DRUMMONDVILLE
Plus de 200 jours à mourir, à pleurer, à perdre, à se battre pour la quête de nourriture pour ses enfants, à perdre ceux-celles qu’on aime, à espérer, à désespérer, à souffrir dans son corps, dans son cœur et dans son âme…
Plus de 200 jours aussi à passer sous silence toutes les agressions à caractère sexuel, tous les viols commis au nom de la guerre. Pour briser le moral des troupes ennemies, en souillant leurs femmes. Pour envahir les ventres d’enfants engendrés par l’adversaire.
L’image est terrible. La réalité l’est encore plus. On en a parlé dans les médias il y a quelque temps. Mais la durée de la souffrance n’a pas bonne presse – désolée pour le mauvais jeu de mots. La violence sexuelle est vécue, jour après jour, principalement par des femmes et des adolescentes, dans les deux camps.
Amnistie internationale l’explique: « Pendant longtemps, dans les conflits armés, le viol et les autres formes de violences sexuelles commises ont été considérés comme inévitables. De simples «dommages collatéraux», des «actes isolés» ou le lot malchanceux de celles ou ceux qui croisaient la route d’hommes en arme» aveuglés par leurs pulsions. En réalité, dans de nombreux cas, les viols et les autres formes de violences sexuelles sont utilisés comme une véritable arme de guerre : de manière massive, systématique, et pour infliger un préjudice physique et psychologique aux personnes ciblées, en particulier au sein de populations civiles. » 1
Mais même cette explication rend la réalité encore plus odieuse. Comment des êtres humains peuvent-ils imposer de tels sévices à d’autres êtres humains, même ennemis? Une des raisons possibles s’impose à moi en tant que féministe : l’objectification du corps des femmes. Telles des pions sur un jeu d’échecs, des chefs d’État, des généraux, en majorité des hommes, les utilisent pour mieux contrôler la nation adverse, les considérant comme la possession des hommes de l’autre camp. Elles n’ont aucune voix au chapitre. Si on pousse la réflexion plus loin, il est facile de considérer L’ENNEMI comme un tout uniforme et malicieux. Lorsque cette vision est partagée par un groupe entier (par exemple, une armée), il devient beaucoup plus facile d’oublier que ceux et celles qu’on assassine, qu’on massacre et qu’on viole, au nom d’une « juste cause », sont des êtres humains COMME NOUS.
Quand on y pense, à qui peut bien servir cette tactique d’objectification des corps? Mais ceci est une autre histoire.
Jocelyne Desjardins
Intervenante au CALACS La Passerelle
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