Entrevue/Littérature : « Ces épreuves qui nous façonnent » de Sabrina Poulin, un livre pour apprivoiser sa résilience

Entrevue/Littérature : « Ces épreuves qui nous façonnent » de Sabrina Poulin, un livre pour apprivoiser sa résilience
Entrevue/Littérature : « Ces épreuves qui nous façonnent » de Sabrina Poulin Vingt55 Tous droits réservés.

DRUMMONDVILLE

Le Vingt55 a eu l’occasion de s’entretenir avec une nouvelle autrice ayant publié un essai fort intéressant aux éditions Édito, pour ne pas dire essentiel, portant sur la résilience. Il s’agit de Sabrina Poulin, qui a écrit l’essai « Ces épreuves qui nous façonnent : Comment développer nos facteurs de résilience ».

Sabrina Poulin, psychoéducatrice de formation et détentrice d’un diplôme à l’Université de Sherbrooke, travaille depuis plus de vingt ans dans le réseau de la santé et des services sociaux. Après dix années passées en conseil clinique, à soutenir les gestionnaires et l’équipe d’intervenants, elle s’est dirigée vers la pratique pour aider les gens aux prises avec des problèmes de santé mentale. Elle offre donc ses services en tant que psychoéducatrice à des adultes ayant des troubles anxieux, des chocs post-traumatiques, etc.

À première vue, la nouvelle autrice possédait tout le bagage nécessaire pour écrire sur la résilience et offrir un ouvrage riche d’informations et de conseils pertinents, pour ne pas dire précieux. Cet ouvrage de Sabrina Poulin vulgarise bien le sujet et est accessible à tout le monde.

La lecture de « Ces épreuves qui nous façonnent » est à la fois passionnante et encourageante. D’abord, la partie passionnante, on nous propose différentes définitions de la résilience qui se recoupent entre elles. Celles-ci ont été judicieusement choisies par l’autrice après une recension exhaustive de la littérature sur le sujet. Ensuite, bon nombre de personnalités publiques contribuent aux réflexions de Sabrina Poulin en apportant tantôt leur expertise, tantôt un témoignage issu de leur vécu. Parmi les personnalités qui offrent leur expertise, on compte, entre autres, Christine Michaud (experte en psychologie positive), Serge Marquis (médecin spécialiste en santé communautaire et expert en santé mentale au travail) et Sonia Lupien (chercheuse en neurosciences et en stress humain), tandis que parmi celles ayant accepté de livrer une expérience tirée de leur vie personnelle, on compte Josée Boudreau, Jean-Marie Lapointe et Florence K, pour ne nommer que ceux-là. Ce sont 17 personnalités qui se sont confiées à l’autrice, qui a su extraire les perles les plus précieuses de leurs enseignements ou leçons de vie.

Quant à la partie que je qualifierais d’encourageante, à travers ce livre, on apprend qu’il est possible de tirer du positif dans chaque épreuve, pourvu de mettre en œuvre les bons outils pour favoriser le processus de résilience. Peut-être ne serez-vous pas surpris d’apprendre que la résilience n’est pas réservée à une poignée d’élus, mais bien à tout le monde? En effet, Sabrina Poulin fait la démonstration convaincante, basée sur ses recherches parmi les données probantes, que nous avons tous, en nous, le potentiel pour faire preuve de résilience. Cela se travaille, cela s’acquiert à travers chacune des épreuves de la vie qui nous façonnent, pour reprendre les mots de l’autrice. Suffit de déterrer son petit coffre à outils intérieur et de se mettre au boulot, mais aussi de trouver son chemin; chaque parcours est unique et trouver les stratégies qui correspondent à notre tempérament en fait partie. Toutes ne sont pas nécessairement bonnes pour tout le monde.

Est-ce toujours facile? Certainement pas. Par contre, l’autrice souligne que le livre se veut porteur d’espoir sur le sujet de la résilience, tout en indiquant clairement que la vie, du début à la fin, est parsemée d’épreuves, certaines moins graves que d’autres (voyons le verre à moitié plein!), sans nous vendre l’illusion que ce sera facile.

À travers les conseils d’experts, nous retenons des exemples, des outils concrets, et à travers les témoignages de personnalités publiques, que nous sommes heureux de voir se confier dans cet essai, nous retenons qu’elles sont parvenues à passer à travers des épreuves de la vie et à retrouver le chemin du bonheur. Quand on se compare, on se console… et on acquiert un beau baluchon de départ pour amorcer notre travail de résilience. Dans toute épreuve, il y a un apprentissage, nous rappelle sagement ce livre, et la chose la plus difficile est sans doute de parvenir à ce moment où nous pouvons nommer ce que nous avons appris et le positif à tirer de cette expérience négative.

Un choix de l’autrice que nous tenons à saluer concerne le fait qu’elle cite très peu, de façon textuelle, les experts et artistes interrogés pour cet essai : elle résume leur pensée, y ajoute des éléments complémentaires fort pertinents pour dégager le fil conducteur de tous les chapitres, de la première à la quatrième de couverture. Cela démontre bien la longue réflexion de Sabrina Poulin sur le sujet et sa capacité à s’approprier ce qui lui a été livré par les différentes personnalités rencontrées. On devine également un excellent travail d’édition d’Erwan Leseul, d’Édito.

En lisant ce livre, chacun, selon son parcours de vie et là où il en est au moment présent, accrochera à un chapitre davantage qu’à un autre. Je parie qu’en le relisant quelques années plus tard, c’est un autre chapitre qui attirera l’attention ou sera porteur de la sagesse nécessaire afin de retourner aux sources de la résilience. Quoi qu’il en soit, la définition de la résilience (ou les définitions, comme vous le verrez dans le premier chapitre) ne va certainement pas changer au cours des prochaines décennies, ce qui procurera à ce livre un statut d’intemporel. Même si les personnalités ne seront peut-être plus à l’avant-plan dans vingt, trente ans, la diversité de sujets traités lui permettra de conserver son importance dans notre bibliothèque. Autant que la résilience, ce livre ne pourra pas se démoder.

Un bel outil à lire, sans toutefois négliger l’importance d’être bien entouré et de consulter des professionnels de la santé mentale au besoin.

Voici l’entrevue du Vingt55 avec l’autrice de « Ces épreuves qui nous façonnent : Comment développer nos facteurs de résiliences », Sabrina Poulin.

Sabrina, quel a été ton déclencheur pour écrire un livre sur la résilience?

Je pense plus que jamais que c’est important de ramener la résilience au cœur de nos vies. Les gens ne vont pas bien, on n’a pas besoin de travailler en santé mentale pour s’en rendre compte. La détresse psychologique augmente, il y a une perte de sens, de repères. Comment s’orienter dans une vie qui est difficile, challengeante, qui a des enjeux, des défis…? C’est un sujet qui est très d’actualité. Une phrase que j’ai entendue d’une psychologue que j’aime beaucoup est au cœur de mon travail : « Le malheur ne s’abat pas sur les gens avec justice ». Personne n’est à l’abri des épreuves ni immunisé contre la souffrance et on sait que l’adversité a le don de frapper au moment où on s’y attend le moins. On ne reçoit pas un mémo deux semaines avant pour nous dire : « Prépare-toi, ça va brasser. » (rires) Alors je pense que c’est important de développer et de renforcer notre résilience, justement, en amont des situations difficiles, pour que, quand l’adversité va frapper, on soit mieux équipés et capables d’y faire face pour surmonter ces situations-là.

Au début de ton livre, tu indiques qu’au cours de leur vie, 9 personnes sur 10 expérimenteront au moins un événement grave ou traumatisant. Qu’entends-tu par événement grave ou traumatisant?

Il y a des définitions d’expériences traumatisantes, mais le « perçu comme grave », c’est subjectivement parlant. Ce que moi je vis, la façon dont je le perçois, de l’intégrer, de l’internaliser, pour moi, ça peut être traumatique et grave, pour moi, ça peut avoir des répercussions, ou ça peut être une menace pour mon intégrité psychique. Le « perçu » était important et est très différent d’une personne à l’autre.

Tu as interviewé plusieurs personnalités avec des thématiques différentes. Sur un plan personnel, laquelle t’a impactée le plus ou est venue te chercher le plus?

Ce n’est pas la thématique qui m’a impactée le plus, mais le propos de la personne. Il s’agit de Rémi Tremblay, qui fait partie du dernier chapitre. Il y a eu quelque chose dans cette rencontre, une connexion emplie de sagesse, d’expérience. C’est quelqu’un qui n’est plus du tout dans la lutte, dans la résistance. Il est dans une acceptation active et profonde face à ce qu’il est. Ça a résonné pour mon parcours à moi, avec mes cancers de peau. Lui, dans sa thématique, il parlait de son fils toxicomane. Il parlait de sa façon d’apprendre à composer avec des situations difficiles à vivre avec le temps. Il a dit une phrase, à un moment donné, qui m’a émue : « Quand j’ai abandonné l’idée que je devais me battre, j’ai arrêté de mettre mon énergie dans la lutte et dans la résistance; j’ai commencé à mettre mon énergie dans le « faire avec » ». Ça m’a parlé pour mes cancers de la peau, parce que je n’ai pas de contrôle, j’ai beau résister, lutter et ne pas vouloir que ça arrive, c’est là. C’est là. Alors quelle attitude je vais choisir d’avoir par rapport à ça? Je pense que ça collait à l’attitude que j’avais et je l’ai eue en pleine face. Rémi est dans une présence attentive à tout ce qui se passe, il se connecte à tout ce qu’il ressent. Il dit que ce n’est pas parce que tu souffres que tu dois faire une économie de la joie. Autrement dit, ce n’est pas parce que tu es en deuil que tu ne peux pas apprécier d’autres connexions humaines. Malheur/joie peuvent toujours cohabiter. Cette rencontre a été déterminante et le propos, marquant.

A-t-il été difficile d’écrire ce chapitre?

Non, inspirant. Ça me rejoignait tellement que je me laissais porter. Ça résonnait très fort.

Tu n’as pas fait l’économie de la joie, alors!

Non, pas du tout! (rires)

Tu aurais pu écrire un livre seulement sur la résilience et sa définition, avec quelques conseils de psychoéducatrice, mais tu as choisi d’y intégrer différentes personnalités aux parcours tous plus variés les uns que les autres. Pourquoi?

Je crois beaucoup en l’inspiration. Quand on lit des histoires inspirantes, de personnalités qu’on aime, des parcours qui peuvent ressembler au nôtre, ça peut semer de l’espoir. Par rapport aux partages d’experts, j’aime avoir différents points de vue de spécialistes et d’experts. Et pas seulement qu’ils me parlent de résilience, mais en lien avec leur spécialisation, comme Sonia Lupien, la résilience versus le stress, Dr Serge Marquis pour l’épuisement professionnel, Christine Michaud et la psychologie positive. Je trouvais intéressant d’avoir des angles différents, entre les partages personnels et les postures d’experts. Ce livre est une mission de cœur. Le but est d’outiller les gens, de les inspirer et de les aider à avancer à travers ce livre.

On peut non seulement s’identifier, mais s’inspirer des différentes personnalités, des thématiques, des stratégies mises de l’avant et se les approprier par rapport à notre vécu?

On n’est pas obligés de traverser les mêmes épreuves pour que ça résonne dans les stratégies proposées.

Les stratégies sont donc universelles et peuvent être utilisées dans une multiplicité de situations?

Exactement.

Vaut-il mieux s’entourer ou si être résilient doit être un processus vécu dans la solitude?

Être entouré, avoir un réseau social, de soutien bienveillant est l’un des principaux facteurs de résilience. Ce n’est pas impossible d’être seul, mais si tu t’isoles, ne veux pas prendre la main de quelqu’un, demander de l’aide et que tu préfères gérer les choses par toi-même, ça peut parfois retarder le processus. C’est vraiment démontré, partout, dans la littérature sur la résilience, et ça revient dans plusieurs des témoignages, autant des experts que des personnalités, que s’il n’y avait pas eu ce quelqu’un de significatif pour les aider, les soutenir, ça n’aurait pas fonctionné aussi bien. Ça n’a pas toujours besoin d’être un professionnel, ça peut être un ami, un coach sportif, un oncle, un voisin… Une personne de confiance, une relation d’aide naturelle.

Recommandes-tu à une personne qui se retrouve face à une autre qui vit un événement traumatisant ou grave de donner des conseils, des astuces, des stratégies, ou si on commence seulement par être à l’écoute?

Oui, l’écoute, mais aussi demander à l’autre : « De quoi as-tu besoin? Qu’est-ce que je pourrais faire pour t’aider? » La personne n’a pas toujours besoin de conseils. Parfois, elle a seulement besoin de se raconter, de ventiler, de s’exprimer. Si le vécu est lourd et nécessite une aide professionnelle, encourager la personne à aller la chercher est la meilleure option. Mais parfois, juste écouter, juste être là pour que la personne sente qu’elle n’est pas toute seule et qu’elle est soutenue, qu’il y a quelqu’un autour, disponible, et que cette personne est positive pour elle, qu’elle va l’encourager à faire les bons choix. Ce n’est pas parce qu’on a un réseau que ce réseau est aidant.

Entre ce que tu savais sur la résilience avant d’écrire ton livre et ce que tu en sais maintenant davantage, qu’est-ce que ça a changé pour toi d’écrire ce livre? Sur ta capacité à être résiliente? As-tu grandi en résilience?

J’ai beaucoup appris, je pense que j’ai fait un doctorat sur la résilience au cours des derniers mois! (rires) Ce que j’ai surtout compris et appris, c’est qu’il y a mille et une façons d’être résilient. Il n’y a pas de recette magique et, surtout, il ne faut pas que ça devienne une injonction, parce que ça ajoute une pression sur les épaules de ceux qui souffrent déjà. On glorifie aussi parfois l’épreuve, ce qui n’est pas l’objectif du livre. J’ai vraiment la croyance profonde que tout le monde peut être résilient, que tout le monde peut l’activer, ce processus, et a les ressources en lui, le potentiel. Parfois, on a besoin d’une petite bougie d’allumage, et ça peut justement être un tuteur de résilience, une aide extérieure. Il y a plein de façons d’être résilient et il y en a d’autres que celles écrites dans le livre aussi.

Quel serait ton mot de la fin sur la résilience?

Ce n’est pas parce qu’on est plus résilient qu’on ne vivra plus d’épreuves, qu’on ne souffrira plus jamais ou qu’on ne vivra plus d’émotions négatives. On n’est pas à l’abri de ça. L’important est d’en être conscient et de connaître, aussi, certaines clés, certains facteurs de résilience éprouvés pour s’aider à travers les épreuves et rebondir après celles-ci.

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