Et pourquoi j’ai demandé de l’aide … Ça …

J’ai encore de la difficulté à dormir, j’ai des flashbacks qui me fracassent sans arrêt, je me sens tellement … tellement mal. J’ai honte, je me sens responsable. D’ailleurs, je ne sais même pas si j’ai bien fait d’appeler. Si ce qui m’est arrivé est réellement une agression sexuelle. Je suis partie avec lui … Il a dû se faire des idées. Puis nous avions consommé de l’alcool … Ce n’était pas violent. J’ai simplement … figé, parce que je me suis mise à me sentir inconfortable. Il a continué jusqu’à ce que ce soit fini. Et je suis repartie chez moi.

Je ne sais pas, pour être honnête … J’ai cru, au départ, que ce serait une bonne idée d’appeler, mais plus j’y pense et plus je me demande si j’ai bien fait.

Mais bon … Je suis là …

Je cogne à la porte même si tout en moi est tellement oppressé que j’ai envie de repartir et tout abandonner.

On m’ouvre.

Une femme – c’est un milieu où il y a seulement des femmes, on m’en avait avisé au téléphone – me sourit chaleureusement. Elle vérifie que je suis la bonne personne, puis m’invite à la suivre jusqu’à son bureau. Mon cœur est toujours crispé, mais il y a quelque chose qui s’apaise tout de même en moi. Juste un peu. L’hospitalité de l’intervenante, peut-être …

On s’installe. Ma gorge se noue. Ça devient plus vrai. Je n’ai pas envie de raconter dans les détails ce qui s’est produit. Vraiment pas … J’ai mal au cœur simplement à penser qu’il faudra que je le fasse.

Mais non. L’intervenante me rassure avant même que je ne dise quelque chose. Elle me dit d’exprimer seulement les choses avec lesquelles je suis à l’aise. Elle me rassure en me disant que certaines femmes ne raconteront jamais leur agression et que c’est correct, parce que ce n’est pas leur besoin. Elle ajoute que d’autres auront besoin de tout raconter pour se sentir mieux, et que c’est aussi correct.

Elle m’informe que le but de la rencontre est de parler du CALACS, de ce que nous pourrions faire ensemble comme cheminement. Le travail des conséquences, comme elle le dit, puis toutes les autres possibilités : IVAC, groupe de soutien, etc.

Je me sens de plus en plus à l’aise. Alors je commence à parler de mes questionnements et incertitudes. Je lui dis ce qui s’est passé, mais effleure à peine la situation. Juste assez pour qu’elle comprenne et se fasse une idée.

Elle me rassure. Me dit que c’est bel et bien une agression et que ce que je ressens est légitime. Elle exprime avec assurance que personne ne provoque une agression, que la faute est toujours 100% à la personne qui agresse. Que plusieurs victimes d’agression sexuelle ressentent exactement les mêmes incertitudes que moi – ce sentiment d’être responsable et ce questionnement sur la légitimité de ce que j’ai vécu.

Wow … Je me sens déjà … tellement mieux. On me valide. On me croit. Ça fait du bien.

L’intervenante me demande si je veux continuer ma démarche.

Et je pense que ça va m’aider.

Tout mon corps est plus détendu, maintenant.

Je pense que j’ai bien fait.

On me croit.

Histoire fictive et pourtant, bien des personnes pourraient s’y reconnaître, n’est-ce pas?

Paule Blanchette,

Intervenante –   CALACS La Passerelle

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