Journée internationale des endeuillés par suicide : le CEPS Drummond vous offre le témoignage de Jocelyn Lamothe, un père récemment endeuillé

Journée internationale des endeuillés par suicide : le CEPS Drummond vous offre le témoignage de Jocelyn Lamothe, un père récemment endeuillé
M. Jocelyn Lamothe, père de Cynthia Lamothe © Crédit photo : Eric Beaupré / Vingt55. Tous droits réservés

DRUMMONDVILLE

Le 3e samedi de novembre est la Journée internationale des endeuillés par suicide. Nous souhaitons prendre un moment afin de transmettre à chacun de vous un câlin chaleureux et un souhait de paix.  Pour cette occasion, le CEPS Drummond vous offre le témoignage de Jocelyn Lamothe, un père récemment endeuillé.
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Témoignage de M. Jocelyn Lamothe, père récemment endeuillé par le suicide de sa fille, Mme Cynthia Lamothe @ Crédit photo Eric Beaupré / Vingt55. Tous droits réservés.

Souvent, les gens qui nous rencontrent après un décès par suicide ne trouvent pas les mots et c’est normal. Vous n’êtes pas tous des poètes. Dans tous les commentaires que nous avons lus ou entendus, le petit bout de phrase qui revient le plus souvent est « je n’ai pas de mots et les mots me manquent… »

Sachez que c’est très compréhensible, car pendant ce temps, nous les endeuillés, essayons de comprendre pourquoi. Pourquoi tu as fait ça… pourquoi tu nous as fait ça… pourquoi tu n’en as pas parlé… pourquoi tu n’as pas pensé avant d’agir… pourquoi ci, pourquoi ça?

Sachez que, pendant que vous cherchez vos mots, nous cherchons des réponses et tout comme vous, les mots nous manquent puisque nous n’avons aucune réponse. Malheureusement, nous n’en aurons jamais. Comment peut-on comprendre l’inexplicable?

Beaucoup de gens qui n’ont pas de mots veulent absolument nous réconforter et se lancent avec des « je ne sais pas comment tu fais », « tu es fort », « tu as l’air serein »… Mais la phrase la plus hot, c’est « Le bon Dieu te fait subir ce que tu es capable d’endurer. » C’est possible et peut-être même vrai, mais j’ai quand même deux mots à dire à la première personne qui a eu la brillante idée de publier ça sur les réseaux sociaux.

Sérieusement, j’ai juste envie de vous dire « faites juste ouvrir vos bras et faites-nous un câlin. » Ça, c’est réconfortant! À mon avis, c’est une dose d’amour dont tous les endeuillés ont besoin.

De petites phrases simples du genre : « Comment vas-tu? », « As-tu besoin de quelque chose? », « Viens-tu prendre une marche? », « N’oublie jamais que je suis là », « Ma porte est toujours ouverte »… Là, je ne parle pas du post à copier-coller de vos dix meilleurs amis Facebook.

Je sais, personne ne reçoit comme une autre personne, personne ne pense comme une autre personne, ce qui fait que personne ne réagit de la même façon. Pour ma part, je sais que plusieurs d’entre vous me regardent et se disent : « Il a l’air serein le gars », « Il a l’air de bien prendre ça », « Comment fait-il pour rire? », « Comment fait-il pour sourire? », « Comment fait-il pour organiser un événement quand ça ne fait que 11 semaines qu’il est en deuil? »

C’est parce que je suis comme ça, j’aime être avec des gens, j’aime le public, j’aime organiser des événements, mais ne vous méprenez pas. Je suis faible, aussi faible que fort. C’est juste que la plupart des gens ne le voient pas. Je peux vous assurer que toutes les fois où j’ai sollicité une personne pour l’événement du 30 septembre 2023, mes larmes ont coulé. Et oui, dans un magasin, dans un bureau, dans un resto, pourtant je suis partout et je marche la tête haute jusqu’à tant qu’un simple mot, une simple phrase ou même un simple geste me ramène au premier jour. Il y a des jours où ça va bien et il y a des jours où je passerais GO sans prendre mon 200 $. Mais pleurer, est-ce que ça fait de nous des personnes faibles? Je ne pense pas. Assurément pas pour moi.

Sachez que plusieurs personnes se cachent derrière leur propre personne. D’ailleurs, pour ceux qui me connaissent depuis longtemps, vous savez que je me suis caché à l’arrière de plusieurs personnages. Enfant, j’étais caché derrière un gros bébé frustré; ma vie était un malheur. J’avais honte d’être gros, honte que le monde me juge parce que j’avais full tics nerveux. J’avais même des tics sonores. Obligé de faire semblant d’avoir un chat dans la gorge parce que les sons sortaient tout seul. Je pense même qu’il y avait un gros chien qui courait après le chat (LOL).

À l’adolescence, je me suis caché derrière un rocker mal foutu en faisant toutes les conneries du monde, et ce, juste pour me faire des amis. C’est là que j’ai essayé la fameuse herbe qui pue. Et là, comme par enchantement, plus de tics nerveux. Je pensais que j’étais guéri. Bien non, mon médecin m’avait dit que c’était juste de l’automédication. Ça fait que je suis tombé dans la dépendance, et pas à peu près. Cependant, j’ai commencé à me faire des amis. Ce n’était pas tous des vrais amis, mais quand tu n’en as pas, c’est mieux que personne… que je pensais. Je traversais la ville à pied pour les voir et souvent je me retrouvais seul. Tant de fois j’ai arrêté sur le pont sur la rue St-Pierre pour regarder l’eau couler. Pour être honnête, je regardais plutôt la grosse roche en bas avec la tête pleine d’idées noires. Dire à quel point j’aurais aimé recevoir de l’aide avant même d’y penser une seule fois. Je remercie la vie de m’avoir gardé sur terre, et ce, même si aujourd’hui je souffre de la perte d’un être cher. J’imagine que, de là-haut, Cynthia guidera chacun de nos pas pour affronter le restant de nos vies.

Quoi qu’il en soit, ma déchéance ne s’est pas arrêtée là. Je suis tombé dans beaucoup plus fort avec addictions. Là, ça été le bordel! J’aimerais vous dire que tout s’est bien terminé, mais non, il a fallu que mon ami de l’époque trouve refuge au ciel pour en finir avec ses problèmes. Et oui… le 4 décembre 1993 a été pour moi une rude épreuve, puisque mon bon ami Jean Beaudoin a subitement décidé d’en finir en nous laissant dans une espèce de vide. Son père m’a appelé pour me dire que Jean aurait voulu que je sois porteur. Ça ne faisait aucun sens. J’ai quand même accepté. Avant le départ du salon, ils nous ont laissé seuls avec lui quelques minutes et, instantanément, j’ai mis ma main sur sa tombe et j’ai juré de ne plus jamais reprendre cette merde qui nous rend accroc au point de devenir un menteur, un voleur et au final, probablement un sans-abri, puisque la plupart du temps, tu te retrouves sans un sou et endetté jusqu’au cou. Et là, dans mon cœur, je lui ai demandé de veiller sur moi. Honnêtement, je lui ai même dit que s’il ne le faisait pas, je lui pèterais la gueule en arrivant en haut (LOL). Faut croire qu’il est encore dans mon cœur puisqu’à ce jour, je ne suis jamais retombé dedans.

Bref, des épreuves j’en ai traversé plus d’une dans ma vie. Mon secret pour affronter tout ça, c’est d’être comme un appareil photo : développer le négatif pour en faire du positif. Si vous vous affairez à sombrer dans le déni ou à broyer du noir, vous prendrez énormément de temps à retrouver une paix intérieure. Attention, il n’est en aucun cas question d’oublier, car jamais je n’oublierai. Il est plutôt question de changer ou de construire quelque chose de positif qui donnera un certain sens à nos vies.

C’est ainsi que, lors de l’événement du 30 septembre 2023 en l’honneur de Cynthia, les gens sont arrivés dans une fête et non un enterrement. Ceux qui me connaissent savent que ça toujours fait partie de ma vie et que j’ai toujours mis mon cœur à organiser des événements. Je ne pensais pas que Cynthia ferait appel à moi de cette façon, mais j’ai compris quelque chose de cette histoire.

Cynthia, ton histoire n’est pas terminée. Je sais maintenant ce que j’ai à faire. Je sais maintenant ce que VOUS devez faire. Je suis maintenant convaincu de ce que nous devons tous faire…..PROMOUVOIR LA VIE

 

 

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Ligne d’écoute : 8 h 30 à 22 h, tous les jours

Ligne de crise suicidaire : 24 h, 7 jours

Jocelyn Lamothe et Maryse Bisson, les parents de Cynthia Lamothe © Crédit photo : Eric Beaupré / Vingt55. Tous droits réservés

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Éric Beaupré
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