en face de Drummondville proprement dit, qui compte une cinquantaine de familles, travaillant à la tannerie et à la scierie Simpson.  Il faut savoir que les tanneries sont une des principales industries du Centre-du-Québec à l’époque. En juin, les ouvriers de la tannerie se mettent en grève. La cause semble avoir été des retards dans le paiement des salaires. La grève durera 5 mois avant que les travailleurs acceptent de retourner au travail. « une bonne nouvelle pour les travailleurs de l’endroit », selon le journal « L’Union des Cantons de l’Est », qui annonce la fin du conflit le 26 novembre et précise que « toutes les dettes dues pour gages (…) etc. ont été soldées avant que la compagnie reprît ses travaux. »

En 1881, ce sont les forges McDougall qui sont paralysées par un débrayage des charretiers qui font la grève pendant plusieurs semaines. Ils demandent une augmentation du prix payés par les forges pour transporter le bois des chantiers vers les hauts-fourneaux. Les mineurs se joignent à eux. L’entreprise ne cédera ni pour les uns ni pour les autres et les travailleurs devront rentrer au travail sans avoir eu gain de cause. Il faut dire qu’à l’époque l’employeur savait que la loi était de son côté : en 1893, dans la région d’Arthabaska, un groupe de travailleurs belges ayant quitté leur emploi sans préavis seront tout simplement jetés en prison !

En 1916, les quelques mille ouvriers de l’Aetna Chemical (la « Poudrière ») se mettent en grève pour protester contre les retards continuels dans le versement de leurs salaires. Le conflit durera un mois et se règlera avec l’arrivée d’un médiateur du gouvernement fédéral mais aussi, la venue de 200 ouvriers américains engagés comme briseurs de grève.

Si on avance de quelques décennies, en 1937, ce sont les 10 000 ouvriers de la Dominion Textile qui se mettent en grève dans toutes les succursales à travers le Québec, y compris à Drummondville. Ils demandent une diminution des heures de travail (de 60 à 50 heures par semaine) et d’une augmentation de leur salaire qui est alors de 15$ par semaine environ, les ouvriers étant payés à la pièce. Après un mois, ils rentrent au travail, ayant reçu la promesse de la compagnie d’accepter de négocier une convention collective. Ils y gagneront une diminution de 5 heures des heures de travail et une augmentation des salaires de 5%. Toutefois, un an plus tard, la compagnie refusera de renouveler la convention collective… Une nouvelle grève éclatera en 1940, quand la compagnie voudra allonger de nouveau les heures de travail. La même année, la Celanese se retrouvera en grève et, fait rare, le maire Arthur Rajotte prendra ouvertement parti pour les ouvriers, accusant même le journal local d’être à la solde des patrons.

D’autres grèves marqueront l’industrie du textile qui est de loin le plus important employeur à Drummondville après la Seconde Guerre mondiale. D’autant plus que cette industrie peine de plus en plus à faire face à la concurrence internationale, ce qui la conduit à essayer de garder les salaires au plus bas, entraînant, par contrecoup, des revendications des travailleurs sous-payés.  En 1966, les travailleurs de la Dominion Textile, dans tout le Québec, se mettent de nouveau en grève, réclamant une augmentation de 30 cents l’heure répartie sur trois ans alors que la compagnie propose 27 cents. Les usines de Magog, Sherbrooke, Drummondville et Montmorency sont paralysées pendant 5 mois. L’intervention du gouvernement de Daniel Johnson permettra éventuellement de sortir de l’impasse. Ce conflit a aussi été marqué par un attentat à la bombe du FLQ contre l’usine.

La conscience des difficultés de l’industrie amènera les parties à tenter d’améliorer les relations de travail par la suite mais il est trop tard. Malgré des tentatives de modernisation dans les années 1970, l’industrie québécoise du textile va s’effondrer et, dès la fin des années 1980, la moitié des filiales de la Dominion Textile auront été fermées. La compagnie sera vendue à un groupe américain en 1997 et l’usine de Drummondville fermera définitivement en 2006. La majorité des autres entreprises dans le secteur textile subiront le même sort à la même époque.  D’autres conflits de travail ont eu lieu depuis mais, depuis 1980, la tendance générale au Canada est à la baisse du nombre de jours perdu par les conflits de travail, contrairement à ce beaucoup de gens pensent.

André Pelchat
CHRONIQUEUR
PROFILE

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