PRÉVENTION DU SUICIDE – LA CHRONIQUE DE JULIE | L’été? Non merci

PRÉVENTION DU SUICIDE – LA CHRONIQUE DE JULIE  | L’été? Non merci
© Photos : Éric Beaupré. | Tous droits réservés.

CHRONIQUE DE JULIE

Suzie est assise à l’ombre sur un banc de parc au centre-ville. Il fait particulièrement chaud aujourd’hui, une vraie belle journée d’été.

Caniculaire. Les fleurs plantées un peu partout sont magnifiques, pleines de couleur; les papillons en profitent pour y faire une petite pause. Il y a du monde partout. On dirait que la ville entière s’est donné le mot pour venir ici en profiter.

Les p’tits couples se promènent main dans la main. Des «summer love», peut-être? Peu importe… Elle les regarde, les envie aussi un peu tout de même. Elle sait très bien comment ils se sentent, elle a déjà été celle dont on tient la main. Ils ont le sourire aux lèvres, le pas synchronisé. Un vrai cliché. Oui, c’est vrai mais… Ils sont beaux pareil.

En bruit de fond, elle entend des enfants qui se baignent. Elle ne les voit pas mais elle comprend qu’ils sont sûrement dans la piscine publique non loin d’elle.

Ça éclabousse de partout, autant l’eau que leurs éclats de rire. Nul besoin de les voir pour savoir qu’ils s’amusent bien. Dommage que ça coute quelque chose la baignade, elle irait bien les rejoindre… Il fait si chaud.

Derrière elle, les cloches de l’église se mettent à sonner ; en se retournant, elle voit les grandes portes s’ouvrir, les gens sortir en riant et les mariés faire leur apparition. Tout le monde prend la pose pour la photo officielle, CLIC!

Le cliché parfait des gens heureux. Ça fait rêver… De vieux rêves de princesses avec de belles robes de toutes les couleurs. Ça fait longtemps qu’elle ne rêve plus à ce genre de choses, mais pourtant, l’espace d’un instant, tout est revenu.

Son attention est vite redirigée ailleurs toutefois, sur la terrasse du pub de l’autre côté de la rue. Plein de belles personnes s’y entassent en riant, amis ou collègues de travail sans doute, réunis pour fêter quelque chose ou quelqu’un. Chin! Chin!

Elle se demande si elle pourra retourner à l’école ou au travail un jour ; se sentir utile, appréciée et investie.  Elle en glissera un mot lors de son prochain rendez-vous.

Bon, ça suffit. Suzie se lève afin de retourner chez elle. Elle marche lentement, l’esprit occupé par trop de choses. Une petite famille tourne le coin devant elle, les enfants ont de la crème glacée plein le sourire, ils sont drôles. Ça lui donne le goût… Chocolat trempé dans le chocolat svp !

Elle est presqu’arrivée chez elle où son demi sous-sol l’attend. Le proprio la salue d’un geste rapide du menton pendant qu’il coupe le p’tit carré de gazon.

Ça sent tellement bon de l’herbe fraîchement coupée! Elle aimerait bien pouvoir en profiter mais le p’tit coin vert derrière le bloc, c’est uniquement à l’usage des locataires du rez-de-chaussée.

Elle se contente donc de prendre une grande respiration qui lui rappelle ses étés à la campagne; c’était il y a longtemps, avant la séparation de ses parents, le déménagement en ville et tout le reste…

Elle se rappelle tout particulièrement des après-midi de baignade, des feux de camp le soir, de son pyjama qui sentait l’air frais, comme s’il venait tout juste d’être décroché de la corde à linge. Dommage qu’elle n’ait plus de liens avec sa famille…

Une odeur enivrante d’hot-dog cuits sur le BBQ se faufile tout-à-coup jusqu’à elle, lui chatouillant les narines et lui rappelant qu’il est l’heure de souper et qu’elle a faim.

Elle en prend une bonne bouffée même si ça a comme effet de lui tordre les boyaux de l’estomac. Elle réalise que ce sont justement ses voisins du rez-de-chaussée qui se préparent un p’tit souper en tête à tête, les pieds dans le gazon fraîchement coupé, le vin cheap de dépanneur sur le coin de la table.

Elle accélère le pas pour rentrer chez elle, même si personne ne l’attend. Surdose du bonheur des autres. Elle préfère retourner dans son p’tit cocon bien à elle où il n’y a ni piscine, ni crème-glacée, ni BBQ.

Rien pour lui rappeler à quel point c’est beau l’été. Elle mange ce qu’il y a dans le frigo. Elle écoute un peu la télé. Tantôt, elle appellera la ligne d’écoute ; ce sera son p’tit moment d’échange avec un autre être humain. Ironique tout de même puisqu’elle a été entourée de monde tout l’après-midi!


La solitude, ça se vit aussi en public apparemment. Elle en profitera pour parler de sa journée, de ses souvenirs d’enfance et de ses rêves de princesses. Peut-être aussi qu’elle parlera de ce que ça lui fait vivre à l’intérieur mais peut-être pas non plus.


Parfois, elle préfère éviter les sujets trop sensibles et se contente de se changer les idées en parlant de tout et de rien. À la fin de l’appel, ça lui aura fait du bien. Petit répit de sa vie.

Demain, il fera sûrement beau.


Je suis là.#onjase.

Julie Ouellet
CHRONIQUEUSE
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