Waste Management – La cour supérieure donne 120 jours au gouvernement pour ajuster son décret et refaire ses devoirs

Waste Management – La cour supérieure donne 120 jours au gouvernement pour ajuster son décret et refaire ses devoirs
Waste Management – La cour supérieure donne 120 jours au gouvernement pour ajuster son décret et refaire ses devoirs © Crédit photo Eric Beaupré / Vingt55. Tous droits réservés.

DRUMMONDVILLE

L’honorable juge Katheryne A. Desfossés a tranché, dans une décision rendue mardi dernier, que le décret 1235-2021, présenté par le gouvernement de François Legault, est invalide et non conforme. Ainsi, le tribunal suspend celui-ci pour une période de 120 jours afin de permettre au gouvernement de présenter un nouveau décret.

Pont de presse : Stéphanie Lacoste Mairesse de Drummondville © Vidéo Vingt55. Tous droits réservés.

Une victoire qui pourrait être de courte durée pour la ville de Drummondville puisque le tribunal donne 120 jours au gouvernement du Québec pour déposer un nouveau décret, ou voir la direction de Waste Management aller en appel de cette décision, ce qui permettrait également de poursuivre les opérations d’agrandissements sur le site de Waste Management, situé à St-Nicéphore

« Le jugement prouve que nous avions toute la légitimité de réclamer l’annulation du décret », a affirmé Stéphanie Lacoste, mairesse de Drummondville, en conférence de presse, ce matin.

« Ce jugement de la cour supérieure est une victoire pour la Ville de Drummondville », a-t-elle déclaré, faisant suite à la décision de la juge, l’honorable Katheryne A. Desfossés.

« Nous avions toute la légitimité de réclamer l’annulation du décret gouvernemental concernant l’imposition d’une zone d’intervention spéciale (ZIS). Nous savions que nous avions raison de défendre les intérêts de la population de Drummondville dans ce dossier. » C’est en ces termes que la mairesse de la Ville de Drummondville, Stéphanie Lacoste, a réagi, ce matin, en point de presse, au jugement rendu hier par la cour supérieure dans la cause l’opposant au procureur général du Québec concernant la déclaration d’une ZIS afin de permettre l’agrandissement du lieu d’enfouissement technique (LET) opéré par la multinationale américaine Waste Management, dans le secteur Saint-Nicéphore.

« La juge nous donne raison sur le fait que le gouvernement n’a pas suivi les règles de sa propre Loi sur l’aménagement et l’urbanisme lorsqu’il a décrété une zone d’intervention spéciale. Aux yeux de la cour, le périmètre retenu pour la ZIS pose problème et l’absence d’une durée d’application montre qu’il est futile de vouloir agir en urgence sur du long terme », a affirmé Stéphanie Lacoste, citant l’honorable juge Desfossés à l’effet « qu’une ZIS n’est pas un outil occulte de gestion à long terme », invitant par le fait même le gouvernement à prévoir un délai et des balises plus claires, comme l’a précisé la juge.

Le tribunal suspend donc, pour une durée de 120 jours, le présent jugement afin de permettre au gouvernement de faire le nécessaire pour rencontrer les exigences requises et, s’il le souhaite, de présenter un nouveau décret visant la création d’une ZIS qui serait conforme à la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme.

Durant cette période de 120 jours, le gouvernement du Québec pourrait donc délimiter la zone et la période de la ZIS dans un nouveau décret afin de satisfaire aux manquements soulevés par le tribunal.

Si la mairesse Stéphanie Lacoste indique que l’opposition de la ville était légitime, la victoire est, toutefois, moins sûre sur le long terme.

En effet, questionné sur la décision en entrevue téléphonique avec le Vingt55, Martin Dussault, Directeur des Affaires publiques Waste Management confirme certaines nuance sur ce jugement.

En effet, comme vous le préciser et soulever, explique Martin Dussault, ‘’La juge dit que le gouvernement avait le droit d’adopter une ZIS dans le cadre de la crise sanitaire appréhendée, mais elle ordonne au gouvernement de le baliser. Le décret de 2020 n’est pas touché. Toutes les autorisations environnementales demeurent valides. Ce que la juge dit c’est que la ZIS, elle la trouve mal délimitée en termes de superficie et de durée de vie, ils disent que ça prend une fin à ça, alors que le gouvernement s’était gardé la porte [ouverte] de ne pas mettre de période de fin. » explique M Dussault en entrevue au Vingt55

Dans la décision, il était précisé que le gouvernement pouvait intervenir à tout moment et mettre fin à la ZIS sans que celle-ci soit, toutefois, « éternelle », comme l’a mentionné M. Dussault en entrevue.

« Ce qu’on retient du jugement », a poursuivi M. Dussault, « pour le moment, c’est que le jugement est plus nuancé, d’abord, la juge reconnaît que le gouvernement du Québec pourrait adopter deux décrets permettant la poursuite des opérations du site de Drummondville pour assurer une capacité suffisante de disposition des matières résiduelles dans le sud du Québec, afin de prévenir la crise sanitaire appréhendée. La juge confirme en effet la validité du décret qui permet la poursuite des opérations sur ce qu’on appelle les phases 2 et 3A, depuis octobre 2021 jusqu’à la fin d’octobre 2022

La juge reconnaît également que le gouvernement pouvait procéder à la création d’une ZIS et ordonne au gouvernement de la baliser la demande comme le précise l’honorable Katheryne A. Desfossés.  Nous, à ce stade-ci, on demeure attentifs à la direction que va prendre le gouvernement du Québec dans le dossier et on va évaluer nos options en fonction des orientations qui vont être prises par le gouvernement », a-t-il conclu.

La majorité des arguments de la Ville rejetée par le tribunal, dont celle de l’acceptabilité sociale

L’honorable juge a tablé sa décision sur l’absence de limites dans la durée du temps de la ZIS tel que soumis, donnant raison en partie à la Ville de Drummondville, qui s’oppose à tout décret.

Tenir une consultation publique ne signifie pas qu’il faille suivre ce que le public demande

C’est ce qu’a précisé la juge Desfossés, dans sa décision, aussi frustrant que cela puisse sembler pour les personnes consultées. Toutefois, dans l’éventualité où le processus de création d’une ZIS doive être repris, « le gouvernement devra procéder à une nouvelle consultation publique et s’assurer de considérer véritablement les commentaires soumis par les personnes consultées relativement au périmètre et à la durée proposée », consultation qui, cependant, de l’avis de plusieurs citoyens et groupes opposés au projet de ZIS rencontrés par le Vingt55, n’a aucune valeur ou poids dans les décisions finales puisque « les dés semblent pipés d’avance », comme nous l’ont mentionné plusieurs d’entre eux.

Martin Dussault, Waste Management, Justine Provencher Chef de division affaires juridiques et contentieux et Stéphanie Lacoste Mairesse de Drummondville @ Crédit photo Eric Beaupré Vingt55

Des discussions qui arrivent trop peu, trop tard

Au regard du débat soulevé par le dossier de l’enfouissement des déchets dans la région par Waste Management et de la situation actuelle dans laquelle sont plongés le gouvernement du Québec et la Ville de Drummondville, des discussions sur l’environnement auraient dû être entamées il y a une dizaine d’années, de l’avis de plusieurs intervenants rencontrés par le Vingt55.

« C’est écrit noir sur blanc dans le jugement », a martelé la mairesse Lacoste. « Le ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques sait au moins depuis 2017 qu’une fermeture du LET de Waste Management à Drummondville en 2021 allait engendrer des problèmes en raison de son importance », a-t-elle précisé.

Un grand défi de société, comme le précise la mairesse de Drummondville

Le rapport d’enquête et d’audience publique du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement intitulé « L’état des lieux et la gestion des résidus ultimes », déposé en janvier 2022, révèle que plusieurs lieux d’élimination arriveront à la limite de leur capacité, d’ici quelques années, ce qui laissera les collectivités qui en dépendent aux prises avec l’obligation de trouver impérativement des solutions de remplacement.

« Je crois sincèrement que ce n’est pas avec des poursuites, des décrets ou des lois spéciales que nous relèverons le défi de la gestion des matières résiduelles au Québec, mais plutôt en se parlant, en discutant ensemble, ce que la Ville de Drummondville est toujours disposée à faire pour trouver des solutions durables et responsables avec nos différents partenaires », a affirmé la mairesse de la Ville de Drummondville lors du point de presse.

 « Cette décision de la juge Desfossés est peut-être une victoire juridique pour la Ville de Drummondville, mais ce n’est pas encore une victoire environnementale, en lien avec la gestion des matières résiduelles. Nous sommes devant un grand défi de société et toutes les parties concernées devront l’aborder en se concertant pour agir dans le meilleur intérêt de notre collectivité », a-t-elle insisté.

Du côté du ministre Lamontagne et député de Johnson, le cabinet confirme avoir pris connaissance de la décision, explique Jérémie Comtois. « Le gouvernement prendra bien sûr le temps d’étudier la décision et se réserve le temps d’évaluer l’ensemble du dossier avant de se prononcer », a confirmé l’attaché politique, contacté par le Vingt55.

Si 120 jours nous mènent au moins à la mi-septembre, il est probable que le gouvernement de François Legault, qui se trouvera en pleine campagne électorale à ce moment, ne souhaitera pas discuter de ce dossier durant cette période avec les électeurs, la Ville de Drummondville et les médias. Deux options se trouvent donc devant lui : présenter rapidement un décret révisé qui satisfait aux exigences de la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme ou compter sur l’appel pour tenter de casser la décision de la juge, ce qui prendra, vraisemblablement, plusieurs mois.

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Éric Beaupré
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