Rentrée scolaire 2023 – Les syndicats et des parents s’inquiètent de la situation liée au retour en classe

Rentrée scolaire 2023 – Les syndicats et des parents s’inquiètent de la situation liée au retour en classe
@ Crédit photo Eric Beaupré / Vingt55 Tous droits réservés.

DRUMMONDVILLE

« La rentrée scolaire montréalaise est demain, les enfants n’ont pas encore mis le pied dans la cour d’école et la situation demeure difficile », se désole Annie Charland, présidente du secteur scolaire de la Fédération des employées et employés de services publics (FEESP-CSN), le plus important regroupement syndical d’employé-es de soutien scolaire au Québec.

À quelques jours de la rentrée scolaire pour des milliers d’élèves, d’enseignants et d’enseignantes, de professionnels de l’éducation et de membres du personnel de soutien, sans oublier les directions d’établissement déjà en poste depuis quelques jours, les différents centres de services scolaires de la région, tout comme dans l’ensemble de la province, sont confrontés à une pénurie de personnel, tant dans l’enseignement que dans les postes de soutien au milieu scolaire et Drummondville n’échappe pas à la pénurie de personnel dans le secteur de l’éducation.

Pendant que les élèves, les étudiants et les parents se préparent au retour en classe, l’inquiétude demeure parmi de nombreux parents, et même au sein des centres de services scolaires régionaux. Normand Page, directeur du Centre de services scolaire des Chênes, a confirmé le 16 août dernier que Drummondville ne fait pas exception à cette réalité de pénurie de personnel enseignant et éducatif, lors d’une entrevue accordée au Vingt55 le 16 aout dernier.

Le retour en classe cette année se déroule dans un contexte de pénurie de personnel. « Actuellement, nous déployons nos efforts pour organiser les services et les classes de manière à impacter le moins possible les élèves », a également affirmé Normand Page, secrétaire général et directeur du Service des communications du centre de services scolaire des Chênes.

« À l’instar des autres centres de services scolaires, nous devons faire face à la pénurie de personnel, notamment en ce qui concerne l’adaptation scolaire, l’enseignement de l’anglais au primaire et au secondaire, le français, les mathématiques et les sciences », a précisé le directeur du service des communications du CSSDC.

« Le service des ressources humaines croit être en mesure d’assurer une rentrée sans problématique majeure, comme ce fut le cas l’an dernier également », ajoutais Normand Page. « Nous aurons un portrait plus détaillé d’ici la rentrée puisque les processus de recrutement, d’entrevues et d’embauches sont en cours à plusieurs niveaux », confirme Normand Page, en conclusion d’entrevue.

Depuis des années, les enseignants et les syndicats, mais aussi des membres de directions d’établissements et d’autres acteurs du milieu de l’éducation, dénoncent les défis liés à la rétention et à l’embauche auprès du ministère de l’Éducation.

Dans la région, tout comme dans les grandes métropoles, la rentrée scolaire a lieu demain pour certains, sinon dans quelques jours.

L es enfants n’ont pas encore mis le pied dans la cour d’école et la situation demeure difficile », se désole Annie Charland, présidente du secteur scolaire de la Fédération des employées et employés de services publics (FEESP-CSN), le plus important regroupement syndical d’employé-es de soutien scolaire au Québec.

Le mur de la rentrée scolaire 2023

Madame Charland souligne que les emplois de personnel de soutien sont tout aussi difficiles à pourvoir que ceux du personnel enseignant. « Voici quelques exemples recueillis ces derniers jours auprès de nos syndicats. La catastrophe est surtout chez les éducatrices et les éducateurs en service de garde :

  • Au Centre de services scolaire de Montréal, il manque 230 éducatrices en service de garde sur un total de 2 248 ; ça représente 10 % des postes encore à pourvoir ;
  • Au Centre de services scolaire des Mille-Îles dans les Laurentides, il en manque 405 sur un total de 808 ; c’est 50 % des postes qui sont non pourvus ;
  • Au Centre de services scolaire de Kamouraska-Rivière-du-Loup dans le Bas-Saint-Laurent, 50 éducatrices sont manquantes sur un total de 225 postes ; ça représente 22 % des postes encore à pourvoir ;
  • Au Centre de services scolaire du Cœur-des-Vallées en Outaouais, c’est 21 éducatrices qui sont manquantes sur un total d’environ 100 postes ; ce qui équivaut à 20 % des postes encore à pourvoir ;
  • Au Centre de services scolaire du Val-des-Cerfs en Estrie, il en manque 40 sur un total de 182 ; c’est 22 % des postes qui sont non pourvus.
  • Au Centre de services scolaire Chemin-du-Roy en Mauricie, 136 postes d’éducatrices sont à pourvoir sur un total de 550 ; ça représente 25 % de postes non pourvus ;
  • Au Centre de services scolaire des Hautes-Rivières en Montérégie, c’est 43 éducatrices qui sont manquantes sur un total de 164 postes ; 26 % d’entre eux sont à pourvoir.

On a aussi des chiffres préoccupants en ce qui concerne les démissions dans certains Centres de services. Au cours de la dernière année, on compte 400 démissions au Centre de services de Montréal, plus de 175 démissions à celui des Mille-Îles tandis qu’à celui des Appalaches, c’est près de 10 % des employé-es qui ont remis leur démission. Au Centre de services scolaires des Découvreurs dans la région de Québec, c’est également près de 10 % des employé-es de soutien qui ont démissionné », déplore madame Charland.

Frédéric Brun, vice-président de la FEESP-CSN, souligne qu’il faut voir au-delà des chiffres. « On voit aussi un effet domino à la grandeur du réseau. Vu le contexte catastrophique, des Centres de services demandent à leurs techniciennes et techniciens en éducation spécialisée de remplacer des enseignantes et des enseignants, aggravant ainsi la pénurie de techniciennes. Ce n’est pas sorcier. La seule solution pour freiner l’exode et pour attirer de nouveaux employé-es en grand nombre, c’est d’offrir de meilleurs salaires et de meilleures conditions de travail. Cette situation est le résultat d’années de reculs en termes de conditions de travail », déclare-t-il.

M. Brun rappelle que les salaires des employé-es de soutien des écoles primaires, secondaires et des Centres de services sont parmi les moins élevés du secteur public. « Une éducatrice en service de garde gagne 26 $ de l’heure au dernier échelon salarial et un préposé aux élèves handicapés 23,35 $. Les ouvriers spécialisés, qui s’occupent comme ils le peuvent d’infrastructures scolaires de plus en plus délabrées par manque de financement chronique, accusent un retard salarial de 30 % par rapport à leurs collègues d’autres secteurs. Quant à la personne technicienne en travaux pratiques, elle va gagner entre 6 000 $ et 10 000 $ de plus par année en allant occuper un poste similaire dans une université », remarque-t-il.

Le premier vice-président de la Confédération des syndicats nationaux (CSN), François Enault, attribue cette situation au gouvernement du Québec. « Il doit offrir plus que le 9 % sur cinq ans d’augmentation salariale qu’il propose aux travailleuses et aux travailleurs du secteur public. L’inflation a été de 6,7 %, uniquement pour l’année 2022 ! Avec de telles offres et selon ses propres prédictions d’inflation, à la fin de la convention proposée, les travailleuses et les travailleurs du secteur public se seraient appauvris d’au moins 7,4 %. On se croirait dans un mauvais spectacle d’humour. Continuer de s’entêter avec cette offre dérisoire semble une programmation volontaire pour détériorer encore davantage notre système d’éducation », enchaine M. Enault.

Les aides à la classe et les services en adaptation : des outils complémentaires et non en compétition

Les représentantes et les représentants syndicaux tiennent leur point de presse ce matin devant l’école Charles-Lemoyne à Montréal, une des écoles qui bénéficie cette année de nouvelles ressources d’aide à la classe, dans le cadre du projet pilote du ministère de l’Éducation. Madame Charland rappelle que les aides à la classe ne doivent pas être perçues comme des « plasters » servant à combler les graves lacunes dans le réseau primaire.

« L’introduction d’aides à la classe peut certes contribuer à réduire la précarité d’une partie du personnel de soutien et à augmenter les heures de travail – notamment pour les éducatrices en service de garde -, mais dans un contexte où il y a une importante pénurie d’éducatrices et qu’il n’y a pas encore de discussions aux tables sectorielles de négociation à ce sujet – alors que c’est une priorité gouvernementale -, nous sommes très inquiets », affirme madame Charland.

La représentante souligne qu’il faut profiter de cette négociation pour bien baliser l’implantation des aides à la classe dans la convention collective. « À l’heure actuelle, il n’y a pas de balises entourant leur implantation et jusqu’à tout récemment, la partie patronale refusait d’en discuter à la table sectorielle. Pourtant, cela doit absolument faire l’objet de discussions. Actuellement, nous avons de bonnes raisons de craindre que l’implantation des aides à la classe se fasse au détriment des services spécialisés pour les élèves rencontrant des défis particuliers. Nous craignons en effet que des directions de Centres de services soient tentées de remplacer les services spécialisés en adaptation scolaire – dont le coût horaire est supérieur et qui sont déjà insuffisants pour répondre à la demande – en favorisant les tâches d’aide à la classe pour économiser des coûts. Si cela s’avère, ce sera encore une fois les élèves qui en paieront le prix et ceci nous afflige profondément. Dans ce contexte, plusieurs enjeux doivent être discutés, notamment la place du personnel de soutien au sein de l’école », termine la présidente.

Le nouveau ministre de l’Éducation, Bernard Dainville, semble adopter des mesures de moindre envergure, notamment en annonçant qu’un diplôme de secondaire serait suffisant pour entrer dans la profession.

Cette décision est perçue comme un message très négatif pour le personnel en place, dénoncent également certaines enseignantes.

Elles estiment que cette mesure d’urgence ne fera qu’augmenter le nombre de départs parmi le personnel qualifié, ce qui engendrera, à court, moyen et long terme, des coûts supplémentaires pour combler les lacunes importantes des enseignantes ou éducatrices spécialisées formées précipitamment. Ces lacunes devront être comblées face au manque de compétences et de connaissances nécessaires pour assumer efficacement le rôle d’enseignant.

« Le fait d’en appeler aux citoyens ayant un diplôme d’études secondaires pour combler des contrats d’enseignement dans les classes marque un pas de plus vers la dévalorisation de la profession enseignante », mentionne un enseignant rencontré par le Vingt55.

Une autre enseignante, préoccupée par les nouvelles mesures annoncées, pense que le désengagement et le découragement actuels ne sont que la partie visible de l’iceberg. Elle estime qu’un changement de cap du ministère de l’Éducation doit être rapidement opéré, sinon la qualité de l’enseignement continuera d’être sacrifiée au détriment de la rétention des enseignants en poste et de l’attractivité pour de nouveaux candidats à la profession. Elle propose de mettre à profit les connaissances des enseignants et des éducatrices spécialisées, tout en offrant des perspectives intéressantes et viables.

Les enseignements non légalement qualifiés… majoritaires?

Voilà une crainte partagée par plusieurs enseignants rencontrés par le Vingt55 : que nous soyons près d’atteindre un plus grand ratio d’enseignants non légalement qualifiés par rapport à celui des enseignants ayant un brevet d’enseignement.

Un enseignant bien connu des rédacteurs du Vingt55 et qui œuvre sur la rive nord de Montréal nous a partagé son expérience d’affectation, survenue aujourd’hui.

« Je me suis présenté aux portes ouvertes d’un centre de service scolaires. Il y avait une centaine de personnes en file qui attendaient que les portes ouvrent. Je trouvais ça génial de voir autant de gens prêts à dénicher un contrat pour l’année scolaire 2023-2024. J’osais croire que la pénurie serait moindre. Par contre, j’ai déchanté assez vite quand une employée du centre de services scolaire a longé la file pour inviter les personnes légalement qualifiées à former une deuxième file pour entrer en priorité aux portes ouvertes. Dans cette nouvelle file, nous étions… vingt personnes, peut-être un peu plus, maximum. Même si j’ai entendu deux ou trois personnes parler de leurs études dans une maîtrise qualifiante, le nombre d’enseignants légalement qualifiés ne faisait pas le poids », a-t-il affirmé.

Du côté du Centre de Services Scolaires des Chênes, des mises à jour et des informations sur la situation seront transmises très rapidement par la direction afin de rassurer les parents et les élèves, confirmait Normand Page, directeur du service des communications du CSSDC en entrevue au Vingt55.

Éric Beaupré
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