La Deuxième guerre mondiale à Drummondville, la peur …raconte-moi l’histoire par André Pelchat

La Deuxième guerre mondiale à Drummondville, la peur …raconte-moi l’histoire par André Pelchat
Photo : Rue Heriot Drummondville, 1943, Source : Société d’Histoire Drummond, C1-3.1d9

DRUMMONDVILLE

Lorsqu’en septembre 1939, le gouvernement canadien, dirigé par le libéral William Lyon Mackenzie King fit voter par le parlement la déclaration de guerre à l’Allemagne et l’entrée en guerre du Canada aux côtés de la Grande-Bretagne, de la France, de la Belgique et de la Pologne, le sentiment général au Québec était loin d’être unanime à cet égard. Le conseil municipal de Drummondville demanda même au député de Drummond-Arthabaska de refuser d’appuyer quelque mesure que ce soit impliquant une participation au conflit et le journal La Parole dénonce l’implication canadienne comme « injuste et presque criminelle » car elle réduirait le peuple « à la pauvreté et à la misère »[i]

De plus, les forces armées canadiennes n’étaient pas du tout prêtes à un conflit d’envergure : à Drummondville, la compagnie locale de l’armée de réserve, la 19th Field Co. Royal Canadian Engineers, n’existait que depuis un an et fut vite réparti dans la province pour garder des sites stratégiques. Des soldats furent déployés à Drummondville également pour surveiller les ponts et le manège militaire et, surtout, les installations de la Canadian Marconi qui étaient les seules au Canada à permettre les communications téléphoniques directes avec la Mère-Patrie britannique.

Néanmoins, le gouvernement fédéral prend vite des mesures pour accroître la capacité militaire du pays, ce qui inclut la loi des Mesures de Guerre, des hausses d’impôts et une taxe sur les « surplus de profit », le contrôle des prix, le tout supervisé par un ministère de la « Production et des approvisionnements ».

Une fois la guerre engagée, les critiques se taisent rapidement. L’exemple du maire de Montréal Camilien Houde, emprisonné pour avoir parlé contre l’enrôlement volontaire, y est sans doute pour beaucoup, mais aussi le fait que les villes se mettent vite à se disputer les juteux contrats liés à l’effort de guerre. En fait, loin d’apporter la misère, la guerre engendrera des profits records pour les entreprises au Canada et mettra fin à la Grande dépression.

En 1940, la guerre prend une tournure inquiétante avec l’effondrement de la France et de la Belgique. La peur gagne ce qui reste du camp allié, c’est-à-dire essentiellement l’Empire britannique et le Commonwealth. L’invasion de la Grande-Bretagne par les Nazis semble imminente et on redoute des attaques sur le territoire canadien.

Et la nécessité de protéger la population et les sites stratégiques en cas de sabotage ou de raids aériens occupe bientôt les autorités municipales, les forces armées ayant un personnel insuffisant. La réalité est que les avions de l’époque n’ont pas l’autonomie suffisante pour que des appareils allemands puissent venir bombarder le Canada. Le plus proche que les forces allemandes pourront approcher de Drummondville, c’est quand des sous-marins allemands, en 1942 et 1944,  se rendront à hauteur de Rimouski, ce qui est quand même pas mal loin. Des Drummondvillois mourront à la guerre, parmi ceux qui s’engagent ou sont enrôlés dans les Forces armées canadiennes, mais pas ici.

La possibilité de sabotage par des agents infiltrés a pu apparaître plus sérieuse. C’est pourquoi le Parti de l’Unité canadienne, formation profasciste dirigée par Adrien Arcand est déclarée illégale. En août 1940 la plupart de ses membres sont arrêtés, dont un certain Gérard Lemieux résidant à Lefebvre, interné après un procès à huis clos où il fut condamné pour trahison, espionnage et complot dans le but de renverser le gouvernement. Sept autres membres du Parti furent arrêtés dans la région Centre-du-Québec. En 1942, un ouvrier de la Celanese, Euclide Gagné est condamné à une amende pour des propos jugés séditieux et avoir, entre autres, accroché une photo d’Hitler au-dessus de son établi et avoir souvent fait le salut nazi. On le voit : les libertés étaient sévèrement restreintes à l’époque.

C’est dans ce climat de peur que le maire Arthur Rajotte convoque la Ligue des propriétaires, la Chambre de commerce et divers autres organismes pour mettre sur pied un « Comité de protection civile ». Cet organisme recrutera des volontaires chargés de seconder les pompiers, les policiers, de patrouiller les rues et de transmettre les consignes en cas d’alerte.

Bien sûr, il n’y aura jamais d’alerte. Il s’ensuit que le Comité ne fut guère utile à autre chose qu’à organiser des « exercices d’obscurcissement » qui consistaient à arrêter les véhicules, éteindre les phares, arrêter de fumer à l’extérieur, rentrer à l’intérieur, fermer les fenêtres des édifices publics et industriels. Tout cela pour compliquer la tâche d’éventuels bombardiers ennemis.

De plus on aura de la difficulté à recruter des volontaires comme garde civils car une rumeur veut que le formulaire qu’on fait signer à cet effet soit, en fait, un engagement dans l’armée. De plus, une autre légende urbaine prétend que les « exercices d’obscurcissement »  servaient à amener en secret des réfugiés britanniques pour prendre la place des jeunes drummondvillois dans les industries locales.

Si l’exercice du 3 mai 1942 est un succès, les tentatives suivantes seront moins réussies : la discipline se relâche progressivement. On finit bien par se rendre compte que Drummondville ne court aucun risque.

Ces constations entraîneront la décision, à la fin de l’année 1943, de dissoudre le Comité de protection civile, son inutilité ayant été démontrée. L’émeute de 1945, dont j’ai déjà traité ici, montrera que la méfiance à l’égard des autorités durera jusqu’à la fin de la guerre.

Pour en savoir plus :  Jean Thibault Drummondville à l’heure de la guerre 39-45  La Société d’histoire Drummond, 2009, 194 p

André Pelchat
CHRONIQUEUR
PROFILE

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