Aller en train de Drummondville à L’Avenir, une idée saugrenue ? ….Raconte-moi l’histoire par André Pelchat

Aller en train de Drummondville à L’Avenir, une idée saugrenue ? ….Raconte-moi l’histoire par André Pelchat
Locomotive ancienne de la compagnie Richelieu, Drummond and Arthabasca Counties Railway @ Société d’histoire de Drummond, Collection régionale ; C1-9.4-29) / Vingt55.Tous droits acquités

DRUMMONDVILLE

Aller en train de Drummondville à L’Avenir ? L’idée, de nos jours, paraît parfaitement saugrenue.

Ce serait néanmoins bien pratique d’avoir un transport en commun entre Drummondville et les municipalités environnantes. Difficile, cependant, d’imaginer la mise sur pied d’un tel service.

Ça n’a pas toujours été le cas, pourtant. Il y a un peu plus d’un siècle les trains reliaient entre elles des localités voisines. Avant que l’automobile ne devienne le moyen de locomotion hégémonique dans nos sociétés.

Le premier chemin de fer dans la région date de 1826 à Kingsey Falls mais les wagons étaient tirés par des chevaux. C’était l’œuvre d’un dénommé James George qui s’en servait pour transporter son bois jusqu’à la rivière. C’était un chemin privé de 6 km, pas un moyen de transport en commun.

Il fallut attendre les années 1870 avant que notre région soit reliée au circuit ferroviaire national.

Au Québec la première locomotive a roulé sur des rails reliant Laprairie et Saint-Jean-sur-Richelieu en 1836. En 1848 commença la construction du Grand Tronc reliant Montréal, Lévis, Halifax et Portland (Maine). En 1853, un nouveau tronçon relia Montréal à Portland en passant par Sherbrooke. L’année suivant, une ligne relia Montréal à Lévis en passant par… Richmond, Danville et Victoriaville, contournant la région de Drummond. Apparemment, le plus important marchand de Kingsey, William Von del Venden, avait fait pression pour que le train ne passe pas dans la région, craignant la concurrence pour son commerce…

C’est finalement dans les années 1870 que sera la compagnie Richelieu, Drummond and Arthabaska Counties Railway  (RD&AC)construira une ligne desservant la région de Drummond. Projetée dès 1861, elle ne sera finalement terminée qu’en 1872, après des luttes d’influence opposant Conservateurs, soutenus par l’élite anglophone de Drummondville, et le « Rouge » Jean-Baptiste-Éric Dorion, dépourvu de tels appuis.  Une rivalité entre un groupe drummondvillois anglophone, dirigé par E.J. Hemming et le magnat canadiens-français du chemin de fer Adélard Sénécal compliqua aussi les choses. De plus, certaines municipalités de la région, sollicitée pour fournir des fonds, refusent totalement de payer si la ligne prévue ne traverse pas leur village.  Enfin construite, la nouvelle ligne reliait Sorel à Drummondville. Un embranchement, baptisé « la petite ligne »,  se rend aussi à L’Avenir à partir de Saint-Guillaume en passant par Drummondville, offrant aux cultivateurs du coin un meilleur accès au marché et rendant plus facile l’approvisionnement des environs en marchandises diverses. Il en est de même à Acton Vale. On parle maintenant d’allonger la ligne pour rejoindre le Grand Tronc vers Nicolet en partant de L’Avenir.

On peut voyager de L’Avenir, ou de Saint-Guillaume, à Drummondville en moins d’une heure. C’est lent selon nos critères actuels mais beaucoup plus rapide qu’à pied ou en calèche.

Évidemment, le train a ses inconvénients : si vous allez quelque part en train, une fois rendu à la gare, vous êtes à pied. Il vous faut encore vous rendre à votre destination finale. Si celle-ci n’est pas tout près de la gare, vous avez besoin d’un autre moyen de transport qui, à l’époque, ne peut être qu’hippomobile. Charrette, calèche, traîneau en hiver. Surtout si vous avez des bagages ou des marchandises.  Néanmoins, le temps sauvé par le trajet parcouru en train est considérable. De plus, le train peut transporter des quantités de fret sans commune mesure avec les autres moyens de transport et va beaucoup plus vite que les transports par eau. Il permet une intégration beaucoup plus poussée de l’économie d’un territoire donné. C’est ce qui explique son importance dans l’économie de l’époque : les municipalités desservies par le chemin de fer connaîtront une croissance incomparablement plus rapide et importante que les autres.

Mais, en 1872, la RD&AC est vendue à de nouveaux financiers dirigés par un certain Bradley Barlow et prend le nom de South Eastern Railway (SER).  Il est décidé que le point de jonction avec le Grand Tronc sera à Acton Vale.  La ligne qui mène à L’Avenir devient un cul-de-sac. Elle dessert bien le village et le relie à Drummondville mais offre peu d’intérêt financier pour les propriétaires.

Un malheur n’arrivant jamais seul, en 1873, une explosion se produit dans un moulin à scie qui se trouve tout près d’un pont faisant partie de la « petite ligne ». Le pont s’effondre, empêchant de circuler en train entre Drummondville et L’Avenir.  Il faudra plus de trois ans avant qu’il soit reconstruit, ce qui en dit long sur le peu d’intérêt que la compagnie de chemin de fer vouait à cette partie de son réseau.

À partir de 1875, on commence à remplacer les rails de bois* par des rails de fer. Sur « la petite ligne », les travaux ne débuteront qu’en 1882. L’année suivante, Barlow et la SER font faillite et les travaux s’arrêtent à Wheatland.

Le Canadian Pacific Railway (CPR) devient ensuite actionnaire majoritaire du SER et n’a aucun intérêt à garder la ligne Sorel-Drummondville, jugée non rentable. Mais voilà, le pont qui traverse la Yamaska entre Sorel et Saint-Guillaume s’effondre de nouveau et le CPR refuse simplement de le reconstruire et décide l’abandon de la ligne entre Saint-Guillaume et L’Avenir.

En 1894, on retire les rails. C’est la fin du service entre L’Avenir, Drummondville et Saint-Guillaume. C’est une des causes principales qui expliquent que Drummondville soit devenu une ville alors que L’avenir et Saint-Guillaume sont restés des villages.  Quand au problème du transport en commun dans les régions hors de Montréal et de Québec, il reste entier en 2024.

 

*Voir ma précédente chronique «Au temps des chemins de fer … en bois

André Pelchat
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