Littérature – Entrevue avec Jocelyne Cazin pour son premier roman explosif, « Pire que l’éternité »

Littérature – Entrevue avec Jocelyne Cazin pour son premier roman explosif, « Pire que l’éternité »
Jean-Sébastien Bourré, journaliste et chroniqueur au Vingt55, a eu la chance de lire le roman et de rencontrer Jocelyne Cazin afin d’en discuter.

DRUMMONDVILLE

Jocelyne Cazin, journaliste, animatrice, conférencière et auteure bien connue du grand public, publiait récemment son premier roman, « Pire que l’éternité », un polar meurtrier dont la trame se déroule dans le milieu de la politique québécoise. Jean-Sébastien Bourré, journaliste et chroniqueur au Vingt55, a eu la chance de lire le roman et de rencontrer Jocelyne Cazin afin d’en discuter.

Dès les premières lignes du roman « Pire que l’éternité », nous avons l’impression que Mme Cazin nous plonge, pour une troisième fois, dans un récit autobiographique. Or, avec « Pire que l’éternité », l’auteure a l’heur de nous déstabiliser et de défier toutes les attentes que nous pouvons avoir, comme lecteurs, lorsque nous entamons la lecture de son roman.

Ainsi, à la 15e ligne, lorsque l’auteure du livre se présente sous les traits de Gabrielle Maters, journaliste d’enquête, nous comprenons que nous sommes dans une fiction et qu’il ne s’agira pas d’un récit portant sur la vie ou un pan de la vie de Jocelyne Cazin, comme ce fut le cas avec « J’ose déranger » et « Ma véritable identité ».

La trame narrative de ce premier roman est fort audacieuse, brillamment imaginée et innovante dans son style, s’agissant d’une biographie fictive dans un polar. L’univers fictif du roman est bien ancré dans notre réalité, pourvu que nous connaissions l’histoire du Québec des cinquante dernières années.

Son auteure (Mme Cazin!) a eu, et c’est évident à la lecture du roman, beaucoup de plaisir à inventer une vie parallèle au Parti libéral du Québec et à l’un de ses plus récents chefs, Jean Charest. Ce sont donc Jean Monet et le Parti progressiste du Québec qui seront au cœur de cette enquête, où des proches et des élus du parti seront froidement assassinés (ou chaudement, puisqu’il sera question d’explosions) sur une période de plus de vingt ans pour un motif qu’il apparaît bien difficile à cerner tant par la journaliste d’enquête Gabrielle Maters que par l’enquêteur du SPVM attitré au dossier, André Portefiori. Il est très intéressant de plonger dans ce monde parallèle et l’auteure a certainement eu plus de liberté à donner vie à Jean Monet à travers l’intrigue qu’à une véritable figure politique encore vivante.

Malgré quelques ressemblances entre Jocelyne Cazin et son héroïne Gabrielle Maters – toutes deux des femmes fortes, des journalistes d’enquête qui n’ont pas froid aux yeux, bisexuelles et ayant animé une émission d’enquête populaire sur le réseau TVA –, le personnage de Gabrielle Maters nous apparaît clairement issu de l’imagination de son auteure. Au fil du récit, on découvre les expériences marquantes de la vie de Mme Maters, ses relations amoureuses et ce qui a fait d’elle la solide journaliste d’enquête qu’elle est.

Sans trop en dévoiler, ce roman fut une très belle découverte et je suis d’avis qu’une nouvelle auteure de fiction est née. Jocelyne Cazin a relevé un défi colossal, fortement inspirée de ce qu’elle a connu dans sa vie, soit le journalisme d’enquête et la politique. Son écriture est soigneusement ficelée et la qualité de sa plume suscite un réel intérêt pour le lecteur, à un point tel que j’ai lu le livre en entier sur une période de 25 heures. En trichant un peu, je pourrais dire… en une seule journée.

« Pire que l’éternité » capte notre attention du début à la fin et nous intrigue tant que nous avons hâte d’en arriver au dénouement de l’intrigue pour saisir l’ampleur de cette histoire sanglante et enflammée.

Pour les amateurs d’ouvrages où les histoires sont ancrées dans le réel avec une touche de fiction, vous serez servis!

 

Entrevue avec l’auteure de « Pire que l’éternité », Jocelyne Cazin

Jocelyne, comment t’est venue l’idée d’écrire ce roman?

Ce n’est pas moi qui ai eu l’idée d’écrire un roman. C’est Erwan Leseul, éditeur de Flammarion Québec, qui m’a approchée en janvier 2021 en me disant : « Mme Cazin, j’ai lu vos deux livres, « J’ose déranger » et « Ma véritable identité », j’aime beaucoup votre écriture, votre style, et j’aimerais que vous écriviez un roman. » Je me suis dit : « Je n’ai jamais écrit un roman de ma vie, je ne vois pas pourquoi je le ferais! » Cela représentait un grand pas à franchir, moi qui n’ai jamais été dans la fiction; j’ai toujours été dans la réalité. Je lui ai demandé de me laisser quelques jours pour réfléchir à cette possibilité et à cette opportunité. Puis je l’ai rappelé et de fil en aiguille, chaque semaine, on discutait par FaceTime et des idées ont commencé à émerger.

On a ensuite fait un synopsis et j’en ai fait trente-trois, pour 33 chapitres; il y a finalement 32 chapitres dans mon roman. Puis pour l’écriture, Erwan m’a conseillé de mettre un visage sur chacun des personnages pour que ce soit plus facile de les modeler à travers l’histoire. Aussi, il m’a procuré un précieux guide. Un écrivain, Bertrand Laverdure, qui connaît la dynamique du roman.

Pourquoi écrire un polar?

Le style « polar » m’est venu naturellement. Quand Erwan m’a contactée, il parlait d’un roman. J’ai été journaliste d’enquête, j’ai été aux faits divers, donc j’ai commencé à travailler sur une histoire de fait divers, d’enquête policière. Je ne sais pas si d’autres auteurs sont comme ça, mais je pense qu’on n’est jamais bien loin de soi-même. Les personnages me sont arrivés, je te jure, Jean-Sébastien, pendant la journée, le soir… la nuit, je me réveillais, je m’enregistrais chaque fois que j’avais une idée. J’ai fait un travail de recherche absolument volumineux, incluant les noms des personnages.

On voit bien le souci du détail dans ton roman, on sent qu’un travail de recherche a été fait, notamment pour les explosions dont il est question.

Là, j’ai eu une aide extraordinaire en la personne de Robert Côté, qui était le spécialiste des explosifs, au début des années 70, lors de la crise d’Octobre, notamment. Je me suis grandement inspirée d’un rapport d’enquête de Robert Côté portant sur la tentative de meurtre d’un élu de l’époque. Pour tout ce qui est policier, j’ai eu recours à des enquêteurs des crimes majeurs de la Sûreté du Québec, comme Émile Bisaillon et plusieurs autres qui ont souhaité garder l’anonymat. Sur le plan politique, j’ai été conseillée par John Parisella et Stéphane Gobeil, conseiller spécial du premier ministre François Legault. Chaque paragraphe, chaque ligne qui concerne les enquêtes policières ont été vérifiés par les policiers qui m’ont aidée. Lorsque les policiers et les politiciens liront ce livre, je pense qu’ils ne pourront pas dire que ce n’est pas crédible. J’ai eu l’aide de ces spécialistes en la matière justement pour que ce livre soit crédible, véridique.

Je te confirme que ça l’est! À travers « Pire que l’éternité », on sent beaucoup ton expérience de journaliste d’enquête. On retrouve également beaucoup de faits empruntés à la réalité, à l’histoire récente. Qu’est-ce qui, émanant de ta carrière de journaliste d’enquête de plus de 35 ans, a été une inspiration pour toi dans l’écriture de ce livre?

Je dirais que c’est une multitude d’expériences vécues, dont certaines que j’ai placées dans ce livre. J’ai offert beaucoup de choses à Gabrielle Maters que Jocelyne Cazin a vécues, et je te dirais que Jocelyne Cazin a vécu ses lubies à travers Gabrielle Maters. Il y a beaucoup de choses qui relèvent de la fiction et que j’aurais aimé vivre. Par exemple, dans la biographie de Gabrielle Maters, elle donne des conférences à Paris, à la Sorbonne et dans les universités françaises, alors que moi, je n’ai jamais vécu ça. Je n’ai jamais rencontré Christine Ockrent, qui est une grande journaliste française, mais je me suis laissé aller, à travers Gabrielle Maters, à vivre cette lubie. C’est indéniable que je me suis permis de vivre des rêves à travers le personnage. Je n’ai pas non plus d’aussi grands noms de vins dans mon cellier, qui est plus petit que celui de Gabrielle Maters, en passant! (rires) Néanmoins, dans l’ensemble, cela reste une fiction, ce n’est pas la biographie de Jocelyne Cazin, mais celle de Gabrielle Maters, qui nous raconte cette enquête qui s’est échelonnée sur une période de plus de vingt ans.

Quel est le rapprochement entre la bisexualité de ton personnage principal et la tienne, que tu nous révélais dans ta biographie « Ma véritable identité »?

J’ai offert la possibilité à Gabrielle de faire un coming out beaucoup plus rapidement que moi. J’ai emprunté cette anecdote au journaliste François Cormier, qui a fait le sien sur les ondes de RDI, en 2015.

C’est amusant, car j’étais dans le studio avec Jasmin Roy, qui était interviewé par M. Cormier, je me le rappelle très bien! C’est cette entrevue qui l’avait amené à se dévoiler en ondes. Ça avait suscité beaucoup de réactions.

Il y a plein de situations dans « Pire que l’éternité » qui se retrouvent dans la réalité, mais dont je me suis approprié l’histoire, que j’ai moulées à ma façon.

Pourquoi choisir le contexte de la politique pour ces meurtres en série ?

C’est peut-être mon expérience en politique qui m’a explosé dans la face en 2015! (rires) Il y a trois éléments majeurs dans ce livre-là qui me touchent personnellement : le journalisme, la politique et l’aspect policier. Ai-je été paresseuse en écrivant ce livre-là? Certains diront que oui, mais pour un premier roman, c’était plus aisé pour moi de patauger dans des sphères qui me sont plus familières.

Ils verront en lisant ce livre qu’on est loin de la paresse, parce que la recherche transparaît dans chacune des pages.

C’est gentil! Il y a vraiment beaucoup de recherches qui ont été faites en cours d’écriture. J’ai un dossier assez volumineux d’informations dont je me suis servi. Je suis même allée à Vitré, en France, faire du repérage pour une partie de l’intrigue. Le manoir dont il est question dans cette partie existe vraiment.

On voit bien cette recherche dans l’explication que tu donnes des explosions, au fil de l’histoire, car elles sont toutes orchestrées différemment.

Tu touches un bon point. Tu aurais pu me poser la question « pourquoi un polar dans une biographie », mais concernant les explosions, justement, je ne voulais pas donner de détails sur les types d’explosions ni de recettes. Ça a été un gros travail avec Erwan, l’éditeur. Je lui disais que si je faisais un simple polar, je devrais donner la recette. Or, si c’est une journaliste qui écrit sa biographie, dans laquelle elle raconte l’histoire meurtrière la plus perverse et inusitée que le Québec contemporain ait connue, la journaliste n’est pas tenue de donner de recette – et à mon avis, il n’y a pas un journaliste responsable qui donnerait une recette d’explosion. C’est comme ça que m’est venue l’idée de la biographie dans le polar.

Quel beau processus d’écriture, je te remercie, Jocelyne, d’avoir partagé tes secrets avec moi et les lecteurs du Vingt55!

« Pire que l’éternité », en vente dans toutes les librairies.

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