Subventionner les médias : une solution ? Une analyse importante des enjeux médiatiques locaux

Subventionner les médias : une solution ? Une analyse importante des enjeux médiatiques locaux
Subventionner les médias, une solution? Une analyse des enjeux médiatiques locaux @ Crédit photo Eric Beaupré / Vingt55 Tous droits réservés.

DRUMMONDVILLE

Avec les nombreuses suppressions de postes dans la plupart des médias, des questions sur l’avenir de l’information locale se posent. Le gouvernement doit-il subventionner les médias? Seront-ils en mesure de s’adapter?

Invité à commenter les récentes annonces, coupures et acquisitions dans les médias, Jonathan Cyrenne, directeur général de Country Pop 103.1 dans la MRC de Maskinongé, et ex-journaliste à Drummondville, partage son point de vue sur les enjeux et la situation actuelle des médias, de l’information locale et régionale.

En premier lieu, il faut savoir qu’il existe plusieurs types de médias. Il y a les plus connus qui sont essentiellement commerciaux, ce qui signifie que leur objectif est de faire de l’argent. C’est le cas, notamment, de Bell Média, de Cogeco Média et de Québécor précise Jonathan Cyrenne. L’information produite sert donc à attirer un auditoire pour y vendre de la publicité, au prix le plus élevé possible. Or, depuis quelques années, on observe une fragmentation de l’auditoire due à la multiplication des plateformes. En conséquence, les campagnes publicitaires sont un peu moins efficaces, car elles atteignent supposément de moins en moins de personnes, entraînant ainsi une baisse de leur valeur.

À cela s’ajoute une compétition jugée déloyale, celle de Radio-Canada. Pour bien comprendre, il s’agit d’une société d’État ce qui signifie que l’essentiel de ses revenus provient de nos impôts, puisque le média est subventionné. Les dirigeants complètent leurs budgets grâce à la vente de publicité. Dans le cas de Radio-Canada, les équipes de vente sont particulièrement agressives et les prix sont parfois très bas, ce qui force les médias privés à réduire leurs tarifs. C’est ce qui est dénoncé par les grands acteurs commerciaux lorsqu’ils parlent de compétition déloyale!

Ensuite, il y a ceux dont la voix n’est pas entendue à sa juste valeur, ceux que je qualifie de médias de proximité de préciser et rappeler le directeur général du 103,1   Il s’agit des médias privés de petite taille qui s’alimentent du contenu de leur communauté et qui sont présents dans leur marché. Certes, leur objectif demeure de réaliser un profit, mais ils le font en respectant leur communauté en s’intéressant à ses besoins et aux habitants qui y vivent. Ils embauchent également localement, et souvent, les propriétaires habitent dans les environs. L’argent reste donc dans la communauté.

Il y a également les médias communautaires. Leur but est d’informer la population de ce qui se passe sur leur territoire. Les recettes publicitaires servent à créer du contenu. Comme il s’agit d’organismes à but non lucratif, ils ne peuvent pas réaliser de profit. Chaque dollar investi dans ce type de média doit servir à réaliser la mission de l’organisme. On peut penser à Radio Acton 103,7 à Acton Vale, Via 90.5 à Bécancour et aux stations de radio Country Pop en Mauricie.

Je crois fermement en l’importance des médias de proximité, et je suis convaincu que l’avenir de l’information passe par eux. En 2019, j’ai quitté les grands acteurs commerciaux pour diriger une radio communautaire en Mauricie. J’étais persuadé qu’un média se devait d’être proche de sa communauté. J’ai trouvé ma place dans ce format. J’ai alors découvert le principe de l’économie sociale, une entreprise qui vend ses produits (dans le cas des radios, il s’agit de publicité) pour réaliser sa mission ; dans notre cas, informer la population. Ainsi, nous avons un bulletin de nouvelles à chaque heure, et nos contenus sont entièrement locaux, ce qui signifie que nous traitons en permanence des événements de notre région. Nous attachons également une grande importance à la promotion des artistes locaux qui créent des contenus correspondant à notre identité sonore.

Alors que les grands médias veulent une aide financière du gouvernement, il est sage d’analyser la situation. Que feront les grands acteurs avec des fonds publics ? Pour aider l’ensemble de l’industrie de la radio et de la télévision, il faudra d’abord revoir les règles du jeu. Dans tous les cas, nous sommes extrêmement réglementés. En retirant des règles, les médias seront en mesure de répondre à la demande des consommateurs. Cela nous permettrait de supprimer des irritants qui déplaisent à l’auditoire et qui poussent les consommateurs à se tourner vers des plateformes numériques non réglementées. Le gouvernement fédéral devrait ainsi soutenir ses médias par une déréglementation, afin de donner un peu d’air.

Ensuite, il y a la loi C-18 du gouvernement Trudeau, appuyée par le Bloc Québécois et le NPD, qui a eu pour effet de censurer les médias sur certaines plateformes de médias sociaux. Cette guerre entre le gouvernement fédéral et Méta (Facebook/Instagram) nous empêche, en tant que média, de publier nos contenus librement sur ces plateformes. Pour ceux qui croient que les géants du web volent les revenus des médias, sachez que nous mettions librement nos contenus sur les plateformes et que personne ne le faisait sans rentabilité. C’est parce qu’il y avait des revenus liés aux clics sur nos plateformes et une visibilité. Dans le cas des radios communautaires que je dirige, cette loi nous fait perdre entre 25 et 35 000$ annuellement ; des revenus numériques développés grâce aux internautes en provenance des médias sociaux.

Donc oui, le gouvernement a une part de responsabilité, mais il n’a pas tout le blâme. Que font les médias pour être compétitifs face à l’offre numérique ? Un placement sur le web permet de connaître avec précision l’audience. Cependant, il est impossible d’obtenir ces données dans la plupart des médias traditionnels appartenant à de grandes entreprises. Combien de personnes ont été atteintes ? D’où viennent-elles ? Quel est leur âge ? Ce sont les principales questions que se posent les annonceurs. Alors que les Facebook et Google de ce monde ont optimisé la diffusion de ces données, les grands acteurs traditionnels ont coupé dans les sondages et n’ont pas investi dans le développement de plateformes de calcul de l’audience.

Il existe cependant une solution qui est disponible depuis plusieurs années. Grâce à StatsRadio, il est possible de déterminer avec précision le nombre d’auditeurs atteints au moment de la diffusion de la publicité ainsi que les caractéristiques de l’auditoire. Donc oui, l’outil existe ! Nous l’avons d’ailleurs mis en place à Country Pop et nos clients en sont particulièrement satisfaits.

Je suis inquiet en ce moment précise Jonathan Cyrenne car, en période de crise, certains grands médias ne remettent pas en question leurs méthodes. À mon avis, il est crucial d’adopter le même langage que le web. Comment évaluer l’efficacité d’un placement dans ces médias s’ils sont incapables de dévoiler leur auditoire ? Les médias ont le devoir de démontrer leur efficacité.

Les grands acteurs ont-ils la capacité de s’adapter rapidement ? L’heure est venue de repenser la publicité. Est-ce qu’elle doit toujours être aussi formatée ? Les publicités de 10, 15 et 30 secondes sont-elles encore les besoins primaires des annonceurs ? Quelles sont les campagnes d’influence dans les médias traditionnels ? Je doute que les grands acteurs soient en mesure de s’adapter rapidement. Il est donc essentiel de faire confiance aux médias communautaires et de proximité qui eux, ont la capacité de s’adapter rapidement.

À Drummondville, est-ce qu’une radio communautaire pourrait représenter une solution pour informer la population questionne Jonathan Cyrenne ?  Je suis convaincu qu’une radio de ce type connaîtrait un grand succès si elle était mise en place pour les bonnes raisons et avec un contenu de qualité. Est-ce qu’un produit comme Country Pop qui diffuse un contenu local de qualité et des bulletins de nouvelles à chaque heure aurait sa place à Drummondville, j’en suis persuadé.

Je crois également que notre gouvernement devrait envisager la possibilité de créer des bulletins de nouvelles à Télé-Québec de préciser Jonathan Cyrenne,  Il pourrait facilement mettre en place une salle de rédaction en travaillant avec les médias communautaires. Ce serait une manière de soutenir les communautés en produisant du contenu local et régional.

Une plateforme québécoise pourrait également être développée pour promouvoir les contenus créés par Télé-Québec et les médias communautaires de proximité, suggère Jonathan Cyrenne, directeur général Country Pop 103.1  Ainsi, l’argent public servirait à une seule chose : produire et diffuser du contenu d’information.

L’heure est venue de repenser notre approche et comme le disait Winston Churchill : « il ne faut jamais gaspiller une bonne crise. »

Éric Beaupré
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