DRUMMONDVILLE
Par comparaison, en 1971, c’était 124. En 1975, année record : 225 homicides au Québec. Parmi les crimes violents, le plus médiatisé était certainement le vol de banque à main armée (hold-up ), presque disparu aujourd’hui. Et la capitale nord-américaine du hold-up était Montréal. Il y en a eu 815 en 1968 et 1 400 l’année suivante (aujourd’hui on atteint rarement la centaine). On parlait même de hold-up « Montreal style » pour désigner des vols commis en moins d’une minute. Ça se terminait souvent en fusillade mortelle. Des voleurs ont été tués. Des policiers aussi : en décembre 1962 les agents Claude Martineau et Denis Brabant sont abattus durant un vol de banque dans la métropole.
Inévitablement, un tel phénomène ne pouvait pas se confiner à Montréal et devait fatalement déborder sur le reste de la province. En 1970, la violence s’invite à Drummondville.
Le 16 février 1970 les agents Douglas Lyons et Albert Pinaud, alors en patrouille sont appelés à la Banque Canadienne Nationale située au centre d’achat Place Drummond, situé à l’époque au coin Des Forges et St-Joseph, dont le système d’alarme vient de sonner. Lorsque les deux policiers arrivent sur les lieux, le vol, en tant que tel est terminé mais la camionnette des bandits, au nombre de 4 et munis de cagoules, est entrée en collision avec un camion de la voirie municipale ! Les deux agents tentent d’intercepter les bandits et une fusillade éclate. Les policiers ont leurs revolvers de service mais au moins l’un des truands a une mitraillette. Fauché de plusieurs balles, l’agent Douglas Lyons s’écroule. Il survivra à ses blessures, non sans rester handicapé à vie.
Deux des bandits sont arrêtés par des policiers arrivés en renfort pendant que deux autres s’emparent de l’auto-patrouille et réussissent à s’enfuir mais seront interceptés plus tard. Ils seront identifiés comme Paul April, Michel Marinello, Léopold Véroneau et René-Yvon Ferland tous des individus connus pour avoir participés à plusieurs hold-up précédemment. Ils seront condamnés à 10 ans de prison.
Au moins un des bandits, Paul April, mourut avec deux autres malfrats en 1984, victime de la guerre des motards, quand une bombe à retardement caché dans un téléviseur explosa dans son appartement. L’engin avait été apporté par le célèbre Yves « Apache » Trudeau.
Cloué dans un fauteuil roulant malgré plusieurs interventions chirurgicales (il fut même vu par des chirurgiens soviétiques) l’agent Lyons connut par la suite une certaine célébrité dans le monde des sports paralympiques, étant un des fondateurs du rugby en fauteuil roulant au Canada, et devint aussi un artiste reconnu. Dans une entrevue à la presse quelques mois après les évènements, il déclarait avoir « pardonné » à ceux qui lui avaient tiré dessus.
Les attaques à main armée contre des institutions bancaires, pour leur part, se firent de plus en plus rares à partir des années 1980. Non à cause de la répression et des escouades spéciales constituées par les divers corps de police pour les combattre mais à cause des changements technologiques : entre la multiplication des caméras de surveillance et celle des guichets automatiques, cartes de débit, et autres moyens de paiement électroniques qui font qu’il y a de moins en moins d’argent dans les caisses, le jeu n’en vaut plus la chandelle !