La « Poudrière » a laissé bien plus que des piliers de béton et le nom d’une école polyvalente …raconte-moi l’histoire par André Pelchat

La « Poudrière » a laissé bien plus que des piliers de béton et le nom d’une école polyvalente …raconte-moi l’histoire par André Pelchat
Les piliers de l’Aetna Chemical @ Crédit photo Eric Beaupré / Vingt55. Tous droits réservés.

DRUMMONDVILLE

Malgré l’afflux des Canadiens français quittant les rives du Saint-Laurent pour les Bois-Francs et les Cantons de l’Est depuis les années 1830, Drummondville, fondée officiellement en 1874, est encore un village au début du vingtième siècle : 1450 habitants en 1901. La croissance de la localité va être subitement accélérée par des évènements se déroulant bien loin de la rivière St-François.

Les piliers de l’Aetna Chemical @ Crédit photo Eric Beaupré / Vingt55. Tous droits réservés.

En 1914, le Canada en tant que Dominion britannique, se trouve en guerre contre l’Allemagne, l’Autriche-Hongrie et l’Empire ottoman, aux côtés du Royaume Uni, de la France et de la Russie. Le Canada ne compte alors aucune usine de munitions mais le conflit amène des investissements massifs dans le domaine et, en 1917, 250 000 Canadiens travailleront dans l’industrie de l’armement. Cette année-là, un quart des obus tirés par les forces britanniques sont fabriqués au Canada.

Un an après le début de la guerre, l’Empire russe, qui a une énorme armée mais une industrie sous-développée, passe à Ottawa une commande de 3 millions de kilos de coton-poudre, explosif utilisé dans les munitions. La compagnie américaine Aetna Explosives obtient le contrat du gouvernement fédéral et choisit Drummondville pour installer son usine. En 1916, celle-ci (un immense complexe comprenant 130 bâtiments) est en opération. On dira de l’usine qu’elle est plus grande que le village ! Les Drummondvillois la baptisent d’un vieux mot français désignant les fabriques de poudre à canon : la Poudrière. Il y a peu de travailleurs compétents dans la région, ce qui oblige à faire venir la main-d’œuvre de l’étranger.

Ces travailleurs forment une immigration massive : on parle de 1 500 à 2 000 travailleurs arrivant par train au rythme de 100 à 150 par jour ! La population du village double presque du jour au lendemain.  Il s’ensuit une crise du logement qui oblige à trouver des expédients : les Drummondvillois sont d’abord appelés à héberger ces nouveaux venus chez eux.  Une grande partie des nouveaux venus ne maîtrise aucune des deux langues officielles. Ils sont Italiens, Grecs, Polonais, Allemands, Scandinaves, Chinois, Juifs d’Europe de l’Est, mêlés à quelques Canadiens français et Abénakis. Sans surprise, le personnel de gestion, américain, britannique ou canadien, est essentiellement anglophone.

Le village est devenu une petite ville industrielle et cosmopolite ! Cependant, cette folle période est de courte durée : après la livraison de la commande russe, la révolution éclate dans ce pays qui sort de la guerre. La demande diminue, puis la guerre se termine.  L’usine ferme ses portes en 1919. La majorité des travailleurs immigrants quittent Drummondville, mais pas tous. Plusieurs décident de rester et ouvrent des commerces, diversifiant l’offre économique. Des noms de famille tels que Skrell, Schaeffer (Juifs askhénaze) Romanesky (Ukrainien), Giglio, Devito (Italien),  en sont les traces les plus visibles.

L’expérience de la guerre a donc transformé Drummondville. La population a augmenté et s’est enrichie de l’apport de nombreux immigrants venus de lieux et de cultures différentes. La « Poudrière » a laissé bien plus que des piliers de béton et le nom d’une école polyvalente !

 

Pour en savoir plus :

Bellavance, Claude, Yvan Rousseau, Jean Roy et al.

Histoire du Centre-du-Québec, Québec, Les Presses de l’Université Laval, 2013,

Bélanger, Jean-Pierre

Une bonne entente en dents de scie

Drummondville, 1998, Société d’Histoire de Drummondville,

Image : Les piliers de l’Aetna Chemical  : Crédit photo Eric Beaupré / Vingt55. Tous droits réservés.

Les piliers de l’Aetna Chemical @ Crédit photo Eric Beaupré / Vingt55. Tous droits réservés.

André Pelchat
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