Le carnet culturel de JeanSeb
Le carnet culturel de JeanSeb
Après avoir lu « Points de fuite », un constat s’impose : ce roman n’est rien de moins que « du grand Martin Michaud bien réfléchi et bien ficelé »!
On y plonge comme dans un film, avec une succession de courtes scènes en alternance dans chacun des chapitres, qui font bien avancer l’intrigue, tout en conservant une grande part de mystère du début à la fin sur les différents protagonistes. Michaud, qui a scénarisé l’adaptation de ses romans mettant en vedette l’enquêteur des crimes majeurs Victor Lessard, nous présente une fois de plus un roman captivant mettant en scène le personnage d’Alice Lavoie, une jeune policière de la Sûreté du Québec, sa famille et d’autres protagonistes. L’action se déroule à Baie-Saint-Paul et, en toile de fond, il est question de galerie d’art familiale et de contrefaçon de tableaux.
Différents événements antérieurs à octobre 1997, qui constitue le moment présent de l’histoire, enrichissent le récit et ont un impact direct sur l’action. Entre autres, le vol du siècle au Musée des beaux-arts de Montréal en 1972, une nuit forte en émotions où Francis Lazare menace les parents d’Alice pour en savoir plus sur la disparition de son frère Robin, une idylle amoureuse, ainsi qu’une étrange secte mexicaine qui reconnaît l’un des personnages dans le journal…
Au présent, en 1997, Alice Lavoie enquête en secret sur la disparition de sa petite sœur de quatre ans, Rosalie, enlevée dans sa chambre pendant son sommeil. Parviendra-t-elle à devancer l’enquête de ses confrères policiers de la Sûreté du Québec? Ce sera à vous de le découvrir au fil de cette enquête grandement complexe.
Les intrigues qui se déroulent en parallèle suscitent davantage de questions et ont l’heur de faire douter le lecteur sur l’identité du cerveau de l’opération et les motivations réelles derrière cet enlèvement.
Dans Points de fuite, nous avons un portrait très bien brossé sous les yeux, mais les personnages, fuyant leur passé, et ayant le souci de peindre des apparences « parfaites », nous amènent au cœur de bien plus grands secrets et vers une finale habilement écrite – je l’ai déjà dit : explosive ! C’est définitivement l’histoire que raconte le tableau qui est intéressante.
L’auteur est au sommet de son art avec ce nouveau roman, en plein contrôle de sa plume imagée, soucieuse du détail et au dialogue efficace, et le deuxième tome promet certainement autant d’actions et de rebondissements. Déjà annoncé comme une trilogie, ou un triptyque, les lecteurs devront s’armer de patience avant de connaître la suite.
Je me suis entretenu avec Martin Michaud, qui m’a d’emblée parlé de l’angoisse de publier un nouveau livre et des commentaires positifs de son public depuis la parution de « Points de fuite, tome 1 ».
Martin Michaud – Je t’avoue que c’est toujours la même angoisse, chaque fois, toujours la même peur d’avoir perdu la touche… Je suis content, le retour des lecteurs est positif et je sens qu’ils ont adopté Alice, un peu comme ils ont adopté Victor Lessard, et ça, ça me fait vraiment chaud au cœur.
Vingt55 – Qu’est-ce qui t’angoissait le plus par rapport à ce roman?
Je me suis un peu avancé en me disant que ce serait un triptyque, une trilogie, sans trop réfléchir, un peu comme un élan du cœur. Après ça, je me suis dit : « Tu t’es un peu mis la tête sur le billot, imagine si la réponse n’est pas bonne après le premier, tu vas avoir l’air un peu fou et tu vas être pris avec cette promesse-là! » (rires) C’était la première fois que j’annonçais quelque chose comme ça, en me créant moi-même des attentes, mais je suis content de la réaction, c’est positif. Ça faisait aussi depuis 2021 que je n’avais pas publié un roman.
Ce roman est moins sanglant par rapport aux précédents. Avais-tu une crainte que les gens aiment moins celui-ci pour cette raison?
Oui et non. Victor Lessard, c’est une série où on est du point de vue d’un enquêteur du SPVM, de la section des crimes majeurs, qui enquête sur les crimes les plus violents, les plus sordides. Avec Points de fuite, on change de registre. Alice s’adonne à être une patrouilleuse de la Sûreté du Québec, et en lisant le roman, tu comprends qu’elle devient patrouilleuse pour protéger sa famille et être suffisamment équipée pour faire face à la musique. Essentiellement, Alice est une personne ordinaire. Quand j’écris des hors-séries [NDLR : Des romans qui ne mettent pas en vedette l’enquêteur Victor Lessard], je me mets tout le temps dans les souliers de quelqu’un d’ordinaire, comme dans Sous la surface ou Quand j’étais Théodore Seaborn, qui vit une espèce de quête extraordinaire. C’est ça qui est le thrill. Sachant que je veux faire une trilogie, le thrill est plus dans le mystère et le suspens, le côté caché que recèle le passé des protagonistes, puis la toile… On est dans une perspective de narration complètement différente, alors est-ce qu’on a besoin de sang? Pour moi, le sang et la violence, ce n’est jamais le moteur de l’intrigue. Dans Victor Lessard, c’est dans son panorama parce que c’est ce que l’enquêteur des crimes majeurs va être amené à élucider comme crime. Or, dans Points de fuite, je suis avec un autre genre de personnage. Sur son chemin, oui, Alice Lavoie va rencontrer certaines situations où les choses vont mal tourner et où certaines personnes vont perdre la vie, mais ce ne sera pas au même rythme que dans un Victor Lessard. C’est une longue réponse! (rires)
Ta réponse est très intéressante! Qu’est-ce qui t’a mené à parler de tableaux volés, de contrefaçon, de crime organisé pour Points de fuite?
Deux ou trois éléments disparates, comme naît chaque projet. Je me rends compte qu’on ingère, on ingère, et à un moment donné, il y a toujours la rencontre de certains éléments qui se forme. Comme le « Big Bang », un genre de vide quantique initial où, tout à coup, il y a des particules qui commencent à s’activer, sans trop savoir pourquoi. Il y a une collision qui commence à se produire et ça apparaît dans ma tête. Les premières particules, c’était moi, quand j’étais jeune, et j’en parle dans le roman, je jouais à un jeu qui s’appelle « Les grands maîtres », je tripais là-dessus. Moi, ti-cul, qui ne connaissait rien à l’art, qui vivait dans une famille modeste. Mes parents travaillaient fort pour mettre de la nourriture sur la table. Ce jeu m’a permis de commencer à m’intéresser à la beauté et à la peinture, puis fondamentalement, quand les impressionnistes ont fait une exposition à Québec, en 1985 ou 1986, j’avais été voir ça avec ma petite blonde de l’époque. Il y avait des Monet et des Van Gogh, c’était wow! Ça m’a marqué, comme d’aller au Musée des beaux-arts de Montréal pour voir un Picasso, même si ce n’était pas le plus grand Picasso de sa production… Ce milieu est fascinant et quand on commence à faire des recherches là-dessus, on se rend compte qu’il n’a pas été exploré beaucoup en fiction. Je suis tombé sur l’histoire du Musée des beaux-arts de Montréal, le vol du siècle, en 1972…
Il y a donc eu un vrai vol?
100 % ! Ce que je décris dans le roman, c’est à peine romancé, c’est inspiré des articles de l’époque. J’ai écrit les scènes comme je les ai lues.
Ce vol n’a jamais été élucidé, comme dans le roman?
Jamais. Certaines des hypothèses qui sont encore dans les airs, présentement, sont des pistes que je vais utiliser dans mon scénario pour le deuxième livre.
L’auteur ne souhaite pas trop parler de ce vol qu’il utilise dans ce roman, à savoir si ce dernier sera élucidé dans Points de fuite, contrairement à la réalité. Le deuxième tome de la série pourrait paraître à la rentrée littéraire de l’automne 2024 et Martin Michaud a bien du pain sur la planche d’ici là!
Martin Michaud – Ce n’est pas le travail qui manque, puis c’est ça le problème, en fait, c’est que je n’ai pas la capacité de livrer tout ce que mon imagination génère comme projets.
L’auteur nous confie également le plaisir qu’il a de travailler avec l’équipe de Libre Expression, sa maison d’édition. Doit-il faire des compromis sur son récit lorsque son éditrice le relit?
Martin Michaud – La personne la plus critique et qui coupe le plus, c’est moi. On s’entend assez bien et des fois je coupe des affaires et mon éditrice [Marie-Ève Gélinas] me dit : « Tu es sûr? J’aimais ça! » Moi je plaide que ça améliore le rythme et que ça n’apportait rien au récit. On est sur la même longueur d’onde. Marie-Ève est bonne pour me mettre en confiance. C’est elle qui m’a fait plonger dans le côté surréel du roman alors que j’étais moins certain.
Que pouvons-nous anticiper pour la suite de Points de fuite? L’auteur nous réserve une bonne part de mystère, mais confirme néanmoins qu’Alice demeurera la protagoniste de la série. La suite sera-t-elle autant un roman choral que le premier? Nous savons que de nouvelles voix s’ajouteront au récit et qu’il est probable que quelques-unes disparaissent… Également, l’action, jusqu’à la fin du troisième tome, avancera dans le temps, pour en arriver à 2023.
En terminant, Martin Michaud souhaitait transmettre aux lecteurs du Vingt55 ce message :
Martin Michaud – Dis à tes lecteurs un grand merci, et à tout le monde qui continue de me suivre depuis près de 15 ans que je fais ce métier. Je suis content de voir que les gens me suivent même quand je n’écris pas du Victor Lessard, ça me touche vraiment. C’est grâce à toutes ces mains qui tournent les pages des livres que j’écris que je suis en mesure de continuer. Joyeuses Fêtes à tout le monde, à tes lecteurs, à toi et à toute ta famille, à tes proches. Have fun! Au plaisir de se croiser en 2024!
Je n’ai pas pu résister à une dernière question : y aura-t-il un autre roman mettant en vedette l’enquêteur Victor Lessard un jour?
Martin Michaud – Victor c’est maintenant un classique, donc je vais sans doute récidiver avant longtemps. Il se repose avant de nous revenir en force, tout simplement.
Points de fuite, tome 1, disponible dans toutes les librairies et les magasins à grande surface. Un cadeau de Noël idéal à offrir à celles et ceux qui aiment lire.
https://editionslibreexpression.groupelivre.com/products/points-de-fuite?variant=44030598709505