DRUMMONDVILLE
Itinérance, étalement urbain, un phénomène inquiétant qui progresse à Drummondville @ Crédit photo Eric Beaupré / Vingt55 Tous droits réservés.
L’histoire de Laurianne, qui a pris des mesures pour sortir de l’itinérance, a touché positivement la population. Son parcours est un exemple inspirant de détermination, mais il met également en lumière une réalité inquiétante à Drummondville. Le campement qu’elle a quitté demeure bien visible sur l’île, au cœur de la rivière Saint-François et près du parc Woodyatt. Ce site, symbole de la progression de l’itinérance, nécessite des mesures urgentes pour freiner l’expansion du phénomène.
Une situation dangereuse et inquiétante
Selon des intervenants rencontrés par Le Vingt55, la tolérance prolongée envers ces campements met en lumière l’insuffisance des mesures d’aide à Drummondville. Un campement situé sur l’île aux Fesses inquiète particulièrement. « En cas d’urgence, l’accès pour les paramédics, pompiers ou policiers est extrêmement compliqué. Il faut pratiquement une embarcation pour secourir ou évacuer les personnes sur place », précise un policier rencontré par Le Vingt55.
Un policier interrogé par Le Vingt55 précise et confirme qu’un règlement municipal permet d’intervenir et d’évincer cette personne. Cependant, une tolérance est demandée par les élus, à cet endroit comme dans d’autres lieux sous la juridiction de la Ville de Drummondville, notamment le site de Fortissimo ou à proximité, ainsi que certains parcs.
Les policiers et pompiers du service incendie ont récemment été appelés à s’assurer qu’une personne utilisant un chauffage au propane dans un campement n’était pas en danger. « Les risques pour la sécurité et la santé sont énormes dans ces conditions précaires. » Sur place, il était évident que l’isolement du site pourrait compromettre une intervention efficace et sécuritaire en cas d’urgence, tant pour la personne concernée que pour les policiers, les paramédics ou les intervenants.
Un paramédic de Drummondville précise que, en cas d’urgence, la situation nécessiterait l’assistance de l’équipe de sauvetage du service incendie pour effectuer une évacuation. « Cela représenterait un risque supplémentaire important », a-t-il ajouté.
De son côté, François Gosselin, directeur général de l’organisme L’Ensoleilvent de Drummondville, appelé à commenter la situation par le Vingt55, précise que la situation est évaluée et prise en compte par les intervenants.
« Ce n’est pas tant une question de savoir si la situation est idéale ou parfaite, ce ne l’est pas. Mais plutôt de déterminer quelles solutions de rechange au campement nous pouvons offrir pour venir en aide. Pour le moment, c’est le logement, qui se fait rare. Nous avons les ressources pour accompagner ces gens, mais pas les toits. Augmenter le nombre de places en hébergement, dépendance et la santé mentale fait aussi partie de la solution », précise-t-il.
Été comme hivers, des endroits tels que le chalet et toilettes du parc sont occupés par des personnes en situation d’itinérance. Certains commerces et bâtiments publics deviennent des lieux de consommation de drogues par seringues ou des dortoirs improvisés, comme l’ont rapporté des commerçants qui ont contacté Le Vingt55.
« Nous trouvons régulièrement des seringues souillées, des excréments et d’autres déchets devant nos établissements », déplore un commerçant du centre-ville. Malgré des signalements répétés aux autorités, les actions concrètes tardent à se matérialiser.
Une urgence hivernale critique, l’étalement des personnes en situation d’itinérance continue de croître à Drummondville.
Avec l’arrivée de la saison froide, la situation devient encore plus critique. « L’étalement urbain des personnes en situation d’itinérance continue de croître », confirment les autorités et intervenants. Ces personnes, souvent aux prises avec des problèmes de toxicomanie et de santé mentale de plus en plus graves, se retrouvent confrontées à des ressources saturées et insuffisantes.
Un intervenant ajoute : « Nous observons que des personnes quittent le centre-ville et s’installent dans des endroits plus éloignés, comme le parc Frigon. Ces lieux, auparavant épargnés, deviennent de nouveaux foyers pour l’itinérance. »
Ce constat reflète une détérioration croissante de la situation. « Il est impératif de s’attaquer à la progression et à l’aggravation de cette crise, qui dépasse les capacités actuelles des ressources communautaires et municipales », conclut l’intervenant.
Une situation que plusieurs citoyens, dont M. Courchesne, déplorent, particulièrement en raison de l’itinérance de plus en plus visible au centre-ville, alors que peu d’efforts semblent être mis en place pour appliquer la réglementation municipale ou soutenir les organismes, ajoute-t-il.
« Est-ce de l’aveuglement volontaire? », questionne un citoyen. « Cela n’aide ni les personnes dans le besoin ni les organismes impliqués. Est-ce que le financement est suffisant pour soutenir nos organismes? », s’interroge le résident du Centre-Ville, témoin de la situation et pour qui le peu d’activité et d’achalandage au centre-ville laissent place à un étalement des personnes en situation d’itinérance et de toxicomanie, ainsi qu’à une moindre prise de conscience de la situation.
Les indicateurs actuels ne laissent entrevoir aucune baisse pour les mois et les années à venir.
Avec l’arrivée de l’hiver, les ressources sont encore plus insuffisantes pour répondre aux besoins croissants. « Nos refuges, comme L’Ensoleilvent et les haltes-chaleur, sont déjà saturés, soit 455 demandes d’hébergement refusées depuis le 1er avril 2024, faute de place. Les besoins ont doublé ces deux dernières années », confirme François Gosselin. « La bonne volonté des intervenants ne suffit plus. Le nombre de personnes en itinérance, combiné aux problèmes de santé mentale et de dépendance, dépasse largement nos capacités d’accueil et d’intervention », admet-il.
« Malgré une action coordonnée entre les instances politiques, les acteurs du logement social et les organismes communautaires », rappelle François Gosselin, il constate que les statistiques et les observations ne nous permettent pas de renverser la tendance de cette augmentation incroyable de personnes en situation d’itinérance à Drummondville.
« Des annonces ont été faites en collaboration avec les autorités et la municipalité. Cependant, il est crucial de considérer la situation dans son ensemble et d’avoir une vision à long terme », explique-t-il. Les mesures mises en place, bien qu’importantes, ne suffisent pas en l’absence de financements adéquats. »
Pour répondre à cette crise, plusieurs actions sont envisagées. François Gosselin mentionne : « Nous devons augmenter les places d’accueil, en passant de 8 à 12 places dans les haltes-chaleur pour répondre à la demande croissante. Il est également nécessaire de travailler sur des solutions pérennes grâce à des financements accrus. Les montants reçus actuellement du fédéral, entre autres, permettent de maintenir les services, mais ils restent insuffisants pour éviter la progression du nombre de personnes en situation d’itinérance. »
Il ajoute : « Il faut investir dans des logements transitoires, construire des logements pouvant accueillir les personnes dans un cadre sécuritaire et encourager des solutions durables. Offrir du logement permanent est essentiel. C’est assurément dans un esprit de travail collectif, en prenant autant les mesures que les moyens adéquats, que la situation pourra être résolue. »
Le travail des autorités et des intervenants en itinérance est au maximum de leurs capacités pour suffire à la demande, face à une situation courante qui, comme le confirment les autorités et les intervenants de terrain rencontrés par Le Vingt55, nécessite un investissement significatif dans la trajectoire de service en itinérance, qui a fait ses preuves à Drummondville.
La tolérance et l’aide doivent s’accompagner de mesures concrètes, tant sur le plan financier que par un soutien accru.
Ces actions sont essentielles dans une municipalité où les besoins augmentent, notamment en raison de la croissance démographique. Cette réalité, qui reflète une tendance observée dans toutes les grandes villes, exige une réponse adaptée et coordonnée.
Itinérance, étalement urbain, un phénomène inquiétant qui progresse à Drummondville @ Crédit photo Eric Beaupré / Vingt55 Tous droits réservés.