Programme public de psychothérapie: les psychologues ont d’importantes réserves

Programme public de psychothérapie: les psychologues ont d’importantes réserves
Photo : Archives

CNW Telbec – À première vue, on peut se réjouir des efforts récents que fait le gouvernement dans le domaine de la santé mentale. Il était temps que des ressources supplémentaires soient consenties à ce secteur. Mais le ministre Barrette n’est-il pas en train de redonner ce dont il a privé le réseau public durant les quatre dernières années d’austérité?

 

Nous saluons la venue d’une centaine de postes de psychologues au secteur jeunesse, bien qu’ils soient principalement restreints aux jeunes pris en charge par la DPJ ou ayant des démêlés avec la justice. Mais qu’advient-il du secteur adulte, où une cruelle pénurie de psychologues se fait sentir depuis plusieurs années et les listes d’attente s’allongent de plus en plus?

Quant au programme public de psychothérapie, nous nous demandons dans quelle mesure il sera inspiré du modèle britannique, car celui-ci comporte des lacunes importantes.

Tout d’abord, il oblige la référence médicale pour l’accès à la psychothérapie : le modèle ne tient pas compte de la réalité québécoise alors que la Loi 21 a confirmé aux psychologues l’acte réserve de l’évaluation des troubles mentaux.

Les psychologues sont nettement mieux formés que les médecins au chapitre de la psychothérapie : pourquoi devraient-ils faire le détour par le médecin pour pouvoir traiter les personnes? C’est un inutile ajout de coûts qui en plus, limite l’accès au programme, compte tenu de la grande difficulté de la population à avoir accès à un médecin.

Le modèle anglais impose des protocoles formatés et abrégés qui réduisent le travail des psychologues à celui de techniciens en santé mentale. Une telle approche conduit à la perversion des soins par le déni des réalités de la souffrance émotionnelle, de la dépendance et de la vulnérabilité des personnes, tout en tournant le dos à la complexité requise pour faire face aux personnes en détresse.

Cette standardisation des services de santé mentale nous fait penser à la méthode Lean implantée dans le réseau et récemment désavouée par la Cour supérieure du Québec. Nous craignons la même déshumanisation pour les protocoles de services psychologiques inspirés du modèle britannique : les personnes ne sont pas de petites machines dont on répare les rouages brisés en se limitant au traitement du symptôme.

Mettre un « plasteur » sur le bobo n’est pas suffisant. Les psychologues déplorent que de tels protocoles dénaturent l’essence de la psychothérapie, sans compter que la mécanisation des soins prédispose à l’épuisement professionnel.

Pour intéresser les psychologues à ce programme public de psychothérapie, il faudra faire confiance en leur jugement et leurs habiletés professionnelles et considérer qu’ils sont déjà suffisamment formés pour être accrédités à y intervenir. Et leur permettre de prodiguer les services dont les personnes ont besoin, une clientèle vulnérable qui n’est pas aussi facile à traiter qu’un problème de chaîne de montage.

Comme nous sommes les premiers concernés par l’implantation de ce programme public, nous exigeons d’être au cœur de cette initiative. Il s’agit là d’une condition essentielle au succès d’une telle entreprise.

Eric Beaupré
RéDACTEUR_EN_CHEF
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