1917 : L’étrange meurtre de Saint-Guillaume …raconte-moi l’histoire par André Pelchat

1917 : L’étrange meurtre de Saint-Guillaume …raconte-moi l’histoire par André Pelchat
Église de St-Guillaume

Saint-Guillaume

Antonio Trudel, fermier de Saint-Guillaume d’Upton, est en train de faire les foins, en ce 25 août 1917 en compagnie d’un voisin, Alfred Picard, lorsqu’il entend trois coups de feu qui semblent provenir de la route voisine…

Il était environ 17 heures.  Environ quinze minutes plus tard, il s’entend interpeller, se retourne et voit arriver Roméo Bolduc, 24 ans,  un autre habitant de Saint-Guillaume que Trudel connaît.  Le nouveau venu demande si Trudel peut venir le dépanner car son automobile est dans le fossé.

Trudel accepte et, après avoir amené à la grange le foin ramassé, il détèle deux chevaux pour les atteler à une voiture et, accompagné de Picard, se rendre avec Bolduc à l’endroit où son auto, une Overland à cinq places, est, effectivement sortie de la route et tombée dans le fossé.  Il remarque alors quelques détails étranges : il y a du sang sur l’auto, sur les feuilles alentour, dont quelques-unes sont entièrement recouvertes vis-à-vis des roues avant de l’auto. Il y a aussi du sang sur les vitres, le cadran de l’odomètre, et également une « coulisse de trois pouces » sur les pantalons de l’accusé, dont les mains sont également « beurrées » de sang et de sable.

Trudel demande « Qu’est-ce que tu as fait ici, Bolduc ? ». Ce à quoi l’intéressé répond : « J’ai manqué de me tuer. Je roulais à trente milles à l’heure. Je me suis fendu la tête et les jambes. J’ai regardé en arrière, et mon automobile a été dans le fossé. » Décidément observateur, Trudel fait remarquer que la portière droite du véhicule a été forcée et que, vis-à-vis celle-ci, le chemin semble avoir été gratté.  Bolduc attribue cela au fait d’avoir dû aller souvent devant son auto qui refusait de partir (il faut se souvenir qu’on démarrait, à l’époque, les autos avec une manivelle située à l’avant du véhicule).

Il faut une minute à Trudel pour remettre l’auto sur la route avec ses chevaux. Les trois hommes partent ensuite vers la résidence de Trudel, celui-ci dans sa voiture hippomobile, Bolduc et Picard dans l’auto. Tout le monde soupe chez Trudel.

Trudel et Bolduc se rendent ensuite à Saint-Guillaume où Bolduc doit acheter des vêtements car il dit devoir « partir en voyage le lendemain ». Or, pendant ce temps, l’épouse de Picard, curieuse, ouvre une valise que Bolduc a laissé à la maison. Celle-ci contient des vêtements qui ne semblent pas convenir à Bolduc. Celui-ci couche chez Trudel ce soir et, le lendemain, un dimanche, il va à la messe. Picard trouve de plus en plus louche l’ensemble de l’affaire et confie ses doutes à deux cousins. Ensemble, ils décident, au lieu d’aller à la messe, de retourner sur les lieux de l’accident. Dans le résumé du procès qui aura lieu plus tard, on peut lire :

« Dans le chemin, Philippe Picard trouve un petit morceau de viande, que son cousin Alfred, fils de Louis, prend pour de la forsure, et que le docteur Vanasse nous a dit être un morceau de la cervelle du cadavre.  Philippe Picard traverse le chemin, c’est-à-dire, du côté opposé à celui où 1’automobile avait été retiré du fossé, se penche, regarde dans les branches et découvre, à dix ou quinze pieds du chemin, le cadavre d’un être humain, couché sur le dos, le bras droit sous lui, les genoux fléchis, les pantalons poussiéreux, le veston enlevé et jeté sur sa figure. ».

Devant cette macabre découverte deux des cousins Picard partent chez Jean-Baptiste Pontbriand, qui habite tout près pendant que le troisième reste sur place.

Pontbriand conduit vite les deux cousins à Saint-Guillaume où ils se rendent à l’église chercher un médecin, le docteur Vanasse. Celui-ci les accompagne sur les lieux et constate le décès avant de fouiller les vêtements du cadavre, ce qui permet d’identifier celui-ci comme Zotique Bourdon, marchand d’automobile (« charretier » dans le résumé du procès) à Longueuil. Au charnier du cimetière local, où le corps a été transporté, le docteur pratique une autopsie et constate que la mort a été provoquée par trois projectiles de calibre 38 tirées à bout portant.

Quelques jours plus tard, le curé de Saint-Guillaume, M. Bourassa, se promenant sur les lieux, découvre un revolver de calibre 38.

Voici les évènements tels que reconstitués par l’enquête policière qui suivra : Bolduc est allé à Longueuil pour acheter une auto, projet qu’il ruminait depuis longtemps sans avoir l’argent pour le faire. C’est là qu’il a fait connaissance avec Bourdon mais Bolduc s’est présenté sous un faux nom : Roméo Paradis. Non content d’acheter la Overland pour 900$, il a fait croire à Bourdon que, s’il venait en personne à Saint-Guillaume, il était sûr d’en vendre deux autres !  Bourdon a accepté et c’est pour cela qu’il a accompagné le pseudo « Paradis » jusqu’à Saint-Guillaume. C’est presque rendu au village que Bolduc a assassiné le vendeur d’automobiles.  Le motif ? Il semble bien que ce soit pour s’emparer de l’automobile sans avoir à la payer. Lui et Bourdon avaient été vus par plusieurs personnes le long du trajet et on peut se demander comment Bolduc a pu croire qu’il allait s’en tirer.

Le procès aura lieu à Sorel en janvier 1918 devant le juge A.A. Bruneau. Le juré ne mit que dix minutes à délibérer et Bolduc fut déclaré coupable à l’unanimité. Le juge le condamna à la peine capitale.

Un appel à commuer sa peine ayant été refusé, le jeune homme fut pendu à la prison de Sorel le 5 avril 1918, par le bourreau officiel, Arthur Ellis.

Étaient présents, outre le bourreau, deux gardien nommés Fiché et Noël le shérif Larivière et le geôlier de la prison de Sorel, M. Pierre Cardin : le gouverneur de la  prison  de  Bordeau,   M.  Landriault, l’aumônier de la prison de Sorel, l’abbé Béland et celui de la prison de Bordeau, l’abbé Lafontaine et un médecin, le Dr. Henri Pontbriand.

En plus de ces officiels, plusieurs journalistes, les jurés du procès, des policiers et des parents de la victime étaient autorisés à assister à l’évènement dans la cour de la prison. On signale toutefois une foule de « plus de 3 000 personnes » qui entouraient la prison, en dehors des murs. Les exécutions, à l’époque, étaient un spectacle populaire. Cela rassurait les bonnes gens de constater que « le crime ne paie pas »…

André Pelchat
CHRONIQUEUR
PROFILE

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